Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 30 avril 2018 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier régional de Metz-Thionville lui a infligé la sanction du blâme.
Par un jugement n° 1803630 du 15 novembre 2019, la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 3 décembre 2020, Mme E... B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1803630 de la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 15 novembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision de la directrice générale du centre hospitalier régional de Metz-Thionville du 30 avril 2018 ;
3°) de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville aux entiers frais et dépens et de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête n'est pas tardive ;
- la décision du 30 avril 2018 a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été informée, dès l'engagement de la procédure disciplinaire, de la nature de la procédure diligentée à son encontre, de la sanction disciplinaire envisagée et des droits inhérents à la procédure disciplinaire, spécialement de son droit à prendre connaissance de son dossier administratif ;
- la décision est insuffisamment motivée en droit et en fait ;
- elle est entachée d'inexactitude matérielle et d'erreur d'appréciation, dès lors que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ou ne présentent pas de caractère fautif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 16 juin 2021, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Aide-soignante titulaire, Mme E... B... exerce ses fonctions au sein du service pneumologie du centre hospitalier régional de Metz-Thionville. Lui reprochant une dégradation de sa manière de servir en 2016 et 2017, la directrice générale de l'établissement, par une décision du 30 avril 2018, lui a infligé la sanction du blâme. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Elle relève appel du jugement n° 1803630 du 15 novembre 2019 qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ". Aux termes de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables. Sauf dispositions contraires du présent code, celui-ci est applicable aux relations entre l'administration et ses agents. ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. Par ces dispositions combinées, le législateur a entendu imposer à l'autorité qui prononce une sanction disciplinaire de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre fonctionnaire intéressé, de sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe. La volonté du législateur n'est pas respectée lorsque la décision prononçant la sanction ne comporte, par elle-même, aucun motif et se borne à se référer à un avis ou à un rapport dont le texte n'est ni incorporé, ni joint à la décision.
4. Il ressort des pièces du dossier que, si la décision en litige vise les textes dont elle fait application, elle se borne, en revanche, à mentionner en termes généraux, sans aucune précision quant aux dates, au contexte ou encore aux personnes concernées par les manquements en cause, les faits reprochés à Mme B..., à savoir " des négligences, des comportements pouvant s'apparenter à de la maltraitance, (...) des manquements graves dans la prise en charge de patients en situation de grande vulnérabilité, en contradiction avec la finalité de la mission d'un professionnel de santé ". Il résulte, en outre, des motifs mêmes de cette décision que, s'il " persiste cependant suffisamment de manquements inadmissibles avérés ", les observations écrites de l'agent, présentées le 8 janvier 2018 par l'intermédiaire de son conseil, ont permis " d'apporter des éléments relativisant, atténuant, voire parfois retirant le caractère fautif de certains faits ". Dans ces conditions, en adoptant une telle motivation, l'autorité disciplinaire n'a pas mis la requérante à même de connaître, à la seule lecture de la décision qui lui a été notifiée, les motifs de la sanction prise à son encontre. Ni la référence, dans les visas de la décision en litige, au rapport de la cadre de santé de l'unité de pneumologie du 27 juillet 2017, dont le texte n'a pas été incorporé ou joint à la décision, ni la circonstance que le centre hospitalier régional de Metz-Thionville a explicité a posteriori, dans ses écritures en défense en première instance et en appel, les deux griefs justifiant, selon lui, la sanction du blâme, en l'occurrence, le 22 juin 2017, le traitement d'un patient de soixante ans en hyperthermie à l'aide de deux glaces alimentaires et, le 15 mai 2017, la distribution d'un plateau repas inadapté à un autre patient de
soixante-dix-huit ans sujet à des fausses routes, ne sont de nature à remédier à cette insuffisance de motivation.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à demander l'annulation de la décision de la directrice générale du centre hospitalier régional de Metz-Thionville du 30 avril 2018. Par suite, elle est également fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les dépens :
6. La présente instance n'ayant pas généré de dépens, les conclusions présentées par Mme B... en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur les frais de justice :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par le centre hospitalier régional de Metz-Thionville au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du défendeur le versement à la requérante d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1803630 du 15 novembre 2019 de la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La décision de la directrice générale du centre hospitalier régional de Metz-Thionville du 30 avril 2018 est annulée.
Article 3 : Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier régional de
Metz-Thionville en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au centre hospitalier régional de Metz-Thionville.
N° 20NC00183 2