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25/03/2021 | FRANCE | N°20NC00728

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 mars 2021, 20NC00728


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 mars 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, à défaut, de procéder à un réexamen de sa situation dan

s un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 mars 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, à défaut, de procéder à un réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1903716 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00728 le 19 mars 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 mars 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant a mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte, dans l'un et l'autre cas, de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- il n'a pas pu bénéficier d'un délai suffisant pour présenter ses observations sur les éléments produits en défense devant le tribunal, en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- les juges ont dénaturé les pièces qu'il a produites, ce qui entache le jugement d'irrégularité ;

S'agissant du refus de titre de séjour :

- il sollicite la production des avis émis par le médecin de l'Agence régionale de santé de 2013 à 2017 ;

- le préfet n'a pas examiné sa situation et s'en est remis à l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sans exercer sa propre compétence ;

- l'avis du collège de médecins de l'OFII repose sur une appréciation erronée et le préfet, en le suivant, a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale comme état fondée sur un refus de séjour illégal ;

- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 11 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller,

- et les observations de Me A..., pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant de la République démocratique du Congo, est entré en France, selon ses déclarations, le 4 août 2011. A la suite du rejet de sa demande d'asile, il a sollicité du préfet du Bas-Rhin la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " pour raisons de santé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet a fait droit à cette demande en lui délivrant une carte de séjour temporaire valable un an à compter du 16 décembre 2013, et l'a régulièrement renouvelée jusqu'au 20 mars 2018. Le 21 mars 2018, M. C... a sollicité un autre renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 18 mars 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 3 octobre 2019, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 18 mars 2019 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 7 août 2018, que si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité.

4. M. C... produit les certificats médicaux établis le 28 mars 2019 par le Dr Meyer, praticien hospitalier à l'Etablissement public santé Alsace-Nord, et le 11 avril 2019, par le Dr Haegeli, médecin psychiatre en charge de son suivi, dont il ressort qu'il souffre d'une névrose post-traumatique, associée à des troubles du sommeil, un repli sur soi, une anxiété sévère et des idées suicidaires, pour laquelle il bénéficie d'un traitement médicamenteux antipsychotique et d'un suivi psychiatrique depuis plusieurs années. Il ressort en outre du premier de ces certificats que si l'état de M C... est actuellement stable, cette stabilité est fragile et reste conditionnée au maintien de son programme de soins, la pathologie évoluant de manière chronique et l'absence de soins appropriés laissant craindre une décompensation psychotique aiguë et la résurgence de troubles du comportement auto ou hétéroagressifs comme ceux déjà observés en 2015. Dans son rapport du 1er juin 2018, le médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er juin 2018 mentionne également qu'une interruption du suivi psychiatrique ne lui paraît pas envisageable. Il apparait, au vu des certificats médicaux déjà évoqués, ainsi que du rapport d'expertise psychiatrique établi le 10 novembre 2014 dans le cadre des poursuites pénales engagées contre M. C... pour violences avec usage ou menace d'une arme et menaces de mort répétées, que ce dernier présentait à cette date une dangerosité psychiatrique liée à un trouble délirant et pour laquelle il a fait l'objet d'une longue hospitalisation psychiatrique, suivie de la mise en place d'un programme de soins, toujours en vigueur. Un certificat médical étayé, établi par le Dr Meyer le 11 février 2020, postérieurement à l'arrêté attaqué, confirme, d'une part, qu'à la suite de la dernière hospitalisation de M. C..., en juin 2017, un programme de soins a été mis en place, constitué notamment d'un suivi psychiatrique et d'une injection de neuroleptique tous les mois et, d'autre part, que l'état de l'intéressé reste marqué, malgré la non réitération d'idées délirantes depuis la mise en place du programme de soins, par une dissociation idéo-affective et comportementale générant une forte tension et une nervosité. Il résulte de l'ensemble de ces éléments précis et circonstanciés qu'à la date du 18 mars 2019, à laquelle le préfet s'est prononcé sur la demande de carte de séjour temporaire de M. C..., l'état de santé de ce dernier nécessitait des soins dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

5. Il ressort en outre des divers certificats médicaux évoqués précédemment que M. C..., qui avait d'ailleurs bénéficié à cinq reprises d'une carte de séjour temporaire pour raisons de santé, ne pouvait pas bénéficier effectivement dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé. Le préfet n'apporte pas d'élément de nature à établir la possibilité pour l'intéressé de bénéficier d'un tel traitement dans son pays d'origine, alors que le collège de médecins de l'OFII ne s'est pas prononcé, pour sa part, sur ce point. Par suite, en refusant de faire droit à la demande de M. C... tendant au renouvellement de sa carte de séjour temporaire, le préfet du Bas-Rhin a fait une application inexacte des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. L'exécution du présent arrêt implique normalement que soit délivré à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de procéder à la délivrance de cette carte dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., conseil de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardé comme partie perdante à l'instance, le versement à cet avocat d'une somme de 1 200 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903716 du 3 octobre 2019 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 18 mars 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé à M. C... le renouvellement de sa carte temporaire de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me A..., avocat de M. C..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin

2

N° 20NC00728


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00728
Date de la décision : 25/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : DOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-03-25;20nc00728 ?
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