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25/02/2021 | FRANCE | N°20NC00762

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 février 2021, 20NC00762


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé le droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la n

otification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1901656 du 26 septembre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé le droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1901656 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00762 le 19 mars 2020, M. C... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 17 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Le jugement est irrégulier, pour méconnaissance des droits de la défense et non-respect du principe du contradictoire ;

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour sollicité ;

- les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-marocain du 14 et 15 août 1957 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., de nationalité marocaine, né le 25 avril 1979, est entré en France le 10 novembre 2014 muni d'un visa de court séjour valable jusqu'au 24 décembre 2014. Il a sollicité, le 18 septembre 2015, la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Le préfet du Bas-Rhin a opposé un refus à sa demande et a prononcé à son encontre une mesure d'éloignement, par un arrêté du 18 février 2016, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 octobre 2016 et par un arrêt de la cour administratif d'appel de Nancy du 4 juillet 2017. M. B... a sollicité une nouvelle fois la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé le 5 juin 2018. Par un arrêté du 17 décembre 2018, le préfet du Bas-Rhin lui a refusé le droit au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement du 26 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire... " Et aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions que le juge n'est pas tenu de communiquer l'ensemble des mémoires échangés par les parties.

3. Il est constant que le préfet du Bas-Rhin a produit un mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2019 et communiqué le 30 août suivant. Cette communication a nécessairement eu pour effet de rouvrir l'instruction, dont la clôture avait été initialement fixée au 16 août 2019. Une nouvelle clôture d'instruction est intervenue, trois jours franc avant l'audience du 5 septembre 2019, soit le 2 septembre 2019, à zéro heure. Si M. B... ne disposait ainsi que d'un délai légèrement supérieur à deux jours pour prendre connaissance du mémoire du préfet et produire d'éventuelles observations avant la clôture de l'instruction, il lui aurait été loisible, même postérieurement à cette clôture, de répondre à ce mémoire par écrit en sollicitant la réouverture de l'instruction et, éventuellement, une nouvelle date d'audience. Toutefois, il est constant que M. B... et son conseil se sont abstenus de présenter de telles observations. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense doit, dès lors, être écarté.

4. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

5. En premier lieu, la décision du préfet du Bas-Rhin refusant à M. B... la délivrance d'un titre de séjour, qui n'est pas stéréotypée, mentionne les textes dont elle fait application, notamment le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'un traitement approprié était disponible dans le pays d'origine et que M. B... pouvait voyager sans risque. Alors que le préfet n'était pas tenu de mentionner dans sa décision l'ensemble des éléments de fait dont s'était prévalu le requérant à l'appui de sa demande de titre de séjour, elle souligne en outre, notamment, que M. B... n'est pas isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans. Elle comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

7. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

8. Il ressort des pièces du dossier que le requérant souffre de troubles psychiatriques, pour lesquels il suit un traitement médicamenteux en France. Pour refuser à M. B... le titre de séjour qu'il avait sollicité pour raisons de santé, le préfet du Bas-Rhin s'est fondé notamment sur un avis émis le 3 décembre 2018 par le collège des médecins de l'OFII, qui a estimé, ainsi qu'il a été dit plus haut, que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'un traitement approprié était disponible dans le pays d'origine et que M. B... pouvait voyager sans risque.

9. Les pièces produites par le requérant, notamment des certificats médicaux et ordonnances établis entre 2015 et 2018, ainsi que des attestations de témoins, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de cet avis, par le préfet du Bas-Rhin. Par ailleurs, si l'appelant affirme qu'il est soigné en France par des médecins qui ont gagné sa confiance, il ne soutient pas qu'il ne serait pas en mesure de développer une relation de confiance avec un thérapeute dans son pays d'origine. Par ailleurs, il est constant que l'intéressé a bénéficié de soins psychiatriques au Maroc, et s'il souligne que ces soins se sont avérés insuffisants pour calmer ses crises de schizophrénie, il ne produit aucun élément susceptible d'établir que sa pathologie ne pourrait être traitée au Maroc, alors qu'il produit une ordonnance établie par un psychiatre de Meknes qui lui avait prescrit le même traitement que celui dont il bénéficie en France. Enfin, s'il affirme qu'il lui serait impossible de suivre un traitement dans son pays d'origine, du fait de son isolement au Maroc, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, la réalité de cet isolement. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ".

12. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 8 et 9 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entrée en France le 10 novembre 2014, à l'âge de 35 ans. S'il résidait ainsi sur le territoire français depuis plus de quatre ans à la date de la décision contestée, la durée de sa présence sur le territoire français s'explique notamment par le fait qu'il n'avait pas exécuté une précédente mesure d'éloignement, dont la légalité avait été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 octobre 2016 et par un arrêt de la cour administratif d'appel de Nancy du 4 juillet 2017. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à son arrivée en France. Par suite, nonobstant la circonstance qu'il bénéficie en France du soutien de sa soeur, qui l'héberge et le prend en charge matériellement, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 17 décembre 2018. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir doivent par voie de conséquence être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

16. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 20NC00762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00762
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : DOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-25;20nc00762 ?
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