La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2021 | FRANCE | N°21NC00132

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 06 juillet 2021, 21NC00132


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2020 par lequel le préfet de la Côte d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an.

Par un jugement n° 2002399 du 6 octobre 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2021, Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2020 par lequel le préfet de la Côte d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an.

Par un jugement n° 2002399 du 6 octobre 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2021, Mme C... E..., représentée par Me A..., doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002399 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 6 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Côte d'Or du 29 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour dans les délais respectifs d'un mois et de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant fixation du pays de destination est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que des circonstances humanitaires s'opposaient à ce que le préfet de la Côte d'Or prononce une telle mesure ;

- elle est injustifiée et disproportionnée dans son principe et dans sa durée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Un mémoire en défense, présenté pour le préfet de la Côte d'Or, par Me D..., a été reçu le 22 juin 2021 à 16h59, postérieurement à la tenue de l'audience.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... E... est une ressortissante algérienne, née le 22 janvier 1960. Elle est entrée régulièrement en France le 19 décembre 2012 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour valable du 18 septembre 2012 au 2 janvier 2013. Le 28 avril 2015, la requérante a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles. Par un arrêté du 11 mars 2016, le préfet de la Côte d'Or a refusé de faire droit à sa demande et a prononcé à son encontre une mesure d'éloignement à laquelle elle n'a pas déféré. A la suite de son interpellation, le 28 septembre 2020, par les services de la gendarmerie de Gevrey-Chambertin dans le cadre d'un contrôle d'identité, l'intéressée a été placée en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour. Par un arrêté du 29 septembre 2020, le préfet de la Côte d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an. Mme E... a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 29 septembre 2020. Elle relève appel du jugement n° 2002399 du 6 octobre 2020 qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa du premier paragraphe de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. ". Contrairement aux allégations de Mme E..., la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Si la requérante fait valoir que cette décision ne fait pas état de sa scoliose déformante et invalidante, de son concubinage avec un ressortissant français avec lequel elle se serait mariée religieusement et aurait un projet de mariage civil et de son bénévolat au sein d'une association, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée, qui a déclaré, lors de son audition en retenue pour vérification du droit au séjour du 28 septembre 2020, être célibataire et sans enfant, n'avoir aucune ressource, ni domicile fixe et ne suivre aucun traitement médical, a porté ces différents éléments à la connaissance de l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... est arrivée en France, le 19 décembre 2012, à l'âge de cinquante-deux ans. N'ayant pas déféré à une mesure d'éloignement, prononcée à son encontre le 11 mars 2016, elle se maintient irrégulièrement sur le territoire français. Célibataire et sans enfant à charge, elle ne démontre pas, par la seule production d'une attestation de l'intéressé établie postérieurement à la décision en litige le 22 octobre 2020, vivre en concubinage, s'être mariée religieusement et avoir un projet de mariage civil avec un ressortissant français, veuf depuis 2008, père de trois enfants et exerçant la profession d'ingénieur informaticien. Si elle a indiqué, lors de son audition en retenue administrative pour vérification du droit au séjour du 28 septembre 2020, avoir de la famille à Paris, à Dijon et à Marseille, elle ne justifie pas de la nature de ses liens avec les personnes concernées. Elle n'établit pas, ni même n'allègue, être isolée dans son pays d'origine. Les circonstances qu'elle présente une scoliose déformante et invalidante et qu'elle est bénévole dans une association ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour en France. Par suite, et alors que l'intéressée a également déclaré lors de son audition en retenue être sans ressources et sans domicile fixe, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

5. En troisième et dernier, pour les raisons qui viennent d'être évoquées, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de Mme E....

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

6. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ne peuvent qu'être écartés.

7. En deuxième lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation maque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

8. En troisième et dernier lieu, il ne ressort, ni des motifs de la décision en litige, ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Côte d'Or se serait abstenu de procéder, compte tenu des éléments portés à sa connaissance, à un examen particulier de la situation personnelle de Mme E.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen ne peut être accueilli.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

9. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.

10. En second lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation maque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :

11. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ne peuvent qu'être écartés.

12. En deuxième lieu, aux termes du troisième paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

13. Pour justifier l'adoption d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à l'encontre de Mme E..., le préfet de la Côte d'Or a retenu que l'intéressée est présente sur le territoire français depuis sept ans et neuf mois à la date de la décision en litige, qu'elle s'est soustraite à une précédente mesure d'éloignement et se maintient irrégulièrement sur le territoire français et que, nonobstant les circonstances qu'elle a déclaré avoir de la famille en France et que son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public, elle est célibataire et sans enfant. Dans ces conditions, le préfet a suffisamment motivé sa décision au regard des critères énoncés au troisième paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

14. En deuxième lieu, contrairement aux allégations de Mme E..., il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances humanitaires feraient obstacle à l'édiction de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

15. En troisième et dernier lieu, eu égard aux conditions du séjour en France de Mme E... et aux circonstances relatives à sa vie privée et familiale mentionnées au point 13 du présent arrêt, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre serait injustifiée et disproportionnée dans son principe et dans sa durée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Côte d'Or du 29 septembre 2020. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.

N° 21NC00132 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00132
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-06;21nc00132 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award