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25/03/2021 | FRANCE | N°19NC01451

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 mars 2021, 19NC01451


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... et Mme B... E... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2016 par lequel le maire de la commune de Châtenois a accordé un permis de construire à la société civile immobilière SCI Rose Châtenois pour des travaux à effectuer sur un immeuble situé 18 rue de Lorraine, consistant en une modification de la façade sur rue et des changements de menuiseries ainsi qu'en une extension de 34 mètres carrés à l'arrière de l'immeuble.

Par

un jugement n° 1701253 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Nancy a annulé ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... et Mme B... E... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2016 par lequel le maire de la commune de Châtenois a accordé un permis de construire à la société civile immobilière SCI Rose Châtenois pour des travaux à effectuer sur un immeuble situé 18 rue de Lorraine, consistant en une modification de la façade sur rue et des changements de menuiseries ainsi qu'en une extension de 34 mètres carrés à l'arrière de l'immeuble.

Par un jugement n° 1701253 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté et a mis à la charge de la commune de Châtenois le versement aux époux C... d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2019, et un mémoire en réplique enregistré le 23 octobre 2020, la commune de Châtenois, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 mars 2019 ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme C... une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont statué ultra-petita en se prononçant sur la régularité de l'affichage du permis de construire contesté sur le terrain du projet alors que seul l'affichage du permis en mairie était contesté par les époux C... ;

- la requête de première instance des époux C... était tardive et donc irrecevable ;

- le dossier de demande de permis de construire ne méconnaît pas les dispositions des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- une éventuelle insuffisance du dossier de demande de permis de construire n'a pas été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité chargée de l'examen de la demande dès lors que d'autres pièces du dossier permettaient de pallier cette insuffisance ;

- les travaux projetés ne sont pas concernés par les dispositions de l'article 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Châtenois ;

- l'article 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Châtenois a été modifié le 18 septembre 2019 de telle sorte que les dispositions de cet article ne peuvent plus être utilement invoquées contre le permis initial ;

- le tribunal administratif de Nancy n'aurait dû ne prononcer que l'annulation partielle de l'arrêté du 26 novembre 2019 sur le fondement de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, dès lors que les éventuelles insuffisances du dossier de permis de construire n'affectaient pas l'ensemble du permis de construire mais uniquement une partie identifiable du projet.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 septembre 2019 et le 30 octobre 2020, M. et Mme C..., représentés par Me A..., concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mis à la charge de la commune de Châtenois le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens invoqués par la commune requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Grossrieder, présidente,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 28 novembre 2016, le maire de la commune de Châtenois a accordé à la SCI Rose Châtenois un permis de construire pour des travaux à effectuer sur un immeuble situé 18 rue de Lorraine, consistant en une modification de la façade sur rue et des changements de menuiseries ainsi qu'en une extension de 34 mètres carrés à l'arrière de l'immeuble. La commune de Châtenois fait appel du jugement du 19 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La commune de Châtenois soutient que le tribunal administratif de Nancy a statué ultra-petita en se prononçant sur la régularité de l'affichage du permis de construire litigieux sur le terrain du projet, alors que M. et Mme C... ne contestaient que la régularité de l'affichage dudit permis en mairie. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les premiers juges se sont bornés à répondre à la fin de non-recevoir opposée par la commune de Châtenois et tirée de la tardiveté de la demande de première instance des époux C.... Pour y répondre, ils devaient nécessairement apprécier l'existence ou non d'un affichage régulier du permis de construire sur le terrain du projet. Dès lors, le jugement attaqué ne peut être entaché d'irrégularité pour ce motif.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux, à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ".

4. Comme l'ont rappelé les premiers juges, seul l'affichage sur le terrain de l'autorisation de construire est susceptible de faire courir le délai de recours contentieux à l'égard des tiers. Toutefois, aucune pièce du dossier, aussi bien en première instance qu'en appel, ne permet d'établir que cet affichage a été effectué. Dans ces conditions, cette mesure de publicité ne peut être regardée comme accomplie et le délai de recours de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme n'était pas opposable aux époux C.... Dès lors, le moyen tiré de la tardiveté de la demande de première instance des époux C... ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'insuffisance du dossier de demande de permis de construire :

5. Aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : (...) / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) l'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) l'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : (...) / c) un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain (...) ".

6. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet architectural inclus dans le dossier de demande de permis de construire comporte plusieurs plans et photographies ainsi qu'un photomontage permettant d'apprécier les travaux projetés dans l'environnement du bâtiment sur rue. Toutefois, aucun de ces documents ne permet d'appréhender l'implantation, l'organisation, la composition et le volume de l'extension de 34 mètres carrés prévue à l'arrière du bâtiment, qui donne sur la propriété de M. et Mme C.... De même, ces documents ne permettent pas d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes, notamment la propriété des époux C..., ni son impact visuel, ni sa situation dans l'environnement proche et lointain. En outre, aucune autre pièce figurant au dossier ne permettait à l'autorité compétente d'apprécier l'ensemble des éléments énumérés par les dispositions précitées. Enfin, la circonstance qu'un nouveau permis de construire ait été délivré à la SCI Rose Châtenois après l'examen d'une nouvelle demande de permis comportant des pièces supplémentaires plus détaillées est sans incidence sur l'appréciation de l'insuffisance du dossier de permis de construire en litige, dès lors qu'il s'agit d'une nouvelle autorisation distincte de la première. Dans ces conditions, les insuffisances du dossier de demande de permis de construire ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

En ce qui concerne l'article 12.1 du règlement du plan local d'urbanisme :

8. En premier lieu, aux termes de l'article III du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Châtenois : " Lorsqu'un immeuble bâti existant n'est pas conforme aux dispositions éditées par le règlement applicable à la zone, le permis de construire ne peut être accordé que pour les travaux qui ont pour objet d'améliorer la conformité de ces immeubles avec lesdites règles ou qui sont sans effet à leur égard ". Aux termes de l'article 12.1 du même règlement : " Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions et installations doit être assuré en dehors des voies publiques ou privées. La superficie à prendre en compte pour le stationnement d'un véhicule est de 17 m². S'il y a lieu de prévoir un accès, la surface sera de 25 m². / - immeubles à usage d'habitation : 1 place par 80 m² de surface hors oeuvre avec un minimum de 1 place par logement. (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que l'immeuble existant méconnaît les dispositions précitées dès lors qu'il ne dispose d'aucune place de stationnement. Le permis de construire litigieux ne pouvait ainsi être accordé que si les travaux projetés avaient pour objet d'améliorer la conformité de l'immeuble avec les dispositions méconnues du règlement du plan local d'urbanisme, ou s'ils étaient étrangers à ces dispositions. Toutefois, il est constant que les travaux d'extension prévus porteront la surface totale de l'immeuble à 244,72 mètres carrés afin de permettre la création de deux logements sur une surface de 157,04 mètres carrés, sans qu'il ne soit prévu de places de stationnement. Dès lors, ces travaux, qui, contrairement à ce que soutient la commune de Châtenois, ne sont pas étrangers aux dispositions de l'article 12.1 du règlement du plan local d'urbanisme, ne rendent pas l'immeuble plus conforme aux dispositions précitées.

10. En second lieu, lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Il peut, de même, être régularisé par un permis modificatif si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été entretemps modifiée. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

11. En l'espèce, si l'article 12.1 du plan local d'urbanisme de la commune de Châtenois a été modifié par délibération du conseil communautaire de la communauté de communes de l'Ouest Vosgien du 18 septembre 2019 et si la commune de Châtenois soutient que le permis de construire délivré à la SCI Rose Châtenois le 24 avril 2020 a permis la régularisation du vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 12.1 du règlement du plan local d'urbanisme affectant le permis délivré le 28 novembre 2016 à la même SCI, il ressort des pièces du dossier que le permis délivré le 24 avril 2020 ne constitue pas un permis modificatif, mais une autorisation entièrement nouvelle, indépendante de celle en litige et n'a donc pas pour effet de régulariser le permis initial. Dès lors, la circonstance que les dispositions méconnues aient été modifiées postérieurement à la délivrance du permis contesté est sans incidence sur l'appréciation de la légalité du permis en litige.

En ce qui concerne l'annulation totale de l'arrêté du 28 novembre 2016 prononcée par le tribunal administratif de Nancy :

12. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation ".

13. L'insuffisance des documents joints au dossier de demande de permis de construire n'affecte pas seulement une partie identifiable du projet, mais l'ensemble du permis de construire litigieux. Une telle irrégularité ne peut dès lors justifier une annulation partielle de cette autorisation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Châtenois n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé le permis de construire délivré par le maire de Châtenois le 28 novembre 2016 à la SCI Rose Châtenois.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme C... qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la commune de Châtenois sollicite le versement au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Châtenois une somme de 2 000 euros au titre des frais liés au litige exposés par M. et Mme C....

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la commune de Châtenois est rejetée.

Article 2 : La commune de Châtenois versera à M. et Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C..., à la SCI Rose Châtenois et à la commune de Châtenois.

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N° 19NC01451


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