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23/02/2021 | FRANCE | N°20NC02584-20NC02586

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 23 février 2021, 20NC02584-20NC02586


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2001214 du 31 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 18 novembre 2019 et a enjoint

la préfète du Bas-Rhin de délivrer à Mme D... un titre de séjour portant la mention "...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2001214 du 31 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 18 novembre 2019 et a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à Mme D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020, sous le n° 20NC02584, la préfète du Bas-Rhin doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2001214 du tribunal administratif de Strasbourg du 31 juillet 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par Mme D... ;

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige du 18 novembre 2019 a été signé par une autorité bénéficiant d'une délégation de signature régulière à cet effet ;

- l'arrêté en litige ne contrevient pas aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que cet arrêté était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

- l'arrêté en litige n'est pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il ne méconnaît, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2020, Mme E... D..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat du versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que celles de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant fixation du pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du second paragraphe de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

II. Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020, sous le n° 20NC02586, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution du jugement n° 2001214 du tribunal administratif de Strasbourg du 31 juillet 2020.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige du 18 novembre 2019 a été signé par une autorité bénéficiant d'une délégation de signature régulière à cet effet ;

- l'arrêté en litige ne contrevient pas aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que cet arrêté était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

- l'arrêté en litige n'est pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il ne méconnaît, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2020, Mme E... D..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que celles de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant fixation du pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du second paragraphe de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décision du 24 novembre 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 20NC02584 et 20NC02586, présentées par la préfète du Bas-Rhin, sont dirigées contre un même jugement et concerne la situation d'un même étranger au regard de son droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. Mme E... D... est une ressortissante arménienne, née le 29 mars 2000. Elle a déclaré être entrée irrégulièrement en France, le 13 janvier 2018, accompagnée de ses parents et de son frère mineur, né le 24 novembre 2015. Le 18 avril 2018, elle a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 août 2018, puis la Cour nationale du droit d'asile le 25 juin 2019. Par un courrier du 14 octobre 2019, alors scolarisée en classe de première générale, elle a sollicité la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour afin d'achever son cursus scolaire au lycée international des Pontonniers de Strasbourg. Toutefois, par un arrêté du 18 novembre 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Mme D... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 18 novembre 2019. La préfète du Bas-Rhin relève appel du jugement n° 2001214 du 31 juillet 2020, qui annule cet arrêté et lui fait injonction de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Ainsi qu'il a été dit, il ressort des pièces du dossier que Mme D... s'est bornée à solliciter, dans son courrier du 14 octobre 2019 adressé au préfet du Bas-Rhin, l'autorisation de séjourner provisoirement sur le territoire français afin de lui permettre d'aller au bout de son cursus scolaire au sein du lycée international des Pontonniers à Strasbourg. Il n'est pas sérieusement contesté que les résultats scolaires obtenus par l'intéressée, tant en classe de seconde qu'en classe de première générale, sont tout à fait satisfaisants, spécialement dans les disciplines scientifiques. Mme D... verse aux débats les attestations d'un enseignant et de la conseillère principale d'éducation du lycée international des Pontonniers, qui mettent en exergue l'exemplarité de son comportement, la qualité de son travail et son engagement dans l'apprentissage de la langue française. Eu égard au caractère méritoire des efforts d'intégration de la défenderesse et à la possibilité pour elle d'obtenir à bref délai son baccalauréat et, ainsi, d'achever son cursus scolaire, la décision du 18 novembre 2019 portant refus de délivrance d'un titre de séjour doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée. Par suite, les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, qui se trouvent privées de base légale, sont également illégales.

4. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 18 novembre 2019 et a enjoint à l'autorité préfectorale de délivrer à Mme D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification de ce jugement. Par voie de conséquence, les conclusions tendant au rejet de la demande de première instance ne peuvent qu'être rejetées.

Sur le sursis à l'exécution du jugement :

5. La cour statuant par le présent arrêt sur la requête tendant à l'annulation du jugement n° 2001214 du tribunal administratif de Strasbourg du 31 juillet 2020, les conclusions de la préfète du Bas-Rhin tendant au sursis à l'exécution de ce jugement ont perdu leur objet et il n'y a, par suite, plus lieu d'y statuer.

Sur les frais de justice :

6. Mme D... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décision du 24 novembre 2020, son avocate peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme totale de 1 200 euros à Me C..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20NC02586 de la préfète du Bas-Rhin.

Article 2 : La requête n° 20NC02584 de la préfète du Bas-Rhin est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me C..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Me C... pour M. E... D... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

N° 20NC02584 et 20NC02586 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02584-20NC02586
Date de la décision : 23/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SNOECKX

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-23;20nc02584.20nc02586 ?
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