La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/04/2021 | FRANCE | N°20NC03115

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 13 avril 2021, 20NC03115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 6 mars 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement no 2000710 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2020, Mme C... A..., représentée par Me D..., dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 6 mars 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement no 2000710 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2020, Mme C... A..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 mars 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- la compétence du signataire de la décision n'est pas établie ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;

- elle méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 7 b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la compétence du signataire de la décision n'est pas établie ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été informée de l'éventuelle mesure d'éloignement et n'a pas été mise en mesure de présenter des observations ;

- elle méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 7 b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 7 b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil.

Le préfet de la Marne n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier, notamment celles communiquées par le préfet le 18 mars 2021.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante algérienne, née en 1987, est entrée en France, le 17 mars 2018, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen valable du 3 mars au 29 août 2018, pour rejoindre son mari, qu'elle avait épousé le 16 juillet 2017 en Algérie. Elle a bénéficié d'un certificat de résidence algérien valable à compter du 11 avril 2018 pour une durée d'un an, dont elle a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 6 mars 2020, le préfet de la Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. Par un jugement du 17 juillet 2020, dont Mme A... fait appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions en litige :

2. Mme A... reprend en appel les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision contestée et de son insuffisance de motivation, avec la même argumentation qu'en première instance. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit aux points 2 et 3 par le tribunal administratif et qui n'appellent aucune précision en appel.

En ce qui concerne les moyens dirigés spécifiquement contre la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il ressort des motifs mêmes de la décision en litige que le préfet de la Marne, qui n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments relatifs à la situation de Mme A..., a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France à l'âge de trente-et-un ans. Depuis 2018, elle est séparée de son époux, dont le divorce a d'ailleurs été prononcé par un jugement du 5 janvier 2021. Elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où elle a vécu la majeure partie de sa vie et où résident encore ses parents. Si elle fait valoir que la rupture de la vie commune a pour origine le comportement violent de son époux, la seule production d'une main courante pour un différend avec son époux le 29 juillet 2018 et un procès-verbal de plainte déposée le 26 septembre 2018 sont insuffisants à l'établir. Du reste, s'il ressort des pièces du dossier que le jugement a été prononcé aux torts exclusifs de l'époux de Mme A..., c'est uniquement en raison des manquements de ce dernier à son obligation d'assistance et d'entraide matérielle et morale, ce dernier lui ayant refusé de réintégrer le domicile conjugal en la laissant dehors, dans une situation de précarité. Si l'intéressée a suivi une formation qualifiante en qualité d'assistante de vie et bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée, ces circonstances sont insuffisantes à établir qu'elle a transféré le centre de ses intérêts en France. Dans ces conditions, le préfet n'a pas, en refusant de renouveler son certificat de résidence algérien, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article 9 du code civil. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....

6. En troisième lieu, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. Si Mme A... se prévaut des conditions dans lesquelles la communauté de vie avec son époux a été rompue, de la formation qu'elle a suivie avec succès et de la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'assistante de vie, ces circonstances, ainsi que l'a relevé le préfet, ne constituent pas un motif exceptionnel ou des considérations humanitaires de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet de la Marne en refusant de régulariser sa situation doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes du b) de l'article 7 l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat visé par les services du ministère chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française (...) ".

9. Il est constant qu'en raison d'un avis défavorable des services du ministère chargé de l'emploi, Mme A... ne dispose pas d'un contrat de travail visé. Ainsi, elle ne remplissait pas les conditions pour obtenir la délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de salarié. Par suite, en refusant de délivrer à la requérante un certificat de résidence, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

En ce qui concerne les moyens invoqués spécifiquement contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale par voie de conséquence de la prétendue illégalité du refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien doit être écarté.

11. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter le moyen, soulevé en première instance, que Mme A... reprend en appel, tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 12 à 14, dès lors que la requérante se borne à le reprendre sans critique pertinente du jugement.

12. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 7 b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre de la décision en litige qui n'a pas pour objet de refuser la délivrance d'un titre de séjour.

13. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 9 du code civil et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5.

En ce qui concerne les moyens invoqués spécifiquement contre de la décision fixant le pays de destination :

14. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 7 b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 9 du code civil ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre de la décision en litige qui n'a pas pour objet de refuser la délivrance d'un titre de séjour, ni ne porte pas elle-même une atteinte à la vie privée et familiale de Mme A....

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante, les conclusions présentées par la requérante sur le fondement des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour Mme C... A... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Marne.

N° 20NC03115 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03115
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : HAMI - ZNATI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-13;20nc03115 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award