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06/07/2021 | FRANCE | N°20NC00309

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 06 juillet 2021, 20NC00309


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'université de Lorraine à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral.

Par un jugement no 1800624 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 février 2020 et le 3 août 2020, M. D... C..., représent

é par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2019 ;

2°) de cond...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'université de Lorraine à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral.

Par un jugement no 1800624 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 février 2020 et le 3 août 2020, M. D... C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2019 ;

2°) de condamner l'université de Lorraine à lui verser la somme de 100 000 euros, assortie des intérêts légaux à compter de la réception de sa réclamation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Lorraine la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il a été victime, à compter de 2015, d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral qui ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2020, l'université de Lorraine, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique.

1. M. C..., technicien d'exploitation, d'assistance et de traitement de l'information à l'Université de Lorraine, a adressé, le 28 novembre 2017, au président de l'université de Lorraine une demande tendant à la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'une situation de harcèlement moral caractérisé par la dégradation de ses relations avec son supérieur hiérarchique, des plaintes déposées contre lui par des agents, l'acharnement et le dénigrement dont l'administration a fait preuve à son égard. Cette réclamation a été rejetée par une décision du président de l'université de Lorraine du 4 janvier 2018. Par un jugement du 5 décembre 2019, dont M. C... fait appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

3. Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

4. M. C... soutient qu'à compter de l'année 2015, il a été victime d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral qui se sont manifestés par une interdiction de se rendre sur le campus de médecine à la suite d'un différend avec un autre agent, suivie d'une enquête administrative à son encontre en raison d'une plainte le visant pour harcèlement sexuel déposée après qu'il se soit plaint de la dégradation des relations avec son supérieur hiérarchique, d'une mutation et d'une sanction disciplinaire, d'un isolement et d'une stigmatisation liée à des rumeurs sur l'existence de plusieurs plaintes déposées contre lui pour harcèlement sexuel.

5. Toutefois, en premier lieu, si M. C... se prévaut d'un manque de soutien et de partialité de l'administration dans le cadre d'un différend, survenu le 22 septembre 2016, avec une enseignante à la suite duquel il lui a été interdit de fréquenter le campus de médecine, il ressort des pièces du dossier, en particulier du compte rendu du 13 décembre 2016, que l'intéressé a reconnu au moins les propos familiers qu'il avait tenus à l'égard de cet agent et avoir mimé un étranglement. Par ailleurs, contrairement à ce qu'il soutient, il ne ressort pas des pièces du dossier que la proposition de médiation, que l'administration lui a proposée le 14 novembre 2017 pour régler cet incident, participerait d'une stratégie d'acharnement à son encontre.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un courriel du 25 avril 2017, l'administration a convoqué M. C..., dans le cadre d'une enquête interne initiée à la suite d'une plainte pour harcèlement sexuel présentée contre lui par la secrétaire du laboratoire de physiologie. Si l'intéressé fait valoir que cette enquête a été conduite exclusivement à charge, sans même l'informer des griefs qui lui étaient reprochés pour lui permettre de se défendre, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un courriel du 3 mai 2017 et du compte rendu de la réunion du 4 mai 2017, que le motif de la convocation a été porté à sa connaissance ainsi que les faits qui lui étaient reprochés. Si, à l'issue de cette enquête interne, dont les conclusions ont été portées à sa connaissance lors d'une réunion le 9 octobre 2017, le président de l'université a décidé d'engager une procédure disciplinaire en saisissant les services du ministère de l'éducation nationale compétents pour l'instruire, cette mesure, qui ne préjugeait pas de sa responsabilité, n'a pas excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique eu égard à la gravité des faits qui lui étaient reprochés par un autre agent. La mutation d'office de l'intéressé, par une décision du président de l'université du 6 octobre 2017, dans le service Campus Carnot/ Baron Louis de la sous-direction " services aux usagers " à compter du 9 octobre 2017, qui présente un caractère conservatoire compte tenu de la plainte pour harcèlement sexuel, est justifiée par l'intérêt du service et étrangère à tout harcèlement moral. Quant au blâme, il a été prononcé par une décision du 17 mai 2018 de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, dans le respect des droits de la défense, notamment de la faculté, pour l'intéressé, d'accéder à son dossier et de présenter des observations. Une telle sanction, à supposer même qu'elle ne reposerait pas sur des faits matériellement établis, ce qui ne saurait être déduit de la seule absence de plainte pénale, ne saurait caractériser un harcèlement moral de la part de l'université dès lors notamment qu'elle a été prise par la ministre de tutelle.

7. En troisième lieu, M. C... n'apporte aucun élément probant pour établir que les plaintes déposées contre lui, en particulier pour harcèlement sexuel, seraient le fait de proches manipulés par son supérieur hiérarchique cherchant à nuire à sa réputation alors qu'il n'a signalé des difficultés avec son supérieur, au demeurant non étayées, que lors de l'entretien du 4 mai 2017.

8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'administration n'a pas cherché à isoler M. C..., comme il le fait valoir, en lui retirant le 30 mai 2017 des missions dans le secteur " scolarité ", mais qu'elle a seulement pris une mesure de réorganisation dans l'intérêt du bon fonctionnement du service, compte tenu de son absence pour maladie depuis le 9 mai 2017.

9. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment d'un témoignage produit par le requérant, que l'administration l'aurait dénigré auprès du personnel de l'université en propageant contre lui des rumeurs sur l'existence de plaintes pour harcèlement sexuel dans le but de porter atteinte à son image et à sa réputation, ni qu'elle se serait acharnée sur lui pour " le pousser vers la sortie " comme il l'allègue. A cet égard, les attestations produites par M. C..., qui soulignent notamment ses compétences professionnelles et sa courtoisie, ne sont pas suffisantes à établir qu'il serait victime d'un harcèlement moral alors que ses évaluations professionnelles, notamment de 2015 et 2016 lui fixent pour objectif d'améliorer ses relations avec les usagers et le personnel, l'évaluation de 2016 préconisant même à l'intéressé de suivre une formation portant sur les aspects personnels.

10. Enfin, si M. C... présente un état dépressif, pour lequel il a été placé en congé de maladie du 9 mai au 8 octobre 2017, et a fait une tentative de suicide par voie médicamenteuse sur son lieu de travail en janvier 2018, ces circonstances ne suffisent pas à imputer cette situation à des agissements de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie.

11. Dans ces conditions, au regard de l'ensemble de ces éléments, les difficultés de M. C... ne sauraient être regardées comme constitutives d'un harcèlement moral. Il s'ensuit que l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'université de Lorraine a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de

non-recevoir opposée en défense, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université de Lorraine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme demandée par l'université au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'université de Lorraine sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et à l'université de Lorraine.

N° 20NC00309 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00309
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique.

Procédure - Instruction - Preuve.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : AARPI GARTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-06;20nc00309 ?
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