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08/07/2021 | FRANCE | N°19NC03254

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 08 juillet 2021, 19NC03254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme I... G... F... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les délibérations du 15 novembre 2018 et les " décisions " du 20 novembre 2018 par lesquelles la commune d'Esclavolles-Lurey a exercé son droit de préemption en vue de l'acquisition, d'une part, de parcelles de terres d'une surface totale de 4751 m² et, d'autre part, d'un hangar et d'ensemble parcellaire de 2157 m² situés rue de la Gare.

Par un jugement n° 1900118 du 3 octobre 2019, le tribun

al administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme I... G... F... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les délibérations du 15 novembre 2018 et les " décisions " du 20 novembre 2018 par lesquelles la commune d'Esclavolles-Lurey a exercé son droit de préemption en vue de l'acquisition, d'une part, de parcelles de terres d'une surface totale de 4751 m² et, d'autre part, d'un hangar et d'ensemble parcellaire de 2157 m² situés rue de la Gare.

Par un jugement n° 1900118 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03254 le 8 novembre 2019, complétée par des mémoires enregistrés les 13 février et 28 juillet 2020, M. A... D... et Mme H... F..., représentés par la Selas Devarenne Associés Grand-Est, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 3 octobre 2019 ;

2°) d'annuler les délibérations du conseil municipal d'Esclavolles-Lurey du 15 novembre 2018, ainsi que les " décisions " du maire d'Esclavolles-Lurey du 20 novembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Esclavolles-Lurey une somme de 2 500 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier : la réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation des deux délibérations litigieuses est insuffisamment motivée ; c'est irrégulièrement que le tribunal a estimé que les moyens de légalité interne dirigés contre les décisions contestées étaient irrecevables faute d'avoir été invoqués avant l'expiration du délai du recours contentieux ; les deux courriers du 20 novembre 2018 ayant le caractère de décisions faisant grief, les moyens soulevés contre ces décisions étaient recevables ;

- les deux décisions du 20 novembre 2018 ne sont pas motivées, en méconnaissance de l'article L. 210-3 3ème alinéa du code de l'urbanisme ;

- le droit de préemption litigieux a été irrégulièrement exercé en l'absence de toute délégation et en dehors de toute convention conclue entre la commune et l'Office Public de l'Habitat Aube Immobilier ;

- le motif invoqué par la commune, tiré du besoin de stocker son matériel agricole, ne justifie pas le droit de préemption exercé pour acquérir le hangar en cause, un tel projet ne constituant pas une opération d'aménagement répondant à l'un des objectifs définis par les dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; la commune ne justifie pas de la réalité de ce projet ;

- la commune ne justifie pas de l'existence d'un projet de construction de logements sociaux sur la parcelle non bâtie n° 201811/30, et un tel projet ne se justifie d'ailleurs pas.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2020, la commune d'Esclavolles-Lurey, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... et de Mme G... F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés contre les courriers d'information en date du 20 novembre 2018, lesquels ne font pas grief, sont irrecevables ;

- les moyens de légalité interne soulevés devant le tribunal étaient également irrecevables ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteure publique,

- et les observations de Me E..., pour M. D... et Mme G... F..., ainsi que celles de Me C..., pour la commune d'Esclavolles-Lurey.

Des notes en délibéré présentées par M. A... D... et Mme I... G... F... ont été enregistrées les 29 et 30 juin 2021 et le 7 juillet 2021.

Une note en délibéré présentée par la commune d'Esclavolles-Lurey a été enregistrée le 29 juin 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Les 26 septembre et 25 octobre 2018, M. A... D... et Mme I... G... F... ont signé, le premier en qualité de vendeur, la seconde en qualité d'acquéreure, deux compromis de vente portant respectivement sur l'acquisition, sur le territoire de la commune d'Esclavolles-Lurey, rue de la Gare, d'une part, de parcelles de terres d'une surface totale de 4 751 m², pour un prix de 70 000 euros et, d'autre part, d'un hangar et d'un ensemble parcellaire de 2 157 m², pour un prix de 14 000 euros. La commune a, par deux délibérations de son conseil municipal du 15 novembre 2018, exercé son droit de préemption afin d'utiliser le hangar implanté sur les parcelles bâties pour y stocker le matériel agricole de la commune (délibération 201811/29) et de réaliser six logements sociaux sur les parcelles non bâties (délibération 201811/30). Le maire a informé M. D... et Mme G... F..., par deux courriers en date du 20 novembre 2018, que le conseil municipal avait décidé d'exercer le droit de préemption de la commune sur ces biens et que M. D... pouvait en conséquence, soit décider de les vendre à la commune, soit renoncer à la vente. M. D... et Mme G... F... font appel du jugement du 3 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande d'annulation de ces deux délibérations et de ces deux " décisions ".

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments formulés au soutien du moyen tiré de l'insuffisance de motivation des deux délibérations contestées, a indiqué, au point 4 du jugement attaqué, qu'" il résulte des termes-mêmes des délibérations du 15 novembre 2018, qui visent notamment les dispositions applicables du code général des collectivités territoriales et du code de l'urbanisme, que celles-ci sont suffisamment motivées tant en droit qu'en fait ". Eu égard à ces mentions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement sur ce point doit être écarté.

3. En second lieu, il est constant que le conseil municipal d'Esclavolles-Lurey n'a pas délégué le droit de préemption au maire de la commune. Dès lors, les deux courriers adressés par ce dernier le 20 novembre 2018 à M. D... et à Mme G... F... les informant que le conseil municipal avait décidé d'exercer son droit de préemption pour acquérir les biens ayant fait l'objet des deux compromis de vente des 26 septembre et 25 octobre 2018 ne constituaient pas des décisions susceptibles de recours. En estimant que les conclusions des requérants dirigées contre ces courriers n'étaient pas recevables, et ce, quand bien même les délibérations du 15 novembre 2018 n'y étaient pas annexées, le tribunal administratif n'a donc pas entaché son jugement d'irrégularité.

4. Il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme G... F... ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement attaqué comme étant irrégulier.

Sur la légalité des délibérations attaquées :

5. La demande initiale présentée le 17 janvier 2019 par M. D... et Mme G... F... devant le tribunal administratif ne contenait que des moyens relatifs à la légalité externe des délibérations contestées. Sauf moyen d'ordre public, cette circonstance s'opposait à ce que soient reconnus comme recevables, après expiration du délai de recours contentieux, en première instance comme en appel, des moyens procédant d'une autre cause juridique.

6. M. D... et Mme G... F... ont présenté des moyens touchant à la légalité interne des délibérations décidant de l'exercice du droit de préemption dans leur mémoire en réplique, enregistré le 30 août 2019. A cette date, le délai du recours contentieux était expiré et ces moyens de légalité interne n'étaient donc plus recevables.

7. En appel, M. D... et Mme G... F... n'invoquent aucun moyen de légalité externe, mais font valoir que le droit de préemption litigieux a été irrégulièrement exercé en l'absence de toute délégation et en dehors de toute convention conclue entre la commune et l'Office Public de l'Habitat Aube Immobilier, que le motif invoqué par la commune, tiré du besoin de stocker son matériel agricole, ne justifie pas le droit de préemption exercé pour acquérir le hangar en cause, un tel projet ne constituant pas une opération d'aménagement répondant à l'un des objectifs définis par les dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, que la commune ne justifie pas de la réalité de ce projet et, enfin, qu'elle ne justifie pas davantage de l'existence d'un projet de construction de logements sociaux sur la parcelle non bâtie n°201811/30, un tel projet ne se justifiant d'ailleurs pas. Ainsi que cela a été dit aux points 5 et 6, de tels moyens, qui relèvent de la légalité interne, ne sont pas recevables et doivent être écartés.

8. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des délibérations 201811/29 et 201811/30 du 15 novembre 2018.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge la commune d'Esclavolles-Lurey, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. D... et Mme G... F... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... et de Mme G... F... une somme de 1 500 euros (750 euros chacun) à verser à la commune d'Esclavolles-Lurey au titre du même article.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... D... et de Mme I... G... F... est rejetée.

Article 2 : M. D... et Mme G... F... verseront à la commune d'Esclavolles-Lurey une somme de 1 500 euros (750 euros chacun) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme I... G... F... et à la commune d'Esclavolles-Lurey.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

N° 19NC03254 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03254
Date de la décision : 08/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-08;19nc03254 ?
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