Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 24 septembre 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2002367 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC02939 le 8 octobre 2020, complétée par un mémoire enregistré le 4 décembre 2020, M. A... E..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 1er octobre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 24 septembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me F... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il a été pris en méconnaissance de son droit d'être entendu prévu à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait, le préfet n'ayant pas pris en considération tous les faits relatifs au dossier ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Un mémoire présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle, concluant au rejet de la requête et se bornant à inviter la Cour à se référer à ses écritures de première instance, a été enregistré le 17 juin 2021, avant clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 24 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- et les observations de M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... E..., ressortissant tunisien né le 16 octobre 1995, est entré irrégulièrement en France en octobre 2017, selon ses déclarations. Le 24 septembre 2020, il a été convoqué et placé en garde à vue par les services de la sécurité publique de Nancy pour des faits de violence volontaire sous la menace d'une arme commis le 2 février 2020. Par un arrêté du 24 septembre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. M. E..., assigné à résidence au sein de la métropole du Grand-Nancy pour une durée de quarante-cinq jours, avec obligation de se présenter chaque mardi et jeudi à 14h 15 au commissariat de police de Nancy, fait appel du jugement du 1er octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 24 septembre 2020 :
2. En premier lieu, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 24 août 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, donné délégation à M. D... B..., directeur de la citoyenneté et de l'action locale, pour signer notamment les décisions faisant obligation à un étranger de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. B..., signataire de l'arrêté contesté, doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle obligeant M. E... à quitter le territoire français et fixant le pays de destination mentionne les textes dont il fait application, notamment l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les 1° et 8° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise qu'à l'occasion d'une mise en garde à vue pour des faits de violence volontaire sous la menace d'une arme commis le 2 février 2020, il a été constaté que l'intéressé était entré irrégulièrement en France et n'avait jamais cherché à régulariser sa situation. Alors que le préfet n'était pas tenu de mentionner dans sa décision l'ensemble des éléments caractérisant la situation de M. E..., l'arrêté litigieux souligne également que ce dernier a un projet de mariage avec une française, enceinte de ses oeuvres, et qu'il a reconnu par anticipation l'enfant à naître. L'arrêté contesté précise enfin que l'intéressé n'a pas allégué encourir des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine. Il comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit être écarté.
4. En troisième lieu, si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
5. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
6. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Enfin, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.
7. Si M. E... soutient qu'il a été privé du droit d'être entendu que lui reconnaît le droit de l'Union européenne, il ne se prévaut d'aucun élément pertinent qu'il aurait été privé de faire valoir et qui aurait pu influer sur le contenu de la décision. Le moyen ainsi soulevé doit donc être écarté.
8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de M. E..., avant de lui faire obligation de quitter le territoire français sans délai et de fixer le pays de destination. Dès lors, le moyen tiré de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.
9. En cinquième lieu, à la supposer avérée, la seule circonstance que le préfet n'aurait pas pris en considération tous les faits relatifs au dossier de M. E... n'est pas de nature à révéler l'existence d'une erreur de fait entachant l'arrêté contesté.
10. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est entré en France en octobre 2017, à l'âge de 22 ans. Il ne résidait ainsi sur le territoire français que depuis un peu plus de deux ans, à la date de l'arrêté préfectoral contesté. En outre, il est constant que l'intéressé n'a jamais cherché à régulariser sa situation depuis son entrée en France, et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à son arrivée récente en France. Par ailleurs, s'il affirme vivre depuis plusieurs années avec sa future épouse de nationalité française, avec laquelle il a eu une fille née le 28 septembre 2020, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, l'ancienneté et la stabilité de sa relation avec Mme C..., alors qu'à ce jour, le mariage n'a toujours pas été célébré, le procureur de la République s'y étant opposé au motif, indiqué dans un courrier en date du 3 janvier 2020, que des indices sérieux faisaient présumer que le mariage envisagé était susceptible d'être annulé pour défaut de consentement. Dans ces conditions, M. E..., auquel il est par ailleurs loisible de retourner dans son pays d'origine pour y solliciter le visa adéquat à sa situation, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. En septième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
13. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
14. Pour les mêmes motifs que ceux développés au point 11 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 24 septembre 2020. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travailler doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. E... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 20NC02939