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06/07/2021 | FRANCE | N°20NC00405

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 06 juillet 2021, 20NC00405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le maire de Charleville-Mézières lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans assortie d'un sursis de 6 mois.

Par un jugement no 1800790 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrée le 16 février 2020 e

t le 20 juillet 2020, M. A... E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le maire de Charleville-Mézières lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans assortie d'un sursis de 6 mois.

Par un jugement no 1800790 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrée le 16 février 2020 et le 20 juillet 2020, M. A... E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le maire de Charleville-Mézières lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans assortie d'un sursis de 6 mois ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Charleville-Mézières la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure dès lors que les personnes qui ont mené l'enquête interne ont manqué d'impartialité ;

- la commission administrative paritaire, statuant en conseil de discipline, était irrégulièrement composée et a manqué d'impartialité ; ce vice de procédure est susceptible d'avoir eu une influence sur le sens de l'avis ;

- le rapport disciplinaire ne comportait pas toutes les pièces portant atteinte au principe du contradictoire et au droit à un procès équitable ; son dossier individuel ne comportait pas toutes les auditions et celles-ci ne lui ont pas été communiquées en dépit d'une demande en violation de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 et de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- certains des faits qui lui sont reprochés sont inexacts ;

- la sanction contestée est disproportionnée au regard des faits matériellement établis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2021, la commune de Charleville-Mézières, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique,

- et les observations de Me B... pour la commune de Charleville-Mezières.

1. M. E..., rédacteur principal de première classe, employé par la commune de Charleville-Mézières, exerçait les fonctions de responsable du service des sports et de la vie associative. A partir de l'été 2015, plusieurs agents de ce service se sont plaints, auprès de la direction générale des services, d'un mal-être. Face à la persistance des tensions, le maire de la commune a décidé, par un arrêté du 14 mars 2016, d'affecter M. E..., dans l'intérêt du service, sur le poste de chargé de mission protocole et évènements sportifs et d'organiser une enquête interne. A l'issue de l'enquête mettant en cause le management de M. E..., le maire de la commune de Charleville-Mézières a décidé d'engager une procédure disciplinaire contre ce dernier. Le conseil de discipline, saisi par le maire, s'est prononcé favorablement pour la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, dont six mois avec sursis. Par un arrêté du 13 février 2018, le maire de

Charleville-Mézières a infligé cette sanction à M. E.... Par un jugement du 17 décembre 2019, dont M. E... fait appel, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public, le rapport établi à l'issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu'ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication, sauf si la communication de ces procès-verbaux est de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.

4. S'il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 27 avril 2017, M. E... a été informé, de son droit de prendre connaissance de son dossier individuel et du rapport de saisine du conseil de discipline, il est constant que l'ensemble des procès-verbaux d'audition dressés par la commission d'enquête n'a pas été versé dans son dossier individuel et que le rapport de saisine du conseil de discipline, dont l'intéressé a pu prendre connaissance, ne comportait que 7 procès-verbaux sur les 26 établis par la commission d'enquête. L'intéressé l'a d'ailleurs relevé devant le conseil de discipline. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. E... a vainement sollicité, par un courrier du 5 février 2018 réceptionné au plus tard le 9 février suivant par la commune de Charleville-Mézières, soit avant même que ne soit prononcée la sanction disciplinaire en litige, la communication de l'ensemble des procès-verbaux d'audition et que, face au refus implicite de la commune de les lui communiquer, il a été contraint de saisir, le 6 mars 2018, la commission d'accès aux documents administratifs.

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la communication des procès-verbaux qui n'ont pas été transmis à M. E... aurait été de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné, dès lors que celles-ci n'étaient plus sous l'autorité de l'intéressé, compte tenu de son changement d'affectation. En outre nombre de ces témoignages, à la différence de ceux sélectionnés par la collectivité territoriale, étaient soit favorables à l'intéressé, soit d'une teneur très neutre. De plus, dans le rapport d'enquête interne, les noms de la plupart des agents auditionnés, sauf un qui avait refusé que son nom soit cité, étaient mentionnés à l'appui des constatations établies par les membres de la commission d'enquête.

6. Enfin, si les procès-verbaux d'audition sur lesquels l'administration s'est fondée pour saisir le conseil de discipline ont été portés à la connaissance de M. E..., cette circonstance ne dispensait pas la collectivité territoriale de communiquer à l'intéressé tous les autres procès-verbaux dès lors qu'il en avait fait la demande avant l'édiction de la sanction.

7. Dans ces conditions, M. E... est fondé à soutenir que la décision en litige est intervenue en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983. Ce vice de procédure l'a privé d'une garantie. Il s'ensuit que la sanction disciplinaire en litige doit, pour ce motif, être annulé.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de M. E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Charleville-Mézières demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Charleville-Mézières une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 décembre 2019 et l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le maire de

Charleville-Mézières a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans assortie d'un sursis de 6 mois à l'encontre de M. E... sont annulés.

Article 2 : La commune de Charleville-Mézières versera à M. E... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et à la commune de Charleville-Mézières.

N° 20NC00405 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00405
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-06;20nc00405 ?
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