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23/02/2021 | FRANCE | N°20NC02216-20NC02217

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 23 février 2021, 20NC02216-20NC02217


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et Mme F... G..., épouse C..., ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 25 février 2020 par lesquels le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement no 2002441, 2002442 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés conte

stés.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 4 août 2020 sous...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et Mme F... G..., épouse C..., ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 25 février 2020 par lesquels le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement no 2002441, 2002442 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés contestés.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 4 août 2020 sous le n° 20NC02216, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour d'annuler le jugement no 2002441, 2002442 du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juillet 2020 et de rejeter les demandes de M. C... et Mme G....

Il soutient que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après avoir estimé qu'il avait porté une atteinte excessive au droit de M. C... et Mme G... au respect de leur vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2020, Mme F... G..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet du Haut-Rhin ;

2°) d'annuler l'arrêté la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut de lui enjoindre de réexaminer sa situation et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Elle soutient que :

- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent les dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

II. Par une requête, enregistrée le 4 août 2020 sous le n° 20NC02217, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour de surseoir à l'exécution jugement no 2002441, 2002442 du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juillet 2020.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après avoir estimé qu'il avait porté une atteinte excessive au droit de M. C... et Mme G... au respect de leur vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2020, M. D... C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet du Haut-Rhin ;

2°) d'annuler l'arrêté le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut de lui enjoindre de réexaminer sa situation et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Il soutient que :

- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent les dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Me E... pour M. C... et Mme G...,

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées, no 20NC02216 et 20NC02217, étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Pour annuler les décisions de refus de séjour contestées, le tribunal, après avoir considéré qu'elles portent au droit de M. C... et Mme G... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises, s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a ensuite annulé par voie de conséquence les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... et Mme G..., son épouse, nés respectivement en 1969 et 1983, tous deux de nationalité ukrainienne, sont entrés en France en compagnie de leurs deux enfants mineurs le 23 septembre 2017. Ainsi présents en France depuis deux ans et demi seulement à la date des arrêtés en litige, ils n'y font valoir aucune autre attache personnelle ou familiale que leur propre cellule familiale, alors qu'ils ne sont pas dépourvus de telles attaches dans leur pays d'origine, où ils ont vécu, respectivement, jusqu'à l'âge de 48 et 34 ans. Dans ces conditions et en dépit de leurs efforts d'intégration linguistique, sociale et professionnelle, ainsi que du sérieux dont font preuve leurs filles dans leur scolarité, le préfet n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de les admettre au séjour.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les décisions de refus de séjour et, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... et Mme G... tant devant le tribunal administratif de Strasbourg que devant la cour en appel.

Sur les autres moyens soulevés par M. C... et Mme G... :

En ce qui concerne les moyens communs aux refus de séjour et aux obligations de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. Geney, secrétaire général de la préfecture et signataire des arrêtés contestés, était régulièrement habilité à cette fin par un arrêté du préfet du Haut-Rhin du 16 septembre 2019, publié le jour même au recueil des actes administratifs de la préfecture. Par suite, le moyen tiré de ce que les refus de séjour et obligations de quitter le territoire français en litige seraient entachés d'incompétence manque en fait et doit être écarté.

8. En second lieu, les arrêtés du 25 février 2020 comportent un énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement des décisions de refus de séjour en litige, et sont ainsi régulièrement motivés. Contrairement à ce que font valoir les intimés, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'étant pas applicables à ces décisions, le préfet n'avait pas à indiquer, en outre, en quoi ces dernières leurs étaient conformes.

9. Par ailleurs, en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les décisions énonçant une obligation de quitter le territoire français n'ont pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle des décisions relatives au séjour lorsque la délivrance d'un titre de séjour a été refusée à l'étranger. Les décisions relatives au séjour étant, ainsi qu'il a été dit au point précédent, régulièrement motivées, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions énonçant les obligations de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne les refus de séjour :

10. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d' asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

11. Pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en estimant que l'admission au séjour des intimés ne répond pas à des considérations humanitaires, ni ne se justifie au regard de motifs exceptionnels, le préfet ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de leur situation au regard des dispositions précitées.

En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, les dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précités ne sont pas applicables à la décision énonçant une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté comme inopérant.

13. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, M. C... et Mme G... ne sont pas en situation de se voir attribuer de plein droit la carte de séjour temporaire mentionnée au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que leur situation est de nature à faire obstacle à leur éloignement.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

15. Alors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté leurs demandes d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des éléments apportés par les requérants, qu'ils risqueraient d'être exposés à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Ukraine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses arrêtés du 25 février 2020. Par suite, ce jugement doit être annulé et les demandes présentées par les intimés devant le tribunal, ainsi que leurs conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées devant la cour, rejetées.

Sur le sursis à exécution du jugement attaqué :

17. La cour se prononçant par le présent arrêt sur le bien-fondé du jugement attaqué, la requête du préfet du Haut-Rhin tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution est sans objet. Il n'y a donc pas lieu de statuer.

D E C I D E :

Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20NC02217 du préfet du Haut-Rhin tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement no 2002441, 2002442 du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juillet 2020.

Article 2 : Le jugement no 2002441, 2002442 du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juillet 2020 est annulé.

Article 3 : Les demandes présentées par M. C... et Mme G... devant le tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. C... et Mme G... devant la cour sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Me E... pour M. D... C... et Mme F... G... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

N° 20NC02216 et 20NC02217 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02216-20NC02217
Date de la décision : 23/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : ROUSSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-23;20nc02216.20nc02217 ?
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