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03/06/2021 | FRANCE | N°20NC02917

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 03 juin 2021, 20NC02917


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... G... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 février 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de deux ans et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du HautRhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa

situation, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... G... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 février 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de deux ans et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du HautRhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2001558 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC02917 le 6 octobre 2020, Mme C... G..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du HautRhin du 13 février 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du HautRhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'elle serait durablement séparée de son enfant en cas de retour au Kosovo, dès lors que la procédure de regroupement familial ne pourrait pas aboutir ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence, à défaut de production d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2020, le préfet du HautRhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... G..., ressortissante kosovare née le 2 novembre 1993, est entrée sur le territoire français le 25 juin 2018, selon ses déclarations, pour y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile, instruite en procédure accélérée, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) en date du 29 mars 2019. Par un arrêté du 13 février 2020, le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de deux ans. Mme G... fait appel du jugement du 9 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de ses écritures de première instance que Mme G... a soutenu, au soutien de ses moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qu'elle serait durablement séparée de son enfant en cas de retour au Kosovo, dès lors que la procédure de regroupement familial ne pourrait pas aboutir, son concubin ne remplissant pas les conditions pour initier une telle procédure. Toutefois, si le juge administratif est tenu de répondre à tous les moyens soulevés devant lui, il n'est pas tenu de répondre à chacun des arguments développés à l'appui de ces moyens. Par suite, Mme G... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué, qui répond aux moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées en indiquant notamment qu'" il ne ressort pas des pièces du dossier que le père du jeune A... se soit vu reconnaître le statut de réfugié et qu'il participe effectivement à son éducation et à son entretien ", est entaché d'une omission à statuer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, le préfet du Haut-Rhin a, par un arrêté du 2 septembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 3 septembre suivant, donné délégation à M. B... D..., directeur de la réglementation, pour signer les décisions relevant du cadre de ses fonctions, dont font partie notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire et celles fixant le pays d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. D..., signataire de la décision attaquée, doit être écarté.

4. En deuxième lieu, la décision du préfet du Haut-Rhin obligeant Mme G... à quitter le territoire mentionne les textes dont elle fait application, notamment les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi d'ailleurs que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et précise que la demande d'asile de l'intéressée a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 29 mars 2019. Alors que le préfet du Haut-Rhin n'était pas tenu de mentionner dans sa décision l'ensemble des éléments de fait dont s'est prévalu la requérante à l'appui de sa demande d'asile, cette décision souligne également que la requérante n'établit pas vivre en concubinage avec un ressortissant kosovar ayant obtenu le statut de réfugié, qu'elle n'a pas non plus établi que sa vie ou sa liberté serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine et, enfin, qu'elle pourra " revenir en France via la procédure de réunification familiale ". Elle comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme G... est entrée en France le 25 juin 2018, à l'âge de vingt-quatre ans. Elle ne résidait ainsi sur le territoire français que depuis moins de deux ans à la date de la décision contestée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à son arrivée récente en France. Par ailleurs, si elle affirme vivre en concubinage avec M. F..., qui bénéficierait du statut de réfugié, elle ne l'établit pas en se bornant à produire un extrait de l'acte de naissance de son fils A... mentionnant que le père de l'enfant est M. H... F.... La réalité du concubinage allégué n'étant pas démontrée, la requérante ne saurait utilement soutenir que son compagnon ne remplit pas les conditions pour initier une procédure de regroupement familial. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Ainsi qu'il a été dit plus haut, Mme G... n'établit pas vivre en concubinage avec M. F..., père de son enfant né en France le 23 avril 2019. Elle n'établit pas davantage que l'intéressé participerait effectivement à l'éducation et à l'entretien de son fils, ni que l'enfant se serait vu reconnaître le statut de réfugié. En outre, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme G... de son fils, qui peut l'accompagner au Kosovo. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée doit être écarté.

En ce qui concerne décision fixant le pays d'éloignement :

10. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination, qui mentionne que la demande d'asile de la requérante a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 29 mars 2019 et qui cite au surplus l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

11. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...). / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

12. Si Mme G... soutient qu'elle a été contrainte de se marier en 2008 avec un homme d'une quarantaine d'années, qu'elle a fui le domicile conjugal et qu'elle ferait l'objet de traitements inhumains et dégradants de la part de sa famille, en particulier de la part de sa belle-mère, en cas de retour au Kosovo, elle ne démontre pas, par les pièces qu'elle produit, qu'elle risquerait d'être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de l'intéressée a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 29 mars 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du HautRhin du 13 février 2020. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du HautRhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du HautRhin.

2

N° 20NC02917


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02917
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : ROUSSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-03;20nc02917 ?
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