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06/07/2021 | FRANCE | N°21NC00434

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 06 juillet 2021, 21NC00434


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 18 janvier 2021 par lesquels le préfet du Haut-Rhin, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Haut-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement

n° 2100373 du 8 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 18 janvier 2021 par lesquels le préfet du Haut-Rhin, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Haut-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100373 du 8 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés préfectoraux du 18 janvier 2021.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2021, le préfet du Haut-Rhin doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100373 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 8 février 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. D....

Il soutient que :

- les arrêtés du 18 janvier 2021 ne sont pas entachés d'un détournement de pouvoir, dès lors que, se bornant à tirer les conséquences de l'irrégularité du séjour en France de M. D..., ils n'ont pas eu pour motif déterminant d'empêcher le projet de mariage de l'intéressé avec une ressortissante française ;

- M. D... n'a pas porté à la connaissance des services de la préfecture sa relation et son projet de mariage avec une ressortissante française ;

- en l'absence de visa long séjour, il ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français ;

- les éléments versés aux débats par M. D... permettent de douter de la sincérité de son projet de mariage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2021, M. A... D..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le moyen tiré du détournement de pouvoir est établi ;

- la mesure d'éloignement prise à son encontre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, accordée à M. D... le 17 février 2021, a été maintenu par une décision du 15 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D... est un ressortissant kosovar, né le 5 novembre 1982. Après avoir fait l'objet d'une mesure d'éloignement à destination du Kosovo le 2 novembre 2011, le requérant est revenu sur le territoire français à une date indéterminée et a présenté, une nouvelle fois, une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 février 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 10 octobre 2016. En conséquence de ces refus, le préfet du Haut-Rhin a prononcé à son encontre, le 12 décembre 2016, une obligation de quitter le territoire français à laquelle il n'a pas déféré. L'intéressé ayant été convoqué et entendu par les services de la police aux frontières, sur instruction du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Mulhouse pour " suspicion de mariage blanc ", le préfet du Haut-Rhin, par deux arrêtés du 18 janvier 2021, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Haut-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours. M. D... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 18 janvier 2021. Le préfet du Haut-Rhin relève appel du jugement n° 2100373 du 8 février 2021 qui annule ces deux arrêtés.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a déposé en mairie un dossier en vue de la célébration de son mariage avec une ressortissante française. Prévue initialement le 15 janvier 2021, cette célébration a été reportée au 23 février 2021. Le requérant a été convoqué et entendu, le 18 janvier 2021, par les services de la police aux frontières sur instruction du procureur de la République près le tribunal judicaire de Mulhouse. Le procès-verbal de notification du placement en retenue de l'intéressé indique que la convocation en vue d'examiner le droit de séjour s'inscrit dans le cadre d'une enquête " pour suspicion de mariage blanc ". Il est constant que, le même jour, par les arrêtés en litige du 18 janvier 2021, le préfet du Haut-Rhin, a prononcé à l'encontre de M. D..., d'une part, une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et une interdiction de retour d'un an, d'autre part, une assignation à résidence de quarante-cinq jours. Le préfet du Haut-Rhin n'apporte aucun élément précis ou probant de nature à faire douter de la sincérité du projet de mariage du requérant, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il fréquente sa future épouse de nationalité française depuis le mois d'août 2019 et que, s'il a conservé son propre logement jusqu'au début du mois de janvier 2017, il peut néanmoins se prévaloir d'une vie commune avec celle-ci depuis le mois de mars 2020. Au surplus, il résulte du courrier du maire de Munchhouse du 17 février 2021 que le procureur de la République, à l'issue de l'enquête, a décidé de ne pas s'opposer au mariage. Le préfet ne saurait utilement soutenir que M. D... ne l'a pas informé des changements ainsi intervenus dans sa vie privée et familiale et que, en l'absence de visa de long séjour, il ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, Dans ces conditions, alors que l'administration avait connaissance de la situation irrégulière de l'intéressé depuis le mois de décembre 2016, la précipitation avec laquelle elle a agi, une fois informée de ce projet de mariage, conduit à regarder l'obligation de quitter le territoire français attaquée comme ayant eu pour motif déterminant la prévention du mariage de M. D... avec une ressortissante française. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être accueilli.

3. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés du 18 janvier 2021. Par voie de conséquence, il n'y a pas lieu de rejeter la demande présentée en première instance par M. D....

Sur les frais de justice :

4. Il ressort des pièces du dossier que le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, accordée à M. D... le 17 février 2021, a été maintenu par une décision du 15 avril 2021. Son conseil peut donc se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Haut-Rhin est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me B..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... D....

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

N° 21NC00434 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00434
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-06;21nc00434 ?
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