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01/06/2021 | FRANCE | N°20NC03134

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 01 juin 2021, 20NC03134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 10 septembre 2020 par lesquels la préfète du Bas-Rhin, d'une part, a décidé de le transférer aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable trois fois.

Par un jugement n° 2005606 du 28 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal admini

stratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 10 septembre 2020 par lesquels la préfète du Bas-Rhin, d'une part, a décidé de le transférer aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable trois fois.

Par un jugement n° 2005606 du 28 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2020, M. D... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2005606 du tribunal administratif de Strasbourg du 28 septembre 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 10 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors que le magistrat désigné n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit commise par la préfète du Bas-Rhin dans la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

- sa demande d'asile ayant été enregistrée pour la première fois en Italie, la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur de droit dans la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile en décidant de le transférer aux autorités allemandes ;

- la décision portant assignation à résidence est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, ne disposant d'aucune ressource, il n'a pas les moyens financiers pour se rendre, une fois par semaine, auprès des services de police de l'aéroport de Strasbourg-Entzheim.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2021, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C... est un ressortissant ivoirien, né le 15 septembre 1985. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France le 15 juillet 2020 et s'est présenté, dès le 7 août suivant, au guichet unique de la préfecture du Bas-Rhin aux fins d'y solliciter l'asile. L'examen du fichier Eurodac ayant révélé que le requérant avait été successivement enregistré comme demandeur d'asile en Italie et en Allemagne les 19 mai et 14 novembre 2017, une demande de reprise en charge a été adressée aux autorités concernées le 14 août 2020, qui a donné lieu à un accord explicite des autorités allemandes le 19 août 2020 et à un accord implicite des autorités italiennes le 29 août 2020. Par deux arrêtés du 10 septembre 2020, la préfète du Bas-Rhin a décidé de transférer l'intéressé aux autorités allemandes et de l'assigner à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable trois fois. M. C... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. Il relève appel du jugement n° 2005606 du 28 septembre 2020 qui rejette sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement aux allégations de M. C..., qui n'a pas répliqué en première instance au mémoire en défense de la préfète du Bas-Rhin, ni présenté de note en délibéré, les pièces versées au dossier, qu'il s'agisse notamment des arrêts rendus par la cour administrative d'appel de Douai les 21 juin et 30 juillet 2018 produits par l'intéressé, de sa demande de rectification d'erreur matérielle du 28 septembre 2020 et de la réponse à cette demande du greffe du tribunal du 29 septembre 2020, ne suffisent pas à établir, de façon certaine, qu'il aurait invoqué, lors de l'audience du 18 septembre 2020, un moyen nouveau tiré de l'erreur de droit commise par l'autorité administrative dans la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le magistrat désigné aurait omis de répondre à ce moyen et qu'il aurait, pour ce motif, entaché son jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'arrêté de transfert :

3. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. (...) ". Aux termes du deuxième paragraphe de l'article 7 du même règlement : " La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) / L'État membre qui devient responsable en application du présent paragraphe l'indique immédiatement dans Eurodac conformément au règlement (UE) n° 603/2013 en ajoutant la date à laquelle la décision d'examiner la demande a été prise. ". Aux termes de l'article 23 du même règlement : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) no 603/2013. / (...) / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. ". Aux termes du deuxième paragraphe de l'article 29 du même règlement : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

4. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas sérieusement contesté par M. C..., que, à la suite de l'enregistrement de sa demande d'asile en Allemagne le 14 novembre 2017, les autorités allemandes, constatant que l'Italie était le premier Etat membre dans lequel il avait introduit sa demande de protection internationale le 19 mai 2017, ont sollicité la reprise en charge de l'intéressé auprès des autorités italiennes, qui l'ont acceptée. Toutefois, le transfert n'ayant pu être exécuté dans le délai imparti, les autorités allemandes, en application du deuxième paragraphe de l'article 29 et par dérogation au premier paragraphe de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, sont devenues responsables de l'examen de la demande d'asile du requérant et ont procédé à son instruction. Par suite, nonobstant l'absence de mention sur ce point dans le fichier Eurodac, la préfète du Bas-Rhin n'a pas commis d'erreur de droit en décidant de transférer le requérant à destination de l'Allemagne.

En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :

5. Il ressort des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin a prononcé l'assignation à résidence de M. C... dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable trois fois, et lui a fait obligation, au cours de cette période, de se rendre une fois par semaine, tous les mercredis hors jours fériés, à l'aéroport de Strasbourg-Entzheim dans les locaux de la direction interdépartementale de la police aux frontières afin d'y confirmer sa présence. Il n'est pas contesté que l'intéressé réside, non pas à Strasbourg, mais à Lingolsheim, dont la gare se trouve à proximité immédiate de celle desservant l'aéroport. Le requérant n'établit pas que l'accomplissement de l'obligation ainsi mise à charge aurait pour effet, eu égard au coût du billet de train, de le priver d'une part importante de ses ressources, ni qu'il serait dans l'impossibilité de s'y conformer en recourant à des moyens de transport moins onéreux. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 10 septembre 2020. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... pour M. D... C... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03134
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-01;20nc03134 ?
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