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08/07/2021 | FRANCE | N°19NC02317

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 08 juillet 2021, 19NC02317


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler la délibération du conseil municipal de Ville-sous-la-Ferté du 13 avril 2018 en tant qu'elle approuve le classement en zone naturelle des parcelles cadastrées n° 120 et 121 et, d'autre part, de condamner la commune de Ville-sous-la-Ferté à lui verser une somme de 4 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité du classement de ces parcelles en zone na

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Par un jugement n° 1801331 du 23 mai 2019, le tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler la délibération du conseil municipal de Ville-sous-la-Ferté du 13 avril 2018 en tant qu'elle approuve le classement en zone naturelle des parcelles cadastrées n° 120 et 121 et, d'autre part, de condamner la commune de Ville-sous-la-Ferté à lui verser une somme de 4 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité du classement de ces parcelles en zone naturelle.

Par un jugement n° 1801331 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC02317 le 22 juillet 2019, complétée par un mémoire enregistré le 26 août 2020, M. A... B... et Mme E... B..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 23 mai 2019 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Ville-sous-la-Ferté du 13 avril 2018, en tant qu'elle approuve le classement en zone naturelle des parcelles cadastrées n° 120 et 121 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Ville-sous-la-Ferté une somme de 3 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier : le dispositif du jugement mentionne la commune de " la Ferté-sous-la-Ville ", qui n'existe pas ; il rejette sans aucune motivation le moyen tiré du détournement de pouvoir ; il ne répond pas au moyen tiré du vice de procédure entachant la délibération litigieuse tiré du refus de communication des documents relatifs au projet de révision du plan local d'urbanisme ;

- le classement des parcelles cadastrées n° 120 et 121 en zone naturelle est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 décembre 2019 et 9 mars 2021, la commune de Ville-sous-la-Ferté, représentée par la SCP Colomes-Mathieu-Zanchi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté pour M. et Mme B..., tendant aux mêmes fins que leurs écritures précédentes par les mêmes moyens, a été enregistré le 26 mars 2021, avant clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Par ordonnance du 10 mars 2021, la clôture d'instruction a été reportée du 11 mars 2021 au 26 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteure publique,

- et les observations de Me C..., pour M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 5 juin 2015, le conseil municipal de Ville-sous-la-Ferté (Aube) a décidé de réviser le plan d'occupation des sols (POS) de la commune, approuvé le 21 décembre 1984, et de le transformer en plan local d'urbanisme (PLU). L'enquête publique s'est déroulée du 18 décembre 2017 au 19 janvier 2018. Le projet de PLU a été arrêté par une délibération du 7 avril 2017, puis le PLU a été approuvé par délibération du 13 avril 2018. M. A... B... et Mme E... B... font appel du jugement du 23 mai 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant leur demande tendant à l'annulation de cette délibération en tant qu'elle classe en zone naturelle les parcelles, antérieurement constructibles, cadastrées n° 120 et 121, situées au Lieudit Les Fours à Chaux dont ils sont propriétaires.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si le dispositif du jugement attaqué mentionne la commune de " la Ferté-sous-la-Ville ", qui n'existe pas, et non la commune de Ville-sous-la-Ferté, défenderesse à l'instance, cette erreur matérielle est sans incidence sur la régularité de ce jugement, dont les visas et les motifs font au demeurant référence à la commune de Ville-sous-la-Ferté.

3. En deuxième lieu, ayant indiqué, au point 2 du jugement attaqué, en réponse au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, que le classement en zone naturelle des parcelles cadastrées n° 120 et 121 était conforme au parti d'aménagement retenu par les auteurs du PLU, que ces parcelles s'inscrivaient " dans une vaste zone naturelle traversée par l'Aube ", qu'elles connaissaient régulièrement des épisodes d'inondation et que, si elles étaient situées en zone bleue du plan de prévention du risque d'inondation (PPRI) de l'Aube Amont, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que les auteurs du PLU fixent une réglementation plus contraignante, le tribunal administratif pouvait ensuite, sans entacher sa décision d'insuffisance de motivation, se borner à indiquer que le détournement de pouvoir allégué n'était pas établi.

4. En troisième lieu, il ressort des écritures de première instance que M. B... s'était borné, dans sa requête introductive d'instance et son " mémoire récapitulatif ", au soutien du moyen tiré du détournement de pouvoir, à indiquer que son conseil avait demandé en vain au maire de Ville-sous-la-Ferté, par un courrier du 1er juin 2017, communication de certains documents relatifs au PLU contesté. L'intéressé avait ainsi demandé aux premiers juges, dans la conclusion de ses deux mémoires, de " dire et juger que la commune de Ville-sous-la-Ferté a fait preuve d'un détournement de pouvoir en ne répondant pas aux nombreuses sollicitations de la famille B... ". Le tribunal a, comme cela a été mentionné au point 3 du présent arrêt, expressément écarté le moyen tiré du détournement de pouvoir et n'était nullement tenu de répondre à chacun des arguments développés à l'appui des moyens soulevés devant lui. En ne répondant pas à l'argument portant sur le refus de communication des documents relatifs au projet de révision du PLU, présenté dans les conditions décrites précédemment, il n'a donc pas omis de statuer sur un moyen.

5. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation la décision de première instance comme étant irrégulière.

Sur la légalité de la délibération attaquée :

6. Aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. (...) " Aux termes de l'article R. 151-24 du même code : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ".

7. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Les auteurs du PLU peuvent notamment être amenés à classer en zone naturelle, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation, étant précisé que leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

En ce qui concerne le caractère naturel de la zone :

8. Le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) souligne que la volonté des auteurs du PLU est de " préserver les sites naturels " et de " maintenir les continuités écologiques ", notamment les continuités de la trame bleue. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que la commune rurale de Ville-sous-la-Ferté, située au croisement des vallées de l'Aube et de l'Aujon, est couverte par une zone Natura 2000, ainsi que par une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), et que les parcelles n° 120 et 121 sont situées dans une vaste zone naturelle, en dehors de toutes zones urbanisées, comme l'indique au demeurant la délibération contestée ainsi que le rapport du commissaire-enquêteur. Les premières maisons du bourg sont implantées à 430 mètres de ces parcelles. Dans ces conditions, et alors même qu'un permis de construire un garage bûcher avait été accordé en 1990 sur la partie du terrain remblayée, que l'agrandissement de la partie atelier côté Nord/Est du bâtiment existant et la création d'un abri de jardin avaient été jugés réalisables sur les parcelles litigieuses, ou encore qu'un arrêté municipal de non-opposition à une déclaration préalable présentée par M. B... avait été pris le 12 mai 2017 pour la transformation du garage en habitation et la pose de menuiseries, le classement de ces parcelles en zone naturelle inconstructible n'apparaît, du point de vue de l'intérêt du site, et au regard des principes rappelés au point 7, entaché ni d'erreur manifeste d'appréciation, ni d'inexactitude matérielle.

En ce qui concerne le caractère inondable de la zone :

9. Le PADD fait également état de la volonté des auteurs du PLU de prendre en compte le risque d'inondation. Il est constant que la commune de Ville-sous-la-Ferté est concernée par le Plan de Prévention des Risques Inondation (PPRI) de l'Aube Amont, approuvé le 14 octobre 2009, ainsi que le mentionne notamment le rapport de présentation du PLU contesté. A cet égard, le commissaire-enquêteur avait indiqué que les parcelles n° 120 et 121, situées dans le lit majeur de l'Aube, avaient naturellement vocation à être classées en zone naturelle, et souligné qu'elles avaient été en partie inondées lors des dernières inondations de mai 2013, juin 1016, mais aussi à deux reprises en janvier 2018, durant l'enquête publique. En outre, la circonstance que les parcelles n° 120 et 121 soient situées en zone bleue du PPRI de l'Aube Amont, où l'intensité du risque d'inondation est plus limitée qu'en zone rouge, n'interdisait pas aux auteurs du plan local d'urbanisme de les classer en zone naturelle, donc inconstructible. Le moyen tiré de l'absence de caractère inondable de la zone doit donc être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B..., qui ne bénéficiaient d'aucun droit au maintien du classement antérieur de leurs parcelles en zone constructible, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande. Leurs conclusions d'appel tendant à l'annulation de la délibération du 13 avril 2018 en tant qu'elle prévoit le classement des parcelles cadastrées n° 120 et 121 en zone naturelle doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Ville-sous-la-Ferté, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers une somme de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... B... et de Mme E... B... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme B... verseront à la commune de Ville-sous-la-Ferté une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme E... B... et à la commune de Ville-sous-la-Ferté.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

4

N° 19NC02317


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02317
Date de la décision : 08/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Légalité des plans. Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SELARL GOSSEMENT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-08;19nc02317 ?
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