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25/02/2021 | FRANCE | N°20NC00641

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 février 2021, 20NC00641


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2019 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1906991 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00

641 le 11 mars 2020, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2019 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1906991 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00641 le 11 mars 2020, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 17 septembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du II 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'une exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui sert de fondement ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'une exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui sert de fondement ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 décembre 2020, la clôture d'instruction a été reportée du 8 décembre 2020 au 29 décembre 2020.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant malien, né le 1er janvier 1989, est entré irrégulièrement en France en juin 2017, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en date du 13 août 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en date du 25 avril 2019. A la suite de son interpellation par les services de police lors d'un contrôle d'identité en gare de Forbach, le préfet de la Moselle a pris à son encontre un arrêté en date du 17 septembre 2019 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... fait appel du jugement du 2 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France selon ses déclarations en juin 2017. Il ne résidait ainsi sur le territoire français que depuis moins de deux ans, à la date de la décision contestée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à son arrivée récente en France. Dans ces conditions, et nonobstant ses efforts d'intégration en France, M. A..., célibataire et sans enfant, n'établit pas l'existence de liens personnels ou familiaux en France d'une ancienneté et d'une stabilité telles que le refus de séjour litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

5. Si M. A..., qui n'a jamais sollicité de titre de séjour pour raisons de santé, affirme souffrir des séquelles d'une poliomyélite, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne pourrait pas bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant un délai de départ volontaire :

6. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. (...) ".

7. Il ressort de la lecture de la décision litigieuse et il n'est au demeurant pas contesté que M. A... a déclaré qu'il ne se conformerait pas à une éventuelle mesure d'éloignement. Dans ces conditions, le préfet de la Moselle n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation en obligeant l'intéressé à quitter le territoire français sans délai, en application des dispositions précitées du II 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de ce que ces dispositions auraient été méconnues doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays d'éloignement.

9. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Le requérant, qui affirme, sans plus de précisions, qu'il a fui le Mali afin d'échapper aux menaces qui pesaient sur sa vie et ses libertés, n'établit pas, par les pièces qu'il produit, qu'il risquerait d'être personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. D'ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de M. A... a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 13 août 2018, confirmée par une décision de la CNDA en date du 25 avril 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

12. En second lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.".

13. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

14. Il ressort des pièces du dossier que pour prononcer à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet de la Moselle a pris en compte, dans le cadre du pouvoir d'appréciation qu'il exerce à cet égard, les quatre critères énoncés par les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour retenir en particulier la durée de présence de M. A... sur le territoire français et l'absence de liens personnels et familiaux en France. Il est constant que le requérant ne résidait sur le territoire français que depuis moins de deux ans, à la date de la décision contestée, et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait des liens personnels ou familiaux anciens en France. Il remplissait ainsi deux des critères énoncés au III de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 17 septembre 2019.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 20NC00641


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00641
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SNOECKX

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-25;20nc00641 ?
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