Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy, par une requête enregistrée sous le n° 1801202, d'une part, d'annuler l'arrêté du 4 juin 2014 par lequel le président du conseil régional de Lorraine l'a révoqué et d'autre part, d'enjoindre au président de la région Lorraine, devenue région Grand Est, de le réintégrer dans son emploi et de reconstituer sa carrière. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 1801588, M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner la région Grand Est à lui verser la somme de 71 472 euros en réparation des préjudices subis du fait du maintien de la décision de révocation prise à son encontre.
Par deux jugements n° 1801202 et n° 1801558 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.
Procédures devant la cour :
I- Par une requête enregistrée le 8 août 2019, sous le n° 19NC02572, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1801202 du 18 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision de révocation du 4 juin 2014 du président du conseil régional de Lorraine ;
3°) d'enjoindre au président de la région Lorraine devenue région Grand Est de le réintégrer dans l'emploi qu'il occupait avant sa révocation et de reconstituer sa carrière ;
4°) de mettre à la charge de la région Grand Est la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 juin 2014 étaient irrecevables dès lors que :
• l'indication des voies et délais de recours de la décision de révocation du 4 juin 2014 est incomplète car celle-ci aurait dû préciser que les deux recours (devant le conseil de discipline de recours et devant le tribunal administratif) devaient être engagés en ne laissant pas croire que l'un ou l'autre seulement le devait ;
• l'indication des voies et délais de recours contre l'avis du conseil de discipline du 1er décembre 2014 était incomplète car il aurait dû indiquer que le délai de recours contentieux avait été suspendu contre la décision du 4 juin 2014 et qu'il pouvait ainsi toujours introduire une action contre cette décision ;
• la décision définitive de l'autorité territoriale est intervenue le 19 mars 2018 lorsque le conseil régional a refusé de le réintégrer et ce malgré l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 6 mars 2018 qui a annulé l'avis du conseil de discipline du 1er décembre 2014, de sorte que sa requête introduite le 2 mai 2018 devant le tribunal administratif de Nancy, soit dans les deux mois à compter de la décision définitive de la région Grand Est, l'a été dans le délai du recours contentieux;
- la sanction de révocation du 4 juin 2014 est entachée d'illégalité en raison de celle affectant l'avis rendu par le conseil de discipline de recours le 1er décembre 2014 qui a été annulé par la cour administrative d'appel de Nancy le 6 mars 2018 ;
- la sanction de révocation est entachée d'un erreur d'appréciation car elle est disproportionnée au regard des faits commis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2020, la région Grand Est, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A... la somme de de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient à titre principal que la requête introduite le 2 mai 2018 devant le tribunal administratif de Nancy était irrecevable en raison de sa tardiveté et à titre subsidiaire qu'aucun des autres moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
II- Par une requête enregistrée le 8 août 2019, sous le n° 19NC02573, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1801558 du 18 juin 2019 ;
2°) de reconnaître que le maintien de la décision de révocation du 4 juin 2014 par la région Grand Est est constitutif d'une faute ;
3°) de condamner la région Grand Est à lui verser la somme de 71 472 euros à titre de dommages et intérêts ;
4°) de mettre à la charge de la région Grand Est la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu à sa demande tendant à la reconstitution de sa carrière ;
- c'est à tort que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir opposée par le conseil régional et tirée de l'absence de liaison du contentieux ;
- sa requête est recevable car il a envoyé une nouvelle demande préalable à la région Grand Est le 6 août 2019 tout en ayant relevé appel du jugement du tribunal administratif de Nancy ;
- la sanction de révocation du 4 juin 2014 est entachée d'illégalité en raison de celle affectant l'avis rendu par le conseil de discipline de recours le 1er décembre 2014 qui a été annulé par la cour administrative d'appel de Nancy le 6 mars 2018 ;
- la sanction de révocation est entachée d'un erreur d'appréciation car elle est disproportionnée au regard des faits commis ;
- il est fondé à solliciter la somme de 71 472 euros, correspondante à quatre années de traitement net, en raison du préjudice subi du fait du maintien de cette sanction de révocation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2020, la région Grand Est, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A... la somme de de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient à titre principal que la requête est irrecevable en l'absence de liaison du contentieux, à titre subsidiaire que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés et à titre infiniment subsidiaire que l'indemnisation sollicitée par M. A... n'est pas justifiée.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., première conseillère,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la région Grand Est.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., adjoint technique territorial principal de 2ème classe des établissements d'enseignement, était employé par la région Lorraine, devenue la région Grand Est. Par un arrêté du 4 juin 2014, le président du conseil régional, après avis du conseil de discipline, lui a infligé une sanction de révocation. M. A... a saisi le conseil de discipline de recours qui a, par un avis du 1er décembre 2014, rejeté son recours. M. A... a alors contesté cet avis du conseil de discipline de recours qui a été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 6 mars 2018. Par un courrier du 3 avril 2018 adressé à la collectivité, M. A... a sollicité le retrait de la décision de révocation du 4 juin 2014. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration pendant un délai de deux mois. Par deux requêtes enregistrées sous les nos 19NC02572 et 19NC02573, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. A... relève appel, d'une part, du jugement n° 1801202 du 18 juin 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 juin 2014 du conseil régional de Lorraine lui infligeant la sanction de révocation et à ce qu'il soit enjoint à la région Grand Est de le réintégrer dans ses fonctions, et, d'autre part, du jugement n° 1801558 du même jour qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la région Grand Est à lui verser la somme de 71 472 euros en raison des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du maintien de cette sanction de révocation.
Sur la régularité du jugement n° 1801202 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R.421-1 du code de justice administrative dans sa version applicable au litige :" Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R.421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Aux termes de l'article 23 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux, dans sa version applicable au litige : " Les recours formés en application des articles 91 et 93 de la loi du 26 janvier 1984 précitée doivent être présentés au conseil de discipline de recours dans le mois suivant la notification de la décision contestée. Ils sont enregistrés à la date de réception de la demande au secrétariat du conseil ".
3. L'administration n'est, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, tenue de faire figurer dans la notification de ses décisions que les délais et voies de recours contentieux ainsi que les délais de recours administratifs préalables obligatoires. Si elle peut y ajouter la mention des recours gracieux et hiérarchiques facultatifs, c'est à la condition toutefois qu'il n'en résulte pas des ambiguïtés de nature à induire en erreur les intéressés dans des conditions telles qu'ils pourraient se trouver privés du droit à un recours contentieux effectif.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a reçu notification de la décision du président du conseil régional de Lorraine du 4 juin 2014 lui infligeant la sanction disciplinaire de révocation, au plus tard, le 24 juin 2014, date de son recours auprès du conseil de discipline de recours. Cette décision du 4 juin 2014 comprend la mention des voies et délais de recours qui précise que la décision peut faire l'objet d'un recours dans un délai d'un mois à compter de sa notification auprès du conseil de discipline de recours et d'un recours dans un délai de deux mois à compter de sa notification auprès du tribunal administratif de Nancy. Cette décision, qui indique par deux tirets les deux recours possibles et qui n'utilise pas la conjonction " ou " mentionne précisément les deux possibilités de recours, ne comporte aucune ambigüité de nature à induire en erreur son destinataire qui aurait pu lui laisser entendre que ces recours étaient alternatifs. Par ailleurs, M. A... ne peut utilement invoquer l'imprécision de la mention des voies et délais de recours indiquée dans l'avis du 1er décembre 2014 du conseil de discipline de recours, laquelle n'a aucune incidence sur l'appréciation des voies et délais de recours ouverts contre la révocation prononcée par le président du conseil régional. Enfin, la circonstance qu'une nouvelle décision ait été prise portant refus de réintégration de M. A..., elle-même susceptible de recours, est également sans incidence sur cette appréciation.
5. Par suite, le délai de recours contre la décision du 4 juin 2014 a bien commencé à courir au plus tard le 24 juin 2014 et était donc expiré lorsque la demande tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit enjoint à la région de le réintégrer a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nancy le 2 mai 2018.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande au motif de sa tardiveté.
Sur la régularité du jugement n° 1801558 :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance de M. A... tendant à la condamnation de la région Grand Est à lui verser la somme de 71 472 euros en raison des préjudices qu'il estime avoir subis :
7. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...) Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées. En revanche, les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision.
9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, si M. A... a, avant d'introduire son recours, adressé le 3 avril 2018 une lettre au président du conseil régional, ce courrier se bornait à demander le retrait de l'arrêté du 4 juin 2014 ayant prononcé la sanction de la révocation et sa réintégration dans ses fonctions, sous peine d'une saisine du tribunal administratif " en référé et au fond afin de voir annuler l'arrêté du 4 juin 2014 ". Il ne comportait ainsi aucune demande d'indemnisation de sorte qu'aucune réponse de l'administration, liant le contentieux, ne pouvait naître à sa suite.
10. En second lieu, le requérant produit en appel une nouvelle demande préalable adressée le 7 août 2019 à la région Grand Est et sollicitant l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise la région Grand Est en le révoquant et en maintenant la sanction malgré l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy qui a annulé l'avis du conseil de discipline de recours du 1er décembre 2014. Toutefois, cette demande préalable indemnitaire, adressée au conseil régional après que le tribunal administratif de Nancy ait statué sur sa demande par jugement du 18 juin 2019, n'a pas pu avoir pour effet de régulariser ses conclusions indemnitaires en appel.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande indemnitaire au motif de l'absence de liaison du contentieux.
En ce qui concerne l'omission à statuer sur les conclusions tendant à la reconstitution de sa carrière :
12. Il ressort des pièces du dossier de première instance, et plus précisément de la page 7 de la demande de M. A..., que celui-ci a uniquement demandé au tribunal administratif de Nancy de reconnaître que le maintien de la décision de révocation du 4 juin 2014 était constitutif d'une faute et de condamner la région Grand Est à lui payer la somme de 71 472 euros à titre de dommages et intérêts au regard des préjudices qu'il estime avoir subis. En l'absence de conclusions tendant à la reconstitution de sa carrière, M. A... ne peut utilement soutenir que le tribunal administratif aurait omis de se prononcer sur ces conclusions. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Nancy serait irrégulier.
Sur les frais des instances :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Grand Est, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme demandée par la région Grand Est au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes présentées par M. A... sous les n° 19NC02572 et 19NC02573 sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de la région Grand Est présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la région Grand Est.
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Nos 19NC02572, 19NC02573