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10/05/2021 | FRANCE | N°20NC01340

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 10 mai 2021, 20NC01340


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... et Mme D... B... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions DCL/88-2019-18 et DCL/88-2019-19 du 11 septembre 2019 prises par le préfet des Vosges et portant interdiction de retour sur le territoire pendant une durée d'une année, d'enjoindre au préfet de réexaminer leur situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, d'enjoindre au préfet de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et de suppr

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... et Mme D... B... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions DCL/88-2019-18 et DCL/88-2019-19 du 11 septembre 2019 prises par le préfet des Vosges et portant interdiction de retour sur le territoire pendant une durée d'une année, d'enjoindre au préfet de réexaminer leur situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, d'enjoindre au préfet de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et de supprimer l'inscription et le signalement dans le système Schengen et de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

M. et Mme C... ont également demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions DCL/88-2019-154 et DCL/88-2019-155 du 22 mai 2019 par lesquelles le préfet des Vosges leur a refusé le séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils seront éloignés, d'enjoindre au préfet de leur délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer leur demande de titre de séjour et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de quarante-huit heures suivant la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n°s 1902751 et 1902846 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01340 le 26 juin 2020, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 décembre 2019 en tant qu'il concerne les décisions dont elle a fait l'objet ;

2°) d'annuler la décision du préfet des Vosges DCL/88-2019-OQTF-155 du 22 mai 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours ;

3°) d'annuler la décision du préfet des Vosges DCL/88-2019-19 du 11 septembre 2019 portant interdiction de retour sur le territoire pendant une durée d'une année ;

4°) d'enjoindre au préfet des Vosges, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

S'agissant du refus de titre de séjour :

- il n'est pas justifié de ce que l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ait informé le préfet de l'absence de réponse à la convocation pour examen physique, ce qui a privé Mme C... d'une garantie procédurale ;

- la procédure a été menée en méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, puisqu'il appartenait à l'OFII de fixer une nouvelle date de visite ;

- Mme C... ne pourra pas bénéficier effectivement dans son pays d'origine d'un traitement approprié à sa pathologie spécifique ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- le préfet n'a pas suffisamment motivé en droit et en fait sa décision ;

- il n'a pas procédé à un examen attentif et personnalisé de sa situation ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de fait relative au prétendu caractère définitif de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'existence d'une interdiction de retour sur le territoire français ne fait pas obstacle à la présentation d'une demande de régularisation ; le tribunal a omis d'examiner ce moyen.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 7 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C..., ressortissants albanais, sont entrés en France le 13 octobre 2016. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile. Ils ont sollicité du préfet des Vosges la délivrance d'une carte de séjour temporaire de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant de Mme C..., et du 7° du même article, s'agissant de M. C.... Par arrêtés du 22 mai 2019, le préfet des Vosges a refusé de faire droit à leurs demandes, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de renvoi. Par décisions du 11 septembre 2019, le préfet des Vosges leur a par ailleurs interdit le retour sur le territoire français pendant une année. Mme C... relève appel de ce jugement du 5 décembre 2019 en tant que le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés la concernant.

Sur la légalité des décisions du 22 mai et 11 septembre 2019 :

En ce qui concerne l'arrêté du 22 mai 2019 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ". Aux termes de l'article 4 du même arrêté : " Pour l'établissement de son rapport médical, le médecin de l'office peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant renseigné le certificat médical et faire procéder à des examens complémentaires. Le médecin de l'office, s'il décide, pour l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné le certificat médical, en informe le demandeur. Il peut convoquer, le cas échéant, le demandeur auprès du service médical de la délégation territoriale compétente (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 15 novembre 2018, le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a convoqué Mme C... en vue d'un examen clinique le 5 décembre 2018. Si la requérante produit une attestation, au demeurant non signée, indiquant que cette convocation ne lui a été remise par le service d'hébergement qui l'accueillait que le 6 décembre 2018, soit postérieurement à la date prévue pour cet examen, et indique que, malgré ses démarches, elle n'a pu obtenir d'autre rendez-vous auprès du service médical, il n'apparaît pas, de manière manifeste, au vu des pièces produites, qu'un examen médical auprès de ce service, dont il appartenait au médecin instructeur d'apprécier l'opportunité, aurait été nécessaire pour éclairer celui-ci en vue de la rédaction de son rapport, alors même que Mme C... avait reçu une convocation à cet effet. Ainsi, le défaut de remise de cette convocation et l'absence de fixation d'un nouveau rendez-vous auprès du service médical de l'Office n'ont, en tout état de cause, pas été de nature à priver l'intéressée d'une garantie et n'ont pas entaché d'irrégularité la procédure suivie devant l'Office.

4. En deuxième lieu, si l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration impose à l'administration, à peine d'illégalité de sa décision, lorsque la demande est incomplète, d'indiquer au demandeur, dans l'accusé de réception, les pièces manquantes dont la production est requise pour l'instruction de sa demande, il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande d'admission au séjour de Mme C..., le préfet des Vosges ne s'est pas fondé sur l'absence de documents ou de justificatifs nécessaires à l'instruction du dossier de l'intéressée, mais sur la circonstance, notamment, que celle-ci ne justifiait pas remplir les conditions de fond posées par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration.

5. En troisième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...). ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 14 mai 2019, que si l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays. La requérante produit trois prescriptions médicales qui lui ont été délivrées les 6 mars, 30 avril et 9 octobre 2019 concernant notamment les médicaments Propranolol, Lévothyrox, Oméprazole, Piroxicam, Thiocolchicoside et Hydroxysine chlorhydrate. Elle présente en outre un certificat établi par un médecin généraliste le 12 novembre 2019 indiquant que sa pathologie nécessite un suivi médical à vie et, enfin, une attestation du centre hospitalier Mère Teresa de Tirana du 6 juin 2019 indiquant que ces médicaments ne seraient pas disponibles à la vente en Albanie. Toutefois, cette seule attestation, en l'absence d'autre précision, ne permet pas d'établir de manière probante l'absence d'accès effectif de l'intéressée à un traitement approprié en Albanie, alors que le préfet a produit devant le tribunal les fiches de la base de données MEE... of Origin Information), dont il ressort que les médicaments Propanolol, Levothyroxine, Omeprazole et Piroxicam, à tout le moins, y sont disponibles et remboursés par le système d'assurance maladie albanais. Par suite, en refusant à Mme C... la délivrance d'une carte de séjour temporaire, le préfet des Vosges n'a pas fait une inexacte application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision du 11 septembre 2019 :

7. En premier lieu, cette décision mentionne les éléments de droit et de fait sur lesquels le préfet des Vosges a entendu la fonder et satisfait dès lors à l'obligation de motivation. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision aurait été prise sans examen particulier de la situation de la requérante.

8. En deuxième lieu, si Mme C... fait valoir que la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français mentionne à tort que l'obligation de quitter le territoire français dont elle a fait l'objet était devenue définitive et exécutoire faute de recours alors que le dépôt, à la date de cette décision d'interdiction de retour, d'une demande d'aide juridictionnelle avait pour effet de proroger le délai de recours à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, le préfet pouvait légalement prendre la même décision en se fondant uniquement sur le motif tiré de ce que l'intéressée s'était maintenue irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...). L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour. Lorsque l'étranger sollicite l'abrogation de l'interdiction de retour, sa demande n'est recevable que s'il justifie résider hors de France. Cette condition ne s'applique pas :/1° Pendant le temps où l'étranger purge en France une peine d'emprisonnement ferme ;/ 2° Lorsque l'étranger fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence prise en application des articles L. 561-1 ou L. 561-2 (...) ".

10. Aucune disposition, ni aucun principe ne subordonne la présentation d'une demande de régularisation au regard du séjour par un ressortissant étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français à l'abrogation préalable de cette interdiction de retour. Si, à l'article 1er de la décision du 11 septembre 2019, le préfet des Vosges a cependant indiqué que l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée contre Mme C... faisait obstacle à toute nouvelle demande de régularisation et que la recevabilité d'une telle demande était subordonnée à l'abrogation préalable de cette mesure d'interdiction de retour, cette mention constitue une simple information, sans portée décisoire et est par suite, et en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de ladite décision. Il suit de là qu'en s'abstenant d'examiner ce moyen, le tribunal n'a pas entaché d'irrégularité son jugement.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

12. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C....

Sur les frais liés à l'instance :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Vosges.

2

N° 20NC01340


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01340
Date de la décision : 10/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : GEHIN - GERARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-05-10;20nc01340 ?
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