Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2018 par lequel le maire de la commune de Sanchey lui a infligé la sanction du blâme.
Par un jugement n° 1803061 du 3 décembre 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2020, Mme G... E..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1803061 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 3 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Sanchey du 21 septembre 2018 ;
3°) de mettre à sa charge de la commune de Sanchey la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige du 21 septembre 2018 est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté en litige est entaché d'inexactitude matérielle et d'erreur d'appréciation dès lors que les faits reprochés ne sont pas établis et, en tout état de cause, ne sont pas de nature à justifier la sanction infligée ;
- l'arrêté en litige est entaché d'un détournement de pouvoir dès lors que la sanction infligée s'inscrit dans le cadre des agissements de harcèlement moral qu'elle subit de la part du maire de la commune de Sanchey.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2020, la commune de Sanchey, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la requérante aux entiers dépens et à la mise à sa charge d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique,
- et les observations de Me C... pour Mme E... et de Me F... pour la commune de Sanchey.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... E... est adjointe administrative territoriale principale de deuxième classe. Recrutée par la commune de Sanchey (Vosges) à compter du 1er octobre 2004, elle a été titularisée le 1er octobre 2005. Reprochant à l'intéressée un comportement inadapté à l'égard des élus et l'inexécution de diverses tâches lui incombant, malgré les demandes répétées de sa hiérarchie, le maire de cette commune, par un arrêté du 21 septembre 2018, lui a infligé la sanction du blâme. Mme E... a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté municipal du 21 septembre 2018. Elle relève appel du jugement n° 1803061 du 3 décembre 2019 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...)Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. Par ces dispositions combinées, le législateur a entendu imposer à l'autorité qui prononce une sanction disciplinaire de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre du fonctionnaire intéressé, de sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe. La volonté du législateur n'est pas respectée lorsque la décision prononçant la sanction ne comporte, par elle-même, aucun motif et se borne à se référer à un avis ou à un rapport dont le texte n'est, ni incorporé, ni joint à la décision.
4. Il ressort des pièces du dossier que cet arrêté énonce, dans ses visas, les textes dont il fait application et procède, dans ses motifs, à la recension précise et détaillée des différents manquements reprochés à Mme E.... Contrairement à ses allégations, l'intéressée a ainsi été mise à même, à la seule lecture de la décision qui lui a été notifiée, de connaître les motifs de sanction du blâme prononcée à son encontre. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors applicable : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; (...) / Parmi les sanctions du premier groupe, seuls le blâme et l'exclusion temporaire de fonctions sont inscrits au dossier du fonctionnaire. Ils sont effacés automatiquement au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période. / (...) ".
6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
7. Pour infliger à Mme E... un blâme, sanction disciplinaire du premier groupe, le maire de Sanchey s'est fondé, respectivement, sur l'inexécution par l'intéressée d'un certain nombre de tâches lui incombant, malgré les demandes répétées de sa hiérarchie, sur son absence de communication envers les élus et, enfin, sur une erreur de calcul commise par elle dans l'estimation du coût des travaux d'extension de la mairie ayant entraîné, pour la commune, une perte de dotation d'équipement des territoires ruraux de 27 170 euros.
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, malgré les nombreuses sollicitations en ce sens émanant, tant du maire de Sanchey lors des entretiens professionnels des 30 mai 2017 et 16 janvier 2018 sur sa manière de servir au titre des années 2016 et 2017 ou dans ses courriers des 27 septembre 2017 et 19 août 2018, que des adjoints délégués à l'urbanisme dans divers mots ou courriels des 5 octobre 2015, 28 juillet 2016, 15 octobre 2016, 4 novembre 2016, 9 décembre 2016 et 3 septembre 2017, Mme E... s'est abstenue de classer les documents intéressant l'urbanisme, spécialement les certificats d'urbanisme et les déclarations d'intention d'aliéner, par adresse et par identité du pétitionnaire ou du propriétaire. La requérante ne saurait utilement se prévaloir de la charte des archives départementales des Vosges de janvier 2016 pour justifier la pertinence de son classement numérique par année. Par ailleurs, à supposer même que la commune de Sanchey pratiquerait le " débit d'office ", il résulte du courriel adressé à la commune le 12 septembre 2018 par le service " Dépense " de la trésorerie " Epinal Poincaré ", que l'intéressée, qui est également en charge des questions financières et des montages des dossiers de subvention, n'a pas préparé le mandatement des sommes nécessaires au remboursement, au titre des mois de janvier à mai 2018, des échéances des prêts contractés par la collectivité. Enfin, en se bornant à s'exonérer de sa propre responsabilité en invoquant les prétendues carences de sa collègue ou celles du maire, Mme E... ne conteste pas sérieusement la matérialité des faits retenus à son encontre et tirés respectivement de ce que, malgré son engagement à le faire, elle n'a pas expliqué à cette collègue comment utiliser, en son absence, le logiciel " GéoPC " d'instruction des demandes de permis de construire et de déclarations de travaux, ni pris les dispositions pour permettre le règlement en temps utile de certaines factures, ni encore inscrit dans le cahier prévu à cet effet l'ensemble des appels téléphoniques reçus, alors qu'une telle obligation est rappelée dans la note de service aux secrétaires du 16 septembre 2015 qu'elle a refusé de signer.
9. D'autre part, il résulte des comptes rendus des entretiens professionnels de Mme E... des 30 mai 2017 et 16 janvier 2018 que, parmi les points à améliorer, figure notamment le comportement de l'intéressée à l'égard des élus, tant sur le plan relationnel, que sur celui de la communication. Cette appréciation de l'évaluateur est corroborée par le rapport de l'audit de communication effectué au sein de la mairie, à la demande du maire de Sanchey, les 23 novembre et 2 décembre 2016 et par plusieurs courriers ou courriels figurant au dossier, dont il ressort que la requérante peut, en diverses occasions, se montrer méprisante, ironique ou hostile vis-à-vis de ses interlocuteurs, refuser de répondre à leurs sollicitations ou à leurs demandes d'explications ou encore, inversement, s'abstenir de leur transmettre les informations en sa possession. Mme E... ne saurait sérieusement soutenir qu'elle serait victime de " brimades " et d'un " manque de respect " de la part du maire et des élus, dès lors que les courriers et courriels, qui lui sont adressés, sont rédigés en termes mesurés et courtois et que, s'ils comportent parfois des reproches sur son comportement ou sa manière de servir, de telles critiques n'excèdent pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. De même, si la requérante se prévaut de son isolement, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait exclue des réunions avec les élus. En outre, la circonstance que sa collègue occupe désormais à l'étage un bureau séparé du sien, qui se trouve au rez-de-chaussée, résulte des préconisations du rapport d'audit afin de remédier aux difficultés relationnelles existant entre les intéressées.
10. Dans ces conditions, à supposer même que la perte de 27 170 euros au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux ne lui serait pas imputable, les griefs tirés respectivement de l'inexécution de certaines tâches incombant à l'agent et de son absence de communication envers les élus doivent être regardés comme établis et de nature, eu égard à la gravité et à la réitération des manquements en cause, à justifier la sanction infligée. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.
11. En troisième et dernier lieu, compte tenu de ce qui a été aux points 7 à 10 du présent arrêt, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la sanction du blâme, qui lui a été infligée, participerait des agissements de harcèlement moral de la collectivité à son encontre. Par suite, alors que, au demeurant, les éléments versés au dossier par l'intéressée ne permettent pas de faire présumer de l'existence d'un tel harcèlement, nonobstant son placement en congé de maladie ordinaire pour un syndrome dépressif du 1er juin au 12 octobre 2018, le moyen tiré du détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Sanchey du 21 septembre 2018. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur les dépens :
13. La présente instance n'ayant pas généré de dépens, les conclusions présentées par la commune de Sanchey en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de justice :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Sanchey, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme E... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement à la défenderesse d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Mme E... versera à la commune de Sanchey la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Sanchey en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... E... et à la commune de Sanchey.
N° 20NC00263 2