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16/03/2021 | FRANCE | N°20NC02138

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 16 mars 2021, 20NC02138


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000784 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2020, Mme B..., représentée p

ar Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000784 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2020, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

sur la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision attaquée méconnaît les articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation sur la gravité de l'atteinte à sa situation en prenant en compte la circonstance de ce qu'elle pourrait bénéficier de la procédure de regroupement familial ;

- elle méconnaît la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;

sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle ;

sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision attaquée doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante albanaise née le 18 septembre 1995, est entrée irrégulièrement en France le 10 décembre 2013. Elle a sollicité pour la seconde fois, le 19 novembre 2019, la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement des articles L. 313-11, 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 janvier 2020, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 25 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France, selon ses dires, le 10 décembre 2013, et qu'elle a fait l'objet d'un rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 10 juillet 2014 ainsi que d'un rejet de sa première demande de titre de séjour le 12 juin 2015. Elle vit en concubinage depuis au moins décembre 2018, selon les pièces produites, avec un compatriote titulaire d'un titre de séjour " vie privée et familiale " qui bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet. Ils ont donné naissance à un enfant le 28 février 2019 que M. B... a reconnu par anticipation le 2 novembre 2018 et se sont mariés le 9 août 2019. Si le préfet soutient que la requérante ne justifie pas de sa présence en France en 2016 et 2017, il ressort des pièces du dossier que deux médecins attestent la suivre depuis 2015 dont un notamment précise l'avoir reçue en consultation 12 fois en 2016 et 11 fois en 2017. Aussi, au regard de la durée de séjour en France de la requérante et de l'intensité de ses liens dans ce pays, où vivent son époux en situation régulière et son enfant qui a vocation à être élevé par ses deux parents, la seule circonstance que Mme B... n'a pas respecté la procédure de regroupement familial n'est pas de nature à permettre de regarder l'atteinte portée par la décision de refus de titre de séjour au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale comme proportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, alors même qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à son entrée en France. Par suite, la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et doit être annulée pour ce motif ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Haut-Rhin délivre à Mme B... une carte de séjour " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte, et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L.512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il y lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'avocate de Mme B... d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2000784 du 25 juin 2020 et l'arrêté du 7 janvier 2020 du préfet du Haut-Rhin sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me A... avocate de Mme B..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 20NC02138


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02138
Date de la décision : 16/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : KLING

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-03-16;20nc02138 ?
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