Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler les arrêtés du 11 mars 2020 par lesquels le préfet du Haut-Rhin, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et, l'a assigné à résidence pendant quarante-cinq jours et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2003083 du 8 juin 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC02963 le 9 octobre 2020, M. B... E..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 juin 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Haut-Rhin du 11 mars 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation individuelle, compte tenu des erreurs de fait qui entache la décision contestée ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire :
- elle est insuffisamment motivée, car il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et n'a pas quitté la France pour y revenir irrégulièrement en janvier 2019 ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- la décision attaquée est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est entachée d'insuffisance de motivation (les motifs sont erronés) et d'un défaut d'examen ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant assignation à résidence :
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions précitées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 avril 2021, l'instruction a été rouverte.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... E..., ressortissant du Kosovo né le 20 avril 1987, est entré irrégulièrement en France en dernier lieu en janvier 2019, selon ses déclarations, accompagné de son épouse. Après un contrôle routier effectué à Mulhouse, il est apparu que l'intéressé était entré une première fois en France en juillet 2013, qu'il y avait déposé en vain plusieurs demandes de titre de séjour et qu'il avait déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement qu'il n'avait pas exécutées. Le préfet du Haut-Rhin a pris alors à son encontre, le 11 mars 2020, d'une part, un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et, d'autre part, un arrêté l'assignant à résidence pendant quarante-cinq jours. M. E... fait appel du jugement du 8 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, M. E... soutient, d'une part, que la décision contestée est entachée de plusieurs erreurs de fait, en ce qu'elle relève qu'il était défavorablement connu des services de police, qu'il n'avait engagé aucune démarche en vue de sa régularisation depuis son retour en France et qu'il était entré irrégulièrement sur le territoire français et, d'autre part, que ces erreurs démontrent que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de l'obliger à quitter le territoire français. Toutefois, il est constant qu'il était en possession d'un faux certificat d'immatriculation de son véhicule. S'il prétend qu'il a entrepris plusieurs démarches en vue de sa régularisation, il ne conteste pas qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français depuis qu'il y est entré pour la seconde fois en janvier 2019, sans chercher à régulariser sa situation. Enfin, s'il affirme être parti trois semaines au Kosovo en décembre 2018, sans sa femme et sa fille, pour les fêtes de fin d'année, et être revenu en France de façon régulière, avec son autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 16 janvier 2019, ce document ne permet pas d'entrer régulièrement sur le territoire français et le requérant ne conteste pas sérieusement que son passeport n'était pas muni d'un visa d'entrée valide. Dès lors, les moyens tirés de l'erreur de fait et de ce que le préfet du Haut-Rhin n'aurait pas procédé l'examen de la situation particulière de M. E... avant de l'obliger à quitter le territoire français doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est entré pour la première fois en France en juillet 2013, à l'âge de 26 ans, avant d'en repartir en décembre 2019 pour y revenir en janvier 2020. S'il avait ainsi résidé sur le territoire français de manière quasi ininterrompue depuis sept ans, à la date de l'arrêté préfectoral contesté, la durée de sa présence sur le territoire français s'explique en partie par les démarches vaines qu'il avait entreprises pour obtenir divers titres de séjours et par le fait qu'il n'avait pas exécuté deux précédentes mesures d'éloignement. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à son arrivée en France et où résident notamment ses parents. Par ailleurs, son épouse a fait également l'objet d'une mesure d'éloignement en date du 3 novembre 2018, dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 26 septembre 2019. Dans ces conditions, et nonobstant la scolarisation en France de ses deux filles et la circonstance qu'il dispose d'une promesse d'embauche en qualité de monteur d'échafaudages, M. E... n'est pas en mesure d'établir l'existence de liens personnels ou familiaux en France d'une ancienneté et d'une stabilité telles que le refus de séjour litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par ailleurs, le requérant est connu des services de police pour des faits de vol avec violence commis à Petit-Landau le 20 janvier 2019, et il admet avoir été en possession d'un faux certificat provisoire d'immatriculation. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Il ressort des pièces du dossier que la jeune C..., âgée de six ans, est scolarisée en cours préparatoire, et que la jeune D... est scolarisée en classe élémentaire. Dès lors, rien ne s'oppose à ce que les filles du requérant poursuivent leur scolarité hors de France. En outre, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer M. E... de ses filles, alors que son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée doit ainsi être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant un délai de départ volontaire :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".
9. La décision contestée, qui vise les dispositions précitées et décrit la situation administrative de M. E..., comporte les motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.
10. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 7 que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés
Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :
11. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays d'éloignement.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
12. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
13. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans sa durée, dans l'hypothèse du premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou dans son principe et dans sa durée, dans l'hypothèse du quatrième alinéa du III de cet article, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
14. La décision contestée mentionne les dispositions du premier et du huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que M. E... a fait l'objet de deux précédentes mesure d'éloignement non exécutées, qu'il ne peut pas se prévaloir de liens stables et anciens avec la France et qu'il est défavorablement connu des services de police. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, M. E... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contestée est entaché de plusieurs erreurs de fait. Dès lors, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision contestée et de ce que le préfet du Haut-Rhin n'aurait pas procédé l'examen de la situation particulière de M. E... avant de prendre la décision contestée portant interdiction de retour sur le territoire français doivent être écartés.
15. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 7 que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :
16. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à annuler les arrêtés du préfet du Haut-Rhin du 11 mars 2020. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
19. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. E... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 20NC02963