Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 29 août 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de la 27ème section de l'unité de contrôle 57-3 Moselle sud a refusé d'autoriser le licenciement pour faute de Mme C....
Par un jugement no 1806714 du 3 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2019, le comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes, représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 29 août 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de la 27ème section de l'unité de contrôle 57-3 Moselle sud a refusé d'autoriser le licenciement pour faute de Mme C... ;
3°) d'enjoindre à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Moselle de statuer à nouveau sur sa demande d'autorisation de licenciement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article R. 2421-5 du code du travail, en l'absence d'examen d'un lien entre la demande et le mandat ;
- les faits reprochés à Mme C... sont établis, notamment la tentative d'obtenir un faux témoignage d'un collègue et d'avoir exprimé physiquement sa colère à l'égard d'un autre collègue.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2019, Mme F... C..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
1. Mme C..., éducatrice spécialisée, est employée par le comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes au centre éducatif renforcé de Pommérieux. Elle est protégée en sa qualité de délégué du personnel. Estimant que l'intéressée avait commis des fautes, le comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes l'a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement et l'a mise à pied à titre conservatoire. Après l'entretien préalable qui s'est tenu le 29 juin 2018 et la consultation, le même jour, du comité d'entreprise qui a émis un avis défavorable au licenciement, le comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes a sollicité l'autorisation de licencier Mme C... pour motif disciplinaire. Par une décision du 29 août 2018, l'inspectrice du travail a rejeté cette demande. Le comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes fait appel du jugement du 3 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 2421-5 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée ". Aux termes de l'article R. 2421-16 du même code : " L'inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé ".
3. Dans la décision contestée, l'inspectrice du travail a mentionné les faits que l'employeur reprochait à Mme C... et les raisons pour lesquelles, selon elle, leur matérialité n'était pas suffisamment établie. Dès lors que ce seul constat s'opposait à l'autorisation de licenciement, l'inspectrice du travail n'était pas tenue de rechercher et de préciser, dans la décision en litige, s'il existait un lien entre la demande et le mandat détenu par Mme C.... Par suite, la décision en litige comportant les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
4. En deuxième lieu, lorsque le licenciement d'un salarié légalement investi de fonctions représentatives est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.
5. Le comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes reproche à Mme C..., d'une part, d'avoir tenté d'obtenir de faux témoignages de ses collègues en vue de les produire dans le litige prud'homal concernant la contestation de la mise à pied disciplinaire, prononcée à son encontre le 24 janvier 2018, pour avoir tenu des propos racistes à l'encontre d'un jeune le 30 octobre 2017 et, d'autre part, d'avoir exprimé physiquement sa colère à l'égard de l'un de ses collègues ayant refusé de témoigner en sa faveur.
6. S'agissant tout d'abord du grief relatif à la tentative d'obtention de faux témoignages, l'appelante a produit les attestations de deux éducateurs selon lesquels Mme C... leur aurait demandé d'établir de fausses attestations à son encontre. Toutefois, l'un de ces éducateurs, interrogé spécifiquement sur les raisons pour lesquelles Mme C... aurait sollicité un faux témoignage, s'est montré moins affirmatif, ainsi que l'a relevé le tribunal, et s'est borné à indiquer à l'inspectrice du travail : " je ne sais pas exactement ce qu'elle voulait que j'écrive, que le CMSEA c'est n'importe quoi, faut que tu dises ça, je ne sais plus. Témoigner contre le CMSEA, je l'ai pris comme un faux témoignage ". Le second éducateur, auteur de l'attestation incriminant Mme C..., mentionne qu'elle lui avait demandé d'attester qu'il n'avait rien entendu le jour de l'incident du 30 octobre 2017 et qu'il avait eu le sentiment, face à son insistance, qu'elle le forçait à faire un témoignage qu'il ne voulait pas établir pour ne pas avoir de problèmes avec son employeur. Ces deux éducateurs ont d'ailleurs chacun précisé qu'ils n'avaient pas entendu Mme C... proférer des injures le 30 octobre 2017, même s'ils ont relevé qu'elle pouvait parfois être vulgaire. Un troisième éducateur, également sollicité par la salariée, a déclaré qu'à la suite de son refus d'attester en sa faveur pour éviter les ennuis avec son employeur, Mme C... lui avait répondu qu'elle comprenait. Dès lors que Mme C... reconnaît seulement avoir demandé à ses collègues d'établir une attestation mentionnant qu'ils ne l'avaient pas entendu tenir des propos racistes le 30 octobre 2017, ce qui correspondait manifestement à la réalité, la matérialité de ce grief ne peut être regardée comme établie.
7. S'agissant du grief tenant à la colère que Mme C... aurait exprimée physiquement à l'égard d'un collègue, s'il ressort des pièces du dossier que la salariée a accepté de rendre à l'un de ses collègues, qui s'était ravisé pour ne pas avoir de problèmes avec son employeur, l'attestation qu'il avait établie à son profit, il n'est pas démontré, en dehors du fait qu'elle a pu jeter cette attestation, qu'elle aurait fait preuve à son encontre d'une agressivité physique ou verbale. Par suite, le doute devant bénéficier au salarié, ce second grief ne peut être regardé comme établi.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes est rejetée.
Article 2 : Le comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes versera à Mme C... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... pour le comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes et à Me A... pour Mme F... C... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
N° 19NC02787 2