Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme M... I... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1902059 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 décembre 2019, Mme I..., représentée par Me Scribe, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 du préfet de l'Aube ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens.
Elle soutient que :
- il n'est pas justifié de la délégation donnée à Mme C... A... pour signer l'arrêté litigieux ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a été méconnu car elle n'a pas pu faire valoir ses observations avant la prise de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet n'apporte pas la preuve de la reconnaissance frauduleuse de paternité ;
- c'est à tort que le préfet a refusé de l'admettre au séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle démontre que le père de son enfant, de nationalité française, contribue à l'entretien et à l'éducation de leur fils ;
- l'arrêté contesté méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme G... ne sont pas fondés.
Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Roussaux, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. Mme I..., ressortissante de nationalité ivoirienne, est entrée en France le 5 décembre 2016 sous couvert d'un visa Schengen de dix jours et s'est maintenue sur le territoire français. Le 9 juin 2017, elle a donné naissance à Bondy à son fils H... N... G.... Le 3 novembre 2017, M. E... B..., de nationalité française, a reconnu cet enfant. Le 15 février 2018, Mme G... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 juillet 2019, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme G... relève appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté du 16 juillet 2019 a été signé par Mme C... A..., sous-préfète de l'arrondissement de Bar-sur-Aube, à qui le préfet de l'Aube avait donné délégation de signature par un arrêté du 26 avril 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 28 du 3 mai 2019, à l'effet de signer notamment, en cas d'absence ou d'empêchement simultané de Mme Sylvie Cendre, secrétaire générale et de Mme L... J..., sous-préfète de l'arrondissement de Nogent-sur-Seine, tous arrêtés et décisions, à l'exception des décisions, mentionnées à l'article 3 de ce même arrêté, au nombre desquelles ne figurent pas les décisions relatives à l'admission au séjour des étrangers et les mesures d'éloignement les concernant. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que Mme A... n'avait pas reçu délégation régulière pour signer l'arrête contesté. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit, en conséquence, être écarté.
3. En deuxième lieu, il résulte des termes-mêmes de l'arrêté attaqué, qui vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui mentionne les éléments relatifs à la situation personnelle de Mme G..., que celui-ci est suffisamment motivé tant en droit qu'en fait, de sorte que celle-ci était en mesure de comprendre les motifs de la décision litigieuse. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté ne peut, en conséquence, qu'être écarté.
4. En troisième lieu, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne, notamment énoncé au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. En effet, à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, l'intéressé en situation irrégulière est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande.
5. Lorsque Mme I... a sollicité, le 15 février 2018, la délivrance d'un titre de séjour, elle était en mesure de présenter, à cette occasion, toutes les observations utiles. En outre, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, compte tenu des circonstances de fait et de droit propres au cas d'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir. La requérante ne fait pas état de circonstances particulières propres à modifier les décisions prises par le préfet, ni ne soutient avoir tenté en vain de présenter des observations en ce sens. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce à la demande de titre de séjour de Mme I... déposée avant le 1er mars 2019 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".
7. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 333 du code civil n'est pas acquise, de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ou de procéder, le cas échéant, à son retrait.
8. Mme I... fait valoir qu'elle est mère d'un enfant, H... G..., né le 9 juin 2017 à Bondy, qui a été reconnu le 3 novembre 2017 par M. E... B..., de nationalité française et est titulaire d'une carte nationale d'identité.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a reconnu l'enfant plus de 5 mois après la naissance de celui-ci, alors qu'il avait déjà reconnu, à un mois d'intervalle, un autre enfant d'une autre ressortissante ivoirienne en situation irrégulière. La requérante, qui est arrivée en France alors qu'elle était enceinte de trois mois, n'apporte aucun élément tendant à démontrer l'existence d'une relation avec M. B... que ce soit en Côte-d'Ivoire, au moment de la conception de l'enfant, ou en France pendant sa grossesse ou postérieurement à celle-ci. Si elle soutient que M. B... contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant, cette circonstance, inopérante en application du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur, n'est, en tout état de cause, pas corroborée par les pièces produites. Par ailleurs, la requérante ne s'est pas présentée aux deux convocations qui lui ont été adressées par les services de la direction départementale de la sécurité publique chargée d'enquêter, à la demande du préfet, sur sa situation et celle de M. B.... Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le préfet a pu, à bon droit, estimer que la reconnaissance de paternité de M. B... a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour et refuser de faire droit à la demande de titre de séjour de Mme G... comme reposant sur la fraude. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Mme I... fait valoir que sa mère, son demi-frère et ses demi-soeurs résident en France. Toutefois, elle n'est pas dépourvue d'attaches en Côte d'Ivoire où résident encore son père et ses frères, où elle a vécu jusqu'à son entrée récente en France à la fin du mois de décembre 2016 et où sa vie privée et familiale pourra se poursuivre avec son fils âgé de deux ans. Par suite, au regard de ces motifs et de ceux exposés au point 9 du présent arrêt, le préfet de l'Aube n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme I... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux dépens de l'instance ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de Mme I... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme M... I... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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N° 19NC03645