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06/07/2021 | FRANCE | N°21NC00296

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 06 juillet 2021, 21NC00296


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2017 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ensemble la décision du 23 janvier 2018 rejetant son recours gracieux formé le 22 décembre 2017.

Par un jugement n° 1800768 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2021, M. C... A..., repr

senté par Me D..., doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2017 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ensemble la décision du 23 janvier 2018 rejetant son recours gracieux formé le 22 décembre 2017.

Par un jugement n° 1800768 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2021, M. C... A..., représenté par Me D..., doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800768 du tribunal administratif de Strasbourg du 21 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision du préfet de la Moselle du 4 décembre 2017 et du 23 janvier 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer la situation de l'intéressé et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté et la décision en litige ont été prises par une autorité incompétente ;

- ils méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ils méconnaissent également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me D... pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... est un ressortissant monténégrin, né le 1er janvier 1984. Il est entré en France, en dernier lieu, à une date indéterminée sous couvert de son passeport biométrique l'autorisant à séjourner sur le territoire français pendant 90 jours. Le 25 mai 2012, il a épousé, à Mulhouse, une ressortissante kosovare séjournant régulièrement sur le territoire français. Par deux décisions des 24 décembre 2014 et 23 janvier 2015, le préfet de la Moselle a rejeté les demandes, présentées par l'intéressé les 13 octobre 2014 et 15 janvier 2015, tendant à la délivrance d'un titre de séjour en application respectivement des dispositions de l'article L.313-14 et de celles du 7° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le requérant a de nouveau sollicité, le 29 septembre 2016, son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11. Toutefois, par un arrêté du 4 décembre 2017, le préfet de la Moselle a refusé de faire droit à sa demande. Le recours gracieux formé par l'intéressé le 22 décembre 2017 ayant été rejeté le 23 janvier 2018, M. A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté et de la décision préfectorale des 4 décembre 2017 et 23 janvier 2018. Il relève appel du jugement n° 1800768 qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'arrêté du 4 décembre 2017 :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., arrivé en France à une date indéterminée, a épousé à Mulhouse, le 25 mai 2012, une ressortissante kosovare, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle et travaillant en contrat à durée indéterminée comme agent d'entretien et serveuse. Le couple, qui réside à Maizières-lès-Metz, a donné naissance, sur le territoire français, à deux enfants, nés respectivement les 7 septembre 2012 et 22 juin 2016 et tous deux scolarisés. M. A... et son épouse justifient, par les nombreuses pièces versées aux débats, de la réalité et de la stabilité de leur communauté de vie, de leur maîtrise satisfaisante du français et de leur insertion dans la société française. En particulier, dans un courrier daté du 8 janvier 2018 et adressé au préfet de la Moselle, le maire de Maizières-lès-Metz souligne, en lettres manuscrites, que la famille est particulièrement bien intégrée et investie dans la commune. Le requérant fait valoir, en outre, qu'il a une soeur de nationalité française et un frère séjournant régulièrement sur le territoire français. Il produit également plusieurs demandes d'autorisation de travail, établies par des entreprises du bâtiment en vue de son recrutement sur un poste d'aide-électricien ou d'aide-étancheur. Si M. A... a indiqué de lui-même aux services de la préfecture faire des allers-retours réguliers entre la France et le Monténégro, il explique cette situation, sans être démenti sur ce point, par le fait que son passeport biométrique monténégrin ne l'autorise à séjourner régulièrement en France que pour une durée de quatre-vingt-dix jours. Par suite, alors même que le requérant n'établit pas être isolé dans son pays d'origine et qu'il entre dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial, il est fondé à soutenir que l'arrêté du 4 décembre 2017 méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il doit, pour ce motif, être annulé. Par voie de conséquence, la décision du 23 janvier 2018 doit également être annulée.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté et de la décision du préfet de la Moselle des 4 décembre 2017 et 23 janvier 2018. Par suite, il est également fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant sa notification.

Sur les frais de justice :

6. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2020. Son conseil peut donc se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1800768 du tribunal administratif de Strasbourg du 21 octobre 2020 est annulé.

Article 2 : L'arrêté et la décision du préfet de la Moselle des 4 décembre 2017 et 23 janvier 2018 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me D..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

N° 21NC00296 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00296
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-06;21nc00296 ?
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