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01/06/2021 | FRANCE | N°19NC00907-19NC00927-19NC00974

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 01 juin 2021, 19NC00907-19NC00927-19NC00974


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

La SARL CE Les Vents de Bilcart a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 3 février 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de l'autoriser à implanter et à exploiter neuf éoliennes et trois postes de livraison composant le parc éolien des " Vents de Bilcart ", sur le territoire de la commune de Pocancy.

La SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 3 février

2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de l'autoriser à implanter et à exploiter q...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

La SARL CE Les Vents de Bilcart a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 3 février 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de l'autoriser à implanter et à exploiter neuf éoliennes et trois postes de livraison composant le parc éolien des " Vents de Bilcart ", sur le territoire de la commune de Pocancy.

La SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 3 février 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de l'autoriser à implanter et à exploiter quatre éoliennes et un poste de livraison composant le parc éolien de Champigneul-Pocancy, sur le territoire de la commune de Champigneul.

Par un jugement no 1700657 - 1700658 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les arrêtés contestés.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 mars 2019, 13 octobre et 11 décembre 2020 sous le n° 19NC00907, l'association " Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne ", représentée par la SELAS de Bodinat-D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1700657 - 1700658 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 janvier 2019 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de la SARL CE Les Vents de Bilcart et de la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy la somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable, dès lors qu'elle avait intérêt à intervenir en première instance, qu'elle aurait eu intérêt à faire tierce-opposition au jugement, et que son président est habilité à la représenter devant la cour ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et celui tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 septembre 2019 et 4 novembre 2020, la SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy, représentées par la SELARL Gossement Avocats, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros à verser à chacune d'entre elles en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent, à titre principal, que la requête n'est pas recevable faute d'intérêt pour agir et de qualité pour faire appel de l'association et faute d'habilitation de son président pour la représenter et, à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 mars 2019, 16 juin 2020, 12 octobre 2020, et 15 avril 2021 sous le n° 19NC00927, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour d'annuler le jugement no 1700657 - 1700658 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 janvier 2019.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de ses réponses aux moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, celui tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et celui tiré de l'erreur de droit au regard des dispositions de l'article R. 111-14 de ce code.

Par des mémoires, enregistrés les 23 avril, 13 octobre, 11 décembre 2020 et les 12 mars et 15 avril 2021, l'association " Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne ", représentée par la SELAS de Bodinat-D..., déclarant intervenir volontairement au soutien de la requête présentée par le ministre de la transition écologique, conclut aux mêmes fins que ce dernier.

Elle soutient que :

- son intervention est recevable ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et celui tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 septembre 2020, 4 novembre 2020 et 31 mars et 30 avril 2021, la SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy, représentées par la SELARL Gossement avocats, concluent au rejet de la requête et de l'intervention, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à chacune d'entre elles en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'association " Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne " ne justifie pas d'un intérêt suffisant pour intervenir à l'instance ;

- la note en délibéré déposée par l'association tardivement, le 12 mars 2021, doit être écartée des débats ;

- aucun des moyens soulevés par le requérant et l'intervenante n'est fondé.

III. Par une requête enregistrée le 1er avril 2019 sous le n° 19NC00974, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement no 1700657 - 1700658 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 janvier 2019.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, celui tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, et celui tiré de l'erreur de droit au regard des dispositions de l'article R. 111-14 de ce code.

Par un mémoire enregistré le 11 juillet 2019, l'association " Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne ", représentée par la SELAS de Bodinat-D..., déclarant intervenir volontairement au soutien de la requête présentée par le ministre de la transition écologique et solidaire, conclut aux mêmes fins que ce dernier et à ce que soit mise à la charge de la SARL CE Les Vents de Bilcart et de la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy la somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son intervention est recevable ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et celui tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- aucun des autres moyens soulevés par les intimées devant le tribunal n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2020, la SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy, représentées par la SELARL Gossement avocats, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros à verser à chacune d'entre elles en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent qu'aucun des moyens soulevés par le requérant et l'intervenante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique,

- et les observations de Me D... pour l'association " Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne ", Me B... pour la SARL CE Les vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy et de M. E... et Mme C... pour la ministre de la transition écologique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 août 2014, la SARL CE Les Vents de Bilcart a présenté une demande d'autorisation unique pour la construction et l'exploitation d'un parc de 9 éoliennes et 3 postes de livraison sur le territoire de la commune de Pocancy. Le 9 septembre 2014, la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy a présenté une demande de même nature pour la construction et l'exploitation d'un parc de 4 éoliennes et 1 poste de livraison sur le territoire de la commune voisine de Champigneul-Champagne. Par deux arrêtés du 3 février 2017, le préfet de la Marne a rejeté ces demandes.

2. Par les requêtes susvisées, nos 19NC00907 et 19NC00927, l'association " Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne " et le ministre de la transition écologique et solidaire, respectivement, relèvent appel du jugement du 25 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ces deux arrêtés. Par la requête n° 19NC00974, le ministre demande en outre à la cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Ces requêtes étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité de la requête n° 19NC00907 présentée par l'association " Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne " :

3. La personne qui, devant le tribunal administratif, est régulièrement intervenue en défense à un recours tendant à l'annulation d'une décision administrative n'est recevable à interjeter appel du jugement rendu contrairement aux conclusions de son intervention que lorsqu'elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce opposition au jugement faisant droit au recours. Aux termes de l'article L. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ". A cet égard, l'existence d'un droit lésé s'apprécie exclusivement au regard du dispositif du jugement dont il est relevé appel et non de ses seuls motifs.

4. Le jugement attaqué se borne à annuler les décisions de refus d'autorisation en litige et à ordonner le réexamen des demandes de la SARL CE Les vents de Bilcart et de la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy. Il n'a ainsi pas eu, par lui-même, pour effet de conférer à ces dernières les autorisations qu'elles ont sollicitées. Dès lors, il ne saurait avoir préjudicié aux droits des tiers, en particulier à ceux de l'association " Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne " qui est intervenue en défense devant le tribunal. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres fins de non-recevoir qu'elles soulèvent, la SARL CE Les vents de Bilcart et de la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy sont fondées à soutenir que la requête d'appel présentée par cette association doit être rejetée comme étant irrecevable.

Sur l'intervention de l'association " Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne " au soutien des requêtes no 19NC00927 et 19NC00974 présentées par le ministre de la transition écologique et solidaire :

5. Les parcs éoliens en litige sont visibles depuis les Coteaux, Maisons et Caves de Champagne, Bien inscrit le 4 juillet 2015 au patrimoine mondial de l'UNESCO. L'association " Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne " s'étant donnée pour objet la préservation de ce Bien, son intérêt au rétablissement des décisions de refus d'autorisation annulées par les premiers juges est, contrairement à ce que font valoir la SARL CE Les vents de Bilcart et de la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy, suffisant pour lui permettre d'intervenir au soutien des requêtes du ministre de la transition écologique et solidaire dirigées contre ce jugement. Par suite, il y a lieu d'admettre son intervention.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Le ministre fait valoir que le jugement est insuffisamment motivé en ce que le tribunal, pour répondre aux moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, n'a pas tenu compte de l'unité de paysage formée par les coteaux viticoles de Champagne et la plaine de la Champagne crayeuse, n'a pas précisé la configuration des lieux, en particulier l'éloignement des parcs existants par rapport aux coteaux inscrits au patrimoine de l'UNESCO ainsi que le nombre d'éoliennes les composant. Toutefois, ces différents éléments sont mentionnés aux points 5 à 11 du jugement attaqué où le tribunal énonce, de manière circonstanciée, les raisons pour lesquelles il considère que l'appréciation portée par le préfet sur l'insertion des éoliennes en litige dans le paysage est erronée au regard des dispositions en cause. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement sur ces points doit être écarté.

Sur les moyens d'annulation retenus par le tribunal :

7. L'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée a prévu, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, un régime d'autorisation unique notamment pour les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur le territoire de la région Champagne-Ardenne. Cette autorisation unique vaut autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, notamment permis de construire au titre de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, autorisation de défrichement au titre des articles L. 214-13 et L. 341-3 du code forestier, autorisation d'exploiter au titre de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, approbation au titre de l'article L. 323-11 du même code et dérogation au titre du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. La partie de l'autorisation unique valant permis de construire est divisible des autres autorisations qu'elle comporte.

8. Pour annuler les arrêtés contestés en tant qu'ils valent refus d'autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de l'erreur commise par le préfet dans l'appréciation des projets en litige au regard des dispositions de cet article et de l'article L. 511-1 du même code, auquel il renvoie. Pour les annuler également en tant qu'ils valent refus de permis de construire, le tribunal s'est fondé sur les moyens tirés de la méconnaissance de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme et de son article R. 111-27, dont il a, par une erreur de plume sans incidence, utilisé l'ancienne numérotation R. 111-21.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 512-1 et L. 511-1 du code de l'environnement, dirigé contre les décisions contestées en tant qu'elles valent refus d'autorisation au titre des dispositions de l'article L. 512-1 :

9. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. (...) " et aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".

10. Il résulte de l'instruction que les deux parcs éoliens, implantés de façon contiguë, l'un sur le territoire de la commune de Pocancy et l'autre sur celui de la commune voisine de Champigneul-Champagne, sont situés dans la vallée de la Somme-Soudé, à la charnière entre la plaine de la Champagne crayeuse, au sud et à l'est, et la côte d'Île-de-France, à l'ouest et au nord. Le paysage de la plaine à l'est et au sud, marqué par l'agriculture intensive sur plusieurs dizaines de kilomètres, ne présente pas d'intérêt particulier et comporte déjà plusieurs parcs éoliens. En revanche, le versant viticole de la côte d'Île-de-France, qui s'étend à l'ouest et au nord et comprend notamment la côte des Blancs et la Montagne de Reims, présente un intérêt paysager particulièrement fort. Au demeurant, la valeur universelle exceptionnelle du vignoble de Champagne a été reconnue et une partie des coteaux de Champagne ont été inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO le 4 juillet 2015. Ont été notamment classés à raison de leur caractère remarquable les coteaux d'Aÿ-Champagne, de Mareuil-sur-Aÿ ainsi que de Hautvillers.

11. S'ils ne seront que très peu visibles depuis les coteaux de Hautvillers, situés à 18 kilomètres au nord, les deux parcs éoliens le seront de manière nette depuis les coteaux de Mareuil-sur-Aÿ et d'Aÿ, respectivement situés à 10 et à 12 kilomètres. Contrairement à l'arrière-plan de cette vue, ouvert sur la plaine crayeuse et son paysage d'agriculture intensive sans intérêt particulier, l'intérêt du paysage viticole qui occupe son premier plan est remarquable. Il résulte de l'instruction, en particulier des nombreux montages photographiques versés au dossier par les parties, que, compte tenu de leur rapport d'échelle avec le faible relief du paysage, résultant de ce que leur hauteur en bout de pale de 150 mètres est du même ordre de grandeur que l'altitude du haut des coteaux avoisinants, les éoliennes projetées sont de nature à dégrader la vue de ce paysage depuis ces coteaux. S'il est vrai que l'arrière-plan comporte déjà, dans le même champ de vision depuis les coteaux de Mareuil-sur-Aÿ et d'Aÿ, les parcs éoliens existants de Thibie et Soudron, ceux-ci sont situés 7 kilomètres plus loin au sud, et sont simplement perceptibles à l'horizon par temps clair. Par conséquent, la présence de ces parcs éoliens existants dans le panorama depuis les coteaux de Mareuil-sur-Aÿ et d'Aÿ ne s'impose pas de la même manière au spectateur et ne suffit pas à atténuer l'impact des éoliennes en litige. Par ailleurs, les parcs éoliens en litige sont situés à 7,5 kilomètres à l'est de la Côte des Blancs. Depuis cette dernière, ils seraient nettement visibles en arrière-plan des vues remarquables qu'offrent ses coteaux viticoles, et l'effet de rupture provoqué par le rapport d'échelle précédemment mentionné y serait encore plus important que depuis les coteaux de Mareuil-sur-Aÿ et d'Aÿ. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les impacts qu'auraient ainsi les parcs éoliens en litige sur le paysage remarquable des coteaux de Champagne puissent être réduits ou compensés.

12. Dans ces conditions, et alors, en outre, que les éoliennes en litige, eu égard à leur hauteur et à leur implantation à moins de deux kilomètres des villages avoisinants, domineront ces derniers, en particulier celui de Champigneul, qu'aucun écran naturel ou artificiel n'en protègera, le préfet n'a pas, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, commis d'erreur d'appréciation en estimant que, au regard des dispositions précitées, les projets ne pouvaient pas être autorisés.

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 111-14 et R. 111-27 du code de l'urbanisme, dirigés contre les décisions contestées en tant qu'elles valent refus de permis de construire :

13. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.

S'agissant de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme :

14. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

15. Pour les mêmes raisons que celles indiquées aux points 10 à 12, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que le préfet s'est livré à une appréciation erronée de l'atteinte portée par les projets en litige au caractère et à l'intérêt des paysages.

S'agissant de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme :

16. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme : " En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation ou sa destination : / 1° A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés ; (...) ". En vertu du 1° de l'article R. 111-1 de ce code, ces dispositions ne sont pas applicables dans les territoires dotés d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu.

17. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 174-1 du code de l'urbanisme : " Les plans d'occupation des sols qui n'ont pas été mis en forme de plan local d'urbanisme, en application du titre V du présent livre, au plus tard le 31 décembre 2015 sont caducs à compter de cette date, sous réserve des dispositions des articles L. 174-2 à L. 174-5. / (...) A compter du 1er janvier 2016, le règlement national d'urbanisme mentionné aux articles L. 111-1 et

L. 422-6 s'applique sur le territoire communal dont le plan d'occupation des sols est caduc ".

18. S'il est constant qu'à la date des arrêtés contestés, le plan d'occupation des sols de la commune de Pocancy demeurait en vigueur, il ne ressort pas des pièces du dossier que celui de la commune de Champigneul-Champagne aurait, en application des dispositions des articles L. 174-2 à L. 174-5 du code de l'urbanisme, été maintenu provisoirement en vigueur au-delà du 31 décembre 2015. Par conséquent, l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme était, à compter du 1er janvier 2016, applicable sur le territoire de cette commune.

19. Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le projet de la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy ne comporte aucune éolienne implantée sur le territoire de la commune de Pocancy, l'ensemble des éoliennes qu'il comporte étant implantées uniquement sur le territoire de Champigneul-Champagne. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il ne pouvait pas légalement se fonder sur les dispositions de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme précité pour rejeter, en tant qu'elle tendait à l'obtention d'un permis de construire pour les éoliennes en litige, la demande d'autorisation unique de la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy.

20. En deuxième lieu, si le ministre, qui fait lui-même état de ce que le plan d'occupation des sols de la commune de Pocancy n'était pas caduc à la date du refus opposé à la SARL CE Les Vents de Bilcart, ne discute pas l'erreur de droit qu'il a commise en fondant ce refus sur les dispositions de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme, il doit, au vu de ses écritures, être regardé comme faisant valoir qu'il aurait pris la même décision de refus d'autorisation unique valant permis de construire s'il ne s'était fondé que sur les dispositions de l'article R. 111-27 du même code. Dès lors qu'il ne fait aucun doute qu'il aurait pris la même décision pour ce seul motif, lequel n'est, ainsi qu'il a été dit au point 15, pas entaché d'illégalité, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme ne permettait pas de justifier la solution d'annulation retenue par le tribunal.

21. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les arrêtés contestés aussi bien en tant qu'ils valent refus d'autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, qu'en tant qu'ils valent refus de permis de construire, le tribunal s'est fondé sur les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et des articles R. 111-14 et R. 111-27 du code de l'urbanisme.

22. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy, tant devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne que devant la cour en appel.

Sur les autres moyens soulevés par la SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy :

En ce qui concerne le moyen soulevé à titre principal tiré de l'erreur sur l'objet des demandes :

23. La SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de

Champigneul-Pocancy font valoir que le préfet a commis une erreur de droit et d'appréciation en se méprenant sur l'objet de leurs demandes, qu'il aurait selon elles analysées et examinées comme des demandes d'autorisation d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement, alors qu'elles tendaient à la délivrance d'autorisations uniques sur le fondement de l'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée. Elles se prévalent de ce que l'intitulé des arrêtés contestés mentionne un " refus d'autorisation d'exploiter ", au sens des seules dispositions du code de l'environnement, d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, qu'ils ne visent, ni ne se réfèrent à l'ordonnance du 20 mars 2014 et qu'ils ne font pas état de demandes d'autorisation unique mais de demandes d'autorisation d'exploitation.

24. Toutefois, il résulte de l'instruction que les demandes ont été instruites au regard des dispositions de cette ordonnance, que les refus opposés par le préfet ne portent pas que sur l'exploitation, mais également sur l'implantation des éoliennes projetées, et qu'ils sont fondés tant sur les dispositions du code de l'environnement, que sur celles du code de l'urbanisme, lesquelles ne sont applicables que pour l'autorisation unique prévue par cette ordonnance. Dans ces conditions et en dépit des mentions maladroites figurant dans les arrêtés contestés, c'est sans se méprendre sur leur objet et sur leur portée que le préfet s'est prononcé sur les demandes dont il était saisi.

En ce qui concerne les moyens soulevés à titre subsidiaire, portant sur la légalité des décisions contestées en tant qu'elles valent refus d'autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et sur l'existence, pour le reste, d'autorisations tacites :

S'agissant des visas des arrêtés contestés :

25. Une omission ou une erreur dans les visas d'un acte administratif ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à en affecter la légalité, et ainsi qu'il a été dit au point précédent, le préfet a, en dépit de la rédaction perfectible des visas des arrêtés contestés, examiné les demandes au regard des dispositions légales et réglementaires qui leur étaient applicables.

S'agissant des consultations préalables aux arrêtés contestés :

26. En premier lieu, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose que les avis recueillis dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation unique soient visés dans la décision prise sur cette demande, ni qu'elle en mentionne le sens, ni que ces avis soient communiqués au pétitionnaire. Par suite, les omissions de l'administration à ces égards sont sans incidence sur la légalité des décisions contestées.

27. En deuxième lieu, si les dispositions légales et réglementaire relatives à l'autorisation unique ne prévoient pas la consultation des ministres chargés de la culture et de l'environnement, elles ne l'interdisent pas. Par conséquent, le préfet n'a pas entaché ses décisions d'irrégularité en recueillant l'avis de ces ministres. Pour la même raison que celle indiquée au point précédent, il n'était nullement tenu de communiquer ces avis aux sociétés pétitionnaires, ni de les mettre à même de présenter leurs observations. Du reste, alors que les avis émis par les ministres chargés de la culture et de l'environnement, respectivement les 11 juillet et 24 octobre 2016, sont mentionnés dans les projets d'arrêtés transmis le 18 janvier 2017 aux intéressées, ces dernières, dans leurs observations en réponse du 1er février 2017, n'ont pas sollicité la communication de ces avis.

28. En troisième lieu, le bien-fondé de l'avis du ministre de la culture, que le préfet a sollicité de manière spontanée et qu'il n'était pas obligé de suivre, ne peut pas être utilement discuté. Par ailleurs, le défaut d'impartialité qui, selon les intimées, entacherait cet avis, n'est pas établi.

29. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas de la circonstance que les arrêtés contestés ne visent pas les avis favorables aux projets en litige, que le préfet n'aurait pas pris ces avis en considération. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que le préfet se serait cru lié par les avis défavorables émis par les ministres chargés de la culture et de l'environnement.

30. En cinquième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet n'a pas pris en considération les observations formulées par les sociétés pétitionnaires au sujet de l'avis de l'autorité environnementale.

S'agissant du fondement légal des arrêtés contestés :

31. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, de : / 1° Garantir la conformité des travaux projetés avec les exigences fixées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire ; (...) ". Selon l'article 4 de la même ordonnance : " Sous réserve de la présente ordonnance, les projets mentionnés à l'article 1er restent soumis aux dispositions du titre Ier du livre V du code de l'environnement et, le cas échéant : / 1° Aux dispositions du chapitre III du titre V du livre V du code de l'environnement ; / (...) 3° Lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire, aux dispositions du chapitre Ier, du chapitre II, de la section 1 du chapitre V du titre II et du chapitre Ier du titre III du livre IV du code de l'urbanisme ; (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique ".

32. Contrairement à ce que font valoir la SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy, l'application des dispositions des articles L. 512-1 du code de l'environnement et R. 111-14 et R. 111-27 du code de l'urbanisme à l'autorisation unique résulte des termes mêmes de l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 précité, et n'est nullement exclue par les dispositions de son article 4 précité.

S'agissant de la compétence liée du préfet :

33. Le moyen tiré de ce que le préfet était tenu de délivrer les autorisations sollicitées en application de l'article L. 512-1 du code de l'environnement ne peut qu'être écarté en conséquence de ce qui a été dit aux points 9 à 12.

S'agissant de l'erreur de droit dans la prise en compte du classement du Bien " Coteaux, Maisons et Caves de Champagne " au patrimoine mondial de l'UNESCO :

34. Il ne résulte pas de l'instruction que le préfet, qui a pu légalement tenir compte, pour apprécier l'intérêt des paysages avoisinants, de l'inscription, le 4 juillet 2015, du Bien " Coteaux, Maisons et Caves de Champagne " au patrimoine mondial de l'UNESCO, se soit cru tenu de rejeter les demandes d'autorisation du seul fait de cette inscription, ni qu'il ait entendu fonder les décisions contestées sur les stipulations de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l'UNESCO du 16 novembre 1972.

S'agissant de l'erreur de droit résultant de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée :

35. La SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy font valoir que, par une ordonnance du 22 juin 2010 (n° 1001064), le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait suspendu un refus de permis de construire pour un projet de parc éolien au même endroit que leurs projets, au motif qu'étaient de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de ce refus les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 111-15 et R. 111-21 du code de l'urbanisme, et que, par un jugement du 20 novembre 2012 (n° 1100728), le même tribunal avait annulé un permis de construire pour trois éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de Champigneul-Champagne au motif que les communes limitrophes n'avaient pas été consultées. Selon elles, le préfet ne pouvait pas, sans méconnaître l'autorité de chose jugée attachée à ces décisions, refuser de leur délivrer une autorisation d'exploiter les éoliennes en litige au motif de leur prétendue mauvaise insertion paysagère, dès lors que, d'une part, le juge des référés avait estimé que l'implantation d'un parc éolien au même endroit que leurs projets ne portait pas atteinte aux lieux et paysages avoisinants, et d'autre part les juges du fond, auxquels l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme imposait de se prononcer sur l'ensemble des moyens d'annulation, n'avaient pas retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

36. Toutefois, la méconnaissance des règles d'urbanisme, et par voie de conséquence celle des décisions juridictionnelles ayant fait application de ces règles, ne peut être utilement invoquée qu'à l'encontre du refus d'autorisation unique en tant qu'il vaut refus de permis de construire, et non en tant qu'il vaut refus d'autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement.

37. Au surplus, eu égard à leur caractère provisoire, les décisions du juge des référés n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée. Par ailleurs, ladite autorité ne s'attache qu'au dispositif de la décision rendue au fond et aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire. Il s'ensuit qu'un moyen écarté " en l'état de l'instruction " en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme ne saurait être regardé comme en étant revêtu dès lors que, par définition, il ne constitue pas un motif venant au soutien de l'annulation prononcée par le juge du fond.

S'agissant du détournement de procédure :

38. La SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy soutiennent que les décisions sont entachées d'un détournement de procédure, dès lors que l'instruction de leurs demandes, qui n'aurait pas dû excéder neuf mois, a été sciemment retardée par le préfet dans l'attente du classement du Bien " Coteaux, Maisons et Caves de Champagne " au patrimoine mondial de l'UNESCO, intervenu le 4 juillet 2015.

39. Toutefois, en vertu des articles 11 et 13 du décret du 2 mai 2014 susvisé, lorsque le dossier de demande n'est pas complet ou régulier ou ne comporte pas les éléments suffisants pour poursuivre son instruction, le délai d'instruction de la demande d'autorisation unique est suspendu à compter de la demande de compléments et jusqu'à la réception de

ceux-ci par l'administration. Or, il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que les demandes d'autorisation initialement présentées par les sociétés pétitionnaires ont nécessité des compléments et correctifs et qu'elles n'ont été régularisées qu'à compter du 7 mai 2015. Par conséquent, ce retard ne saurait être imputé à l'administration et, compte tenu de la nécessité de procéder aux consultations obligatoires et à l'enquête publique prévues par les articles 14 à 17 du décret du 2 mai 2014 susvisé, ne permettait pas que des décisions fussent prises avant la décision de classement intervenue le 4 juillet 2015. Par ailleurs, les prorogations du délai d'instruction des demandes d'autorisation en litige, au demeurant décidées avec l'accord des sociétés pétitionnaires, sont intervenues les 29 avril et 27 octobre 2016 et ne peuvent ainsi, par définition, pas avoir été motivées par l'attente de la décision de classement intervenue l'année précédente. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.

S'agissant de l'erreur manifeste d'appréciation :

40. La SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy soutiennent que les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le développement de l'énergie éolienne répond à des objectifs tant nationaux que locaux, et que l'implantation des éoliennes projetées est conforme aux préconisations du schéma régional éolien. Ce moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant, le préfet ne disposant d'aucune marge d'appréciation pour délivrer les autorisations uniques sollicitées dans le cas où, comme en l'espèce, les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'environnement y font obstacle.

S'agissant de l'existence d'autorisations tacites :

41. Dès lors que le préfet a expressément rejeté, dans leur ensemble, les demandes d'autorisation unique présentées par la SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy, ces dernières ne sauraient se prévaloir de ce que les autorisations autres que celle prévue par les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, en particulier les permis de construire et les approbations au titre du code de l'énergie, leur auraient été implicitement délivrées.

En ce qui concerne les moyens soulevés, à titre infiniment subsidiaire, contre les décisions contestées " en ce qu'elles rejettent les demandes d'autorisation unique " :

S'agissant des décisions en tant qu'elles valent refus au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement :

42. Ainsi qu'il vient d'être dit, les décisions contestées ne sont pas illégales en tant qu'elles valent refus d'autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement.

S'agissant du refus opposé à la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy, en tant qu'il vaut refus de permis de construire :

43. Le projet en litige porte sur la réalisation d'un parc de 4 éoliennes et 1 poste de livraison sur le territoire de la commune de Champigneul-Champagne, en plein champs à 1 650 mètres des premières habitations. Eu égard à ses caractéristiques et à la nature même des installations que constituent les éoliennes, ce projet ne peut pas être regardé comme favorisant une urbanisation dispersée au sens des dispositions de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme précité. Par suite, la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy est fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet s'est fondé sur ces dispositions pour lui refuser la délivrance de l'autorisation unique sollicitée en tant qu'elle vaut permis de construire.

44. Toutefois, il résulte de l'instruction que le préfet aurait légalement pris la même décision de refus d'autorisation unique en tant qu'elle vaut permis de construire s'il ne s'était fondé que sur l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme. Par conséquent, l'illégalité du motif fondé sur les dispositions de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

45. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé les arrêtés contestés. Par suite, le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, ainsi que le rejet des demandes présentées devant le tribunal par la SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy.

Sur le sursis à exécution du jugement attaqué :

46. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur le bien-fondé du jugement no 1700657 - 1700658 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 janvier 2019, la requête du ministre de la transition écologique et solidaire tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution est sans objet. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette requête.

Sur les frais de l'instance :

47. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

48. L'association " Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne ", qui n'est pas partie à la présente instance, ne peut bénéficier des dispositions précitées. Celles-ci font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 19NC00974, présentée par le ministre de la transition écologique et solidaire, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement no 1700657 - 1700658 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 janvier 2019.

Article 2 : La requête n° 19NC00907 présentée par l'association " Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne " est rejetée.

Article 3 : L'intervention de l'association " Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne " au soutien des requêtes no 19NC00927 et 19NC00974, présentées par le ministre de la transition écologique et solidaire, est admise.

Article 4 : Le jugement no 1700657 - 1700658 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 janvier 2019 est annulé.

Article 5 : Les demandes présentées par la SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy devant le tribunal sont rejetées.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour l'association " Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne " et à la Selarl Gossement pour la SARL CE Les Vents de Bilcart et la SAS Parc éolien de Champigneul-Pocancy en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et à la ministre de la transition écologique.

N° 19NC00907, 19NC00927 et 19NC00974 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00907-19NC00927-19NC00974
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Règles de procédure contentieuse spéciales.

Nature et environnement - Divers régimes protecteurs de l`environnement.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs du juge - Contrôle du juge de l'excès de pouvoir.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SELARL GOSSEMENT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-01;19nc00907.19nc00927.19nc00974 ?
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