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08/07/2021 | FRANCE | N°19NC00490

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 08 juillet 2021, 19NC00490


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs et de la Haute-Vallée de l'Ognon et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Besançon, d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel le préfet de la Haute-Saône a délivré à la société des Carrières de Ternuay une autorisation unique pour exploiter une carrière sur la commune de Ternuay-Melay-et-Saint Hilaire, défricher une superficie de 7,7 hectares et déroger à l'interdiction de destruction d'espèces protégées ainsi que l'arrêt

é du 7 juillet 2017 par lequel le préfet de la Haute-Saône a abrogé la décision par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs et de la Haute-Vallée de l'Ognon et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Besançon, d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel le préfet de la Haute-Saône a délivré à la société des Carrières de Ternuay une autorisation unique pour exploiter une carrière sur la commune de Ternuay-Melay-et-Saint Hilaire, défricher une superficie de 7,7 hectares et déroger à l'interdiction de destruction d'espèces protégées ainsi que l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel le préfet de la Haute-Saône a abrogé la décision par laquelle il a implicitement rejeté la demande de la société des carrières de Ternuay portant sur le même objet.

Par des jugements n° 1701592, 1701593 et 1701901 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel le préfet de la Haute-Saône a délivré à la société des Carrières de Ternuay une autorisation unique.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête enregistrée sous le n° 19NC00490 le 18 février 2019 complétée par un mémoire enregistré le 31 janvier 2020, la société des carrières de Ternuay représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) à titre principal d'annuler le jugement n° 1701592 et 1701593 du tribunal administratif de Besançon du 18 décembre 2018 ;

2°) à titre subsidiaire de faire usage des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;

3°) de mettre à la charge de l'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs et de la Haute-Vallée de l'Ognon la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu à une partie des conclusions développées en première instance alors qu'il avait l'obligation d'y répondre expressément ;

- le tribunal a commis une double erreur de droit et de fait ;

- s'agissant d'une part des capacités techniques et financières de la SCT, le tribunal se devait d'appliquer les nouvelles dispositions des articles L. 181-27 et D 181-5-2 du code de l'environnement et la société a justifié disposer de capacités techniques et financières suffisantes ;

- s'agissant d'autre part de la motivation de la dérogation espèces protégées, le tribunal a également commis une erreur de droit et de fait dès lors que les impacts du projet sont mineurs et que ce projet présente un intérêt public majeur ;

- il appartient à l'intimée de justifier que l'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs est l'ayant droit de l'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs et de la Haute-Vallée de l'Ognon requérante de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2019, l'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société des carrières de Ternuay la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés ;

Par un mémoire en défense enregistré le 13 août 2020, la ministre de la transition écologique de la cohésion des territoires et de la mer a indiqué qu'elle n'entendait pas produire d'écritures dans cette instance.

II- Par une requête enregistrée sous le n° 19NC00491 le 18 février 2019 complétée par un mémoire enregistré le 31 janvier 2020, la société des carrières de Ternuay représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) à titre principal d'annuler le jugement n° 1701901 du tribunal administratif de Besançon du 18 décembre 2018 ;

2°) à titre subsidiaire de faire usage des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;

3°) de mettre à la charge de l'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs et de la Haute-Vallée de l'Ognon la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu à une partie des conclusions développées en première instance alors qu'il avait l'obligation d'y répondre expressément ;

- le tribunal a commis une double erreur de droit et de fait ;

- s'agissant d'une part des capacités techniques et financières de la SCT, le tribunal se devait d'appliquer les nouvelles dispositions des articles L. 181-27 et D 181-5-2 du code de l'environnement et la société a justifié disposer de capacités techniques et financières suffisantes ;

- s'agissant d'autre part de la motivation de la dérogation espèces protégées, le tribunal a également commis une erreur de droit et de fait dès lors que les impacts du projet sont mineurs et il présente un intérêt public majeur ;

- il appartient à l'intimée de justifier que l'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs est l'ayant droit de l'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs et de la Haute-Vallée de l'Ognon requérante de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2019, Mme A... conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société des carrières de Ternuay la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés ;

Par un mémoire en défense enregistré le 13 août 2020, la ministre de la transition écologique de la cohésion des territoires et de la mer a indiqué qu'elle n'entendait pas produire d'écritures dans cette instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n°2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale ;

- l'arrêté ministériel du 31 juillet 2012 relatif aux modalités de constitution de garanties financières prévues aux articles R. 516-1 et suivants du code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Grossrieder, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteure publique,

- et les observations de Me C..., pour la société des carrières de Ternuay, ainsi que celles de Me D..., pour l'association de sauvergarde du plateau des 1000 étangs et Mme A....

Une note en délibéré présentée par la société des carrières de Ternuay a été enregistrée le 1er juillet 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 novembre 2015, la société des carrières de Ternuay a déposé une demande d'autorisation unique portant sur l'exploitation, pendant trente ans, d'une carrière à ciel ouvert de roches volcaniques acides d'une capacité maximale de 250 000 tonnes par an, d'une installation de transit de matériaux minéraux d'une capacité maximale de 9 500 mètres carrés et d'une installation de traitement de matériaux d'une capacité de 650 kW, ainsi que sur le défrichement et l'autorisation de déroger à la protection des espèces protégées sur le territoire de la commune de Ternuay-Melay-et-Saint-Hilaire. Cette demande, qui relevait des dispositions de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 et du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 alors applicables, a été soumise à une enquête publique qui s'est déroulée du 1er juin au 2 juillet 2016. Le 2 août 2016, le commissaire enquêteur a remis son rapport au préfet de la Haute-Saône. Le 3 novembre 2016, le préfet de la Haute-Saône a implicitement rejeté la demande de la société en application de l'article 40 du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014. Par un premier arrêté n° 70-2017-07-07-003 du 7 juillet 2017, le préfet de la Haute-Saône a abrogé cette décision implicite. Par un second arrêté du même jour, portant le n° 70-2017-07-07-005, le préfet a autorisé la société des carrières de Ternuay à exploiter la carrière, à défricher et à déroger à l'interdiction de destruction d'espèces protégées. Par trois requêtes, l'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs et de la Haute-Vallée de l'Ognon d'une part et Mme A... d'autre part ont demandé au tribunal administratif de Besançon l'annulation de ces deux arrêtés du 7 juillet 2017. Par deux jugements du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel le préfet de la Haute-Saône a délivré à la société des Carrières de Ternuay une autorisation unique. Par deux requêtes enregistrées sous les numéros 19NC00940 et 19NC00941 qu'il conviendra de joindre, la société des carrières de Ternuay (SCT) relève appel de ces deux jugements.

Sur l'irrecevabilité opposée par l'appelante :

2. La SCT demande d'écarter les conclusions présentées en défense par l'association de sauvegarde du plateau des 1 000 étangs dès lors que n'est pas établie son identité avec l'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs et de la Haute-Vallée de l'Ognon, qui avait formé la demande de première instance. Il résulte toutefois des pièces du dossier que l'association intimée, à laquelle a été communiquée la requête d'appel, est la même association que celle qui était à l'origine de la saisine du tribunal administratif de Besançon. Les écritures qu'elle a produites devant la cour ne sont donc pas irrecevables.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. La SCT soutient que les jugements attaqués sont entachés d'omission à statuer, en ce sens que les premiers juges n'ont pas statué sur les conclusions qu'elle avait présentées en défense et tendant à ce que le tribunal fasse usage des pouvoirs de régularisation qu'il tient de l'article L. 181-18 du code de l'environnement. Les dispositions de cet article sont applicables aux instances en cours depuis le 1er mars 2017. A défaut pour les premiers juges d'avoir statué sur ces conclusions, qui avaient toutefois été clairement énoncées ainsi que le font apparaître tant les écritures de première instance de la SCT que les visas des jugements dont il est fait appel, il y a lieu d'annuler, dans cette mesure, lesdits jugements et de statuer, par la voie de l'évocation sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement et, par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. En premier lieu, le régime des délais de recours issu de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 et du décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 a été fixé par l'article R. 181-50 du code de l'environnement aux termes duquel : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / 1° Par les pétitionnaires ou exploitants, dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision leur a été notifiée ; / 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3, dans un délai de quatre mois à compter de : / a) L'affichage en mairie dans les conditions prévues au 2° de l'article R. 181-44 ; / b) La publication de la décision sur le site internet de la préfecture prévue au 4° du même article. / Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie. Si l'affichage constitue cette dernière formalité, le délai court à compter du premier jour d'affichage de la décision / (...) ".

5. La demande d'autorisation en litige, déposée dans le cadre du dispositif expérimental, le 30 novembre 2015, devait être instruite et délivrée selon les modalités prévues par l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 et le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014. En revanche, compte tenu de la date à laquelle l'autorisation unique a été délivrée, le 7 juillet 2017, le régime juridique applicable à la décision est celui régissant les nouvelles autorisations environnementales, fixé par le chapitre unique du titre VIII du code de l'environnement, et en particulier le régime des recours contentieux défini par l'article R. 181-50 du code de l'environnement. En conséquence, et en l'absence de toute mention relative à une date de publication de la décision sur le site internet de la préfecture, le délai de quatre mois prévu pour les tiers par le 2° de l'article R. 181-50 du code de l'environnement a commencé à courir à compter de la date de l'affichage en mairie, soit le 17 juillet 2017, pour expirer le 20 novembre 2017. La demande introduite par Mme A... devant le tribunal le 7 novembre 2017 n'était donc pas tardive.

6. En deuxième lieu, les articles R. 181-50 et suivants du code de l'environnement n'imposent plus à l'auteur d'un recours contentieux la formalité, antérieurement prévue par l'article 44 du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014, de la notification préalable de la requête à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Les demandes de premières instance ne pouvaient, en conséquence, pas se voir opposer l'absence d'une telle notification.

7. En troisième lieu, il résulte des documents et études accompagnant la demande d'autorisation que le projet est situé sur le périmètre de la zone Natura 2000 " Plateau des mille étangs " et en zone spéciale de conservation de ce plateau, zone naturelle humide d'intérêt européen. En vertu de l'article 1er de ses statuts, l'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs et de la Haute-Vallée de l'Ognon a pour but la protection et la sauvegarde de la nature et de l'environnement et de la qualité de la région dite " plateau des 1000 étangs " contre toutes atteintes. Eu égard à son objet, cette association justifiait d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté du 7 avril 2017.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 11 des statuts de l'association requérante : " Le président représente l'association en justice dans tous les actes de la vie civile. (...) ". En conséquence, et en l'absence d'autre disposition des statuts conférant à un autre organe le pouvoir de décider d'intenter une action en justice, le président de l'association avait qualité pour présenter la demande contentieuse au nom de l'association.

9. En dernier lieu, il est constant que Mme A..., possède, depuis 2013, une exploitation maraîchère, située dans le hameau des Champs Fourguenons sur la commune de Ternuay, à moins de 500 mètres de la future carrière. Il ressort de l'étude d'impact que son activité, pouvait être concernée par les poussières lors de l'exploitation de la carrière. A ce titre, elle justifiait également d'un intérêt lui donnant qualité pour agir.

10. Il résulte de ce qui précède, d'une part que les fins de non-recevoir invoquées devant le tribunal administratif par la SCT à l'encontre des demandes introduites par l'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs et de la Haute-Vallée de l'Ognon et Mme A... ne peuvent être accueillies, et d'autre part, qu'en l'absence d'autre cause d'irrecevabilité susceptible d'être soulevée d'office, il appartient à la cour de statuer, dans les conditions décrites au point 3, sur les autres conclusions et moyens des parties.

Sur la légalité de l'arrêté du 17 juillet 2017 :

11. Le I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement comporte un ensemble d'interdictions visant à assurer la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats. Sont ainsi interdits en vertu du 1° du I de cet article : " La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ". Sont interdits en vertu du 2° du I du même article : " La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ". Sont interdits en vertu du 3 du I du même article : " La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ". Toutefois, le 4° du I de l'article L. 411-2 du même code permet à l'autorité administrative de délivrer des dérogations à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant à l'absence de solution alternative satisfaisante, à la condition de ne pas nuire " au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle " et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs qu'il énumère limitativement, dont celui énoncé au c) qui mentionne " l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ", " d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique " et " les motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".

12. Il résulte de ces dispositions qu'un projet d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, entre autres conditions, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et si, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

13. Il ressort des pièces des dossiers que le projet autorisé au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement consiste en l'exploitation pendant trente ans, d'une carrière à ciel ouvert de roches volcaniques acides d'une capacité maximale de 250 000 tonnes par an, d'une installation de transit de matériaux minéraux d'une capacité maximale de 9 500 mètres carrés et d'une installation de traitement de matériaux d'une capacité de 650 kW, ainsi que sur le défrichement de 7,77 hectares et contribue ainsi à l'approvisionnement en matériaux extractifs sur le bassin de Lure.

14. Si cette opération présente un caractère d'intérêt public certain, il ressort toutefois des pièces du dossier que la liste des 25 espèces protégées affectées par le projet telle qu'elle figure à l'arrêté contesté du 7 juillet 2017 comporte trois espèces d'amphibiens, 20 espèces d'oiseaux et deux espèces de mammifères et que l'arrêté litigieux a pour effet d'autoriser des travaux conduisant à la destruction de l'habitat de ces espèces protégées. Il comporte ainsi des conséquences irréversibles pour les individus de ces espèces. Le projet se situe par ailleurs sur le site Natura 2 000 du plateau des mille étangs, zone humide naturelle d'intérêt européen. S'il doit permettre une production équivalente à 250 000 tonnes par an en moyenne, la contribution du projet à la production de matériaux extractifs reste modeste. En outre, il est constant que les bassins voisins comptent déjà de nombreuses carrières réparties dans les zones les plus favorables à l'extraction de ces matériaux, alors qu'il n'est ni démontré ni même allégué que le projet de carrière contesté viserait des matériaux d'une qualité exceptionnelle ou présentant des caractéristiques rares. Dans ces conditions, bien que le projet pour lequel la décision attaquée a autorisé une dérogation aux interdictions prévues à l'article L. 411-1 du code de l'environnement revête, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, un caractère d'intérêt public et qu'il soit susceptible de générer des bénéfices socio-économiques pour les entreprises régionales ainsi que la création annoncée par le pétitionnaire de 6 ou 7 emplois directs, il ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c) du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

15. Il résulte de ce qui précède que la société des carrières de Ternuay n'est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges ont estimé que l'arrêté du préfet de la Haute-Saône l'autorisant à exploiter une carrière à ciel ouvert sur le territoire de la commune de Ternuay-Melay-et-Saint-Hilaire était entaché d'illégalité.

16. Il appartient à la cour, statuant par la voie de l'évocation, d'examiner ensuite les conclusions de la SCT visant à ce que la juridiction statue sur la possibilité de régularisation offerte par l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

17. L'article L. 181-18 du code de l'environnement, créé par l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale dispose que : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / (...) / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation (...) ".

18. L'illégalité relevée au point 14 ci-dessus, qui tient à l'absence de raison impérative d'intérêt public de la dérogation à l'interdiction de destruction de l'habitat d'espèces protégées, sans laquelle l'autorisation d'exploiter litigieuse ne pouvait être délivrée, n'est pas susceptible de donner lieu à une régularisation par une décision modificative. En conséquence, les conclusions formulées par la société des carrières de Ternuay et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

20. Ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de Mme A... et de l'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs et de la Haute-Vallée de l'Ognon, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que demande la SCT au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement d'une somme de 2 000 euros chacune à Mme A... et à l'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs et de la Haute-Vallée de l'Ognon en application du même article.

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements n° 1701592, 1701593 et 1701901du tribunal administratif de Besançon du 18 décembre 2018 sont annulés en tant qu'ils n'ont pas statué sur les conclusions de la société des carrières de Ternuay tendant à l'application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la société des carrières de Ternuay est rejeté.

Article 3 : La société des carrières de Ternuay versera à Mme A... et à l'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs et de la Haute-Vallée de l'Ognon une somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société des carrières de Ternuay, Mme A..., l'association de sauvegarde du plateau des 1000 étangs et de la Haute-Vallée de l'Ognon et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Saône.

9

N° 19NC00490-19NC00491


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00490
Date de la décision : 08/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

40-02-01-01 Mines et carrières. Carrières. Questions générales. Législation applicable.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FAVIER
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SCP GIDE LOYRETTE NOUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-08;19nc00490 ?
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