Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière, a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'un an et l'a astreint à remettre l'original de son passeport et à se présenter une fois par semaine à la brigade mobile de recherche de Mulhouse.
Par un jugement n° 2001341 du 26 mai 2020, la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2020, M. A... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001341 de la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 26 mai 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 10 février 2020 ;
3°) de suspendre la mesure d'éloignement prise à son encontre jusqu'à la lecture en audience publique de la Cour nationale du droit d'asile ;
4°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- la décision en litige est entachée d'une défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que, ayant saisi la Cour nationale du droit d'asile d'un recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile, le préfet du Haut-Rhin ne pouvait légalement lui faire obligation de quitter le territoire français ;
- lle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... est un ressortissant kosovar, né le 18 avril 2000. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France, le 9 septembre 2019, afin d'y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié. Instruite dans le cadre de la procédure accélérée, sa demande d'asile, présentée dès le 11 septembre 2019, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 décembre 2019. Le requérant ne bénéficiant plus du droit de se maintenir en France, le préfet du Haut-Rhin, par un arrêté du 10 février 2020, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière, a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'un an et l'a astreint à remettre l'original de son passeport et à se présenter une fois par semaine à la brigade mobile de recherche de Mulhouse. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 10 février 2020. Il relève appel du jugement n° 2001341 du 26 mai 2020 qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne résulte, ni des motifs de la décision en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Haut-Rhin se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. B.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ". Aux termes du I de l'article L. 722-1 du même code : " L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, (...) le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin (...) lorsque : (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ; (...) ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 743-3 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. ".
5. Il n'est pas contesté que le Kosovo est considéré comme un pays d'origine sûr. Dans ces conditions, M. B... ne bénéficiant plus du droit de se maintenir en France à la suite du rejet de sa demande d'asile par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 décembre 2019, le préfet du Haut-Rhin pouvait légalement prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la Cour nationale du droit d'asile, saisie par l'intéressé d'un recours contre la décision du 31 décembre 2019, ne se soit pas encore prononcée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Si M. B... prétend avoir tissé des liens amicaux sur le territoire français et y disposer d'" un solide ancrage social et amical ", il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'est présent en France que depuis le 9 septembre 2019, soit une durée de séjour de cinq mois à la date de la décision en litige. Célibataire et sans enfant à charge, l'intéressé ne justifie d'aucune intégration particulière sur le territoire français et ne démontre pas davantage y posséder des attaches familiales ou même personnelles. En revanche, il n'est pas isolé au Kosovo, où résident notamment ses parents et son frère. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
8. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
9. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. Si M. B... fait valoir que, en cas de retour au Kosovo, sa liberté et son intégrité physique seraient menacées du fait de son orientation sexuelle, il n'apporte aucun élément probant au soutien de ses allégations. Par suite, alors que, au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 décembre 2019, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. Compte tenu de ce qui a déjà été dit, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 10 février 2020. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la suspension de la mesure d'éloignement :
13. Aux termes du second alinéa de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. ".
14. En l'absence de tout élément sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, le maintien de M. B... sur le territoire français durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile, les conclusions de l'intéressé présentées au titre des dispositions précitées ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour M. A... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
N° 20NC02899 2