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16/02/2021 | FRANCE | N°19NC03334

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 16 février 2021, 19NC03334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1900609 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :>
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 novembre 2019, 21 janvier 2020 et 14 janvier ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1900609 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 novembre 2019, 21 janvier 2020 et 14 janvier 2021, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 juillet 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2018 du préfet du Doubs ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou à défaut sur le fondement de l'article L.313-14 du même code, dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré 9 janvier 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination dès lors que, postérieurement à l'introduction de la requête d'appel, une autorisation provisoire de séjour a été délivrée à M. B....

M. B... a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 14 janvier 2021.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Roussaux, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant cubain, né le 30 avril 1980, est entré en France le 19 mars 2015, selon ses déclarations. Le 23 août 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 21 décembre 2018, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. B... relève appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'étendue du litige :

2. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Doubs a délivré à M. B... une autorisation provisoire de travail valable du 30 décembre 2019 au 4 mars 2020, à la suite de la " demande d'autorisation de travail pour conclure un contrat de travail avec un salarié étranger " sollicitée par son employeur, la société l'Evasion Tonique, le 30 décembre 2019 et tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Le préfet du Doubs a ainsi, implicitement mais nécessairement, abrogé la mesure d'éloignement prise à l'encontre de l'intéressé le 21 décembre 2018, ainsi que la décision du même jour fixant le pays de renvoi. Cette abrogation étant intervenue postérieurement à l'introduction de la requête d'appel, les conclusions présentées par M. B... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle, subséquente, portant fixation du pays de renvoi, sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer. En revanche, la délivrance de cette autorisation provisoire de séjour ne rend pas sans objet les conclusions dirigées contre le refus de délivrance de titre de séjour.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".

4. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... fait état de sa présence en France depuis 2015, d'un emploi au sein du village de vacances l'Evasion tonique de 2016 à 2018 et d'une promesse d'embauche pour des contrats saisonniers au sein de cette même structure subordonnée à sa régularisation. Il se prévaut également de son intégration en France et de la nécessité d'y suivre un traitement médical. Toutefois, l'emploi de serveur de M. B... ne saurait constituer un motif exceptionnel d'admission au séjour. S'il souffre d'une pathologie variqueuse nécessitant un suivi annuel et de troubles de sommeil en lien avec un stress post-traumatique, aucun élément produit ne permet d'établir qu'il ne pourrait pas se faire soigner dans son pays d'origine. Enfin, s'il soutient également qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il sera isolé et encourt des représailles, il ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations. Par suite, ces éléments sont insuffisants pour caractériser des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le préfet a pu, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, estimer que le requérant ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un tel titre de séjour.

6. Enfin, M. B... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, qui se bornent à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation.

7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

8. M. B..., célibataire et sans enfant, se prévaut d'une relation amoureuse avec une compatriote, mère de deux enfants français. Toutefois, il ne justifie ni de l'intensité, ni de l'ancienneté ou de la stabilité du lien qu'il aurait noué avec celle-ci et ses enfants. Les attestations produites, si elles démontrent les qualités humaines de M. B... ainsi que sa participation à des activités associatives, sont toutefois insuffisantes à caractériser une insertion dans la société française. Par ailleurs, il ne justifie pas ne plus avoir d'attache personnelle et familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'en juillet 2013 avant d'aller en Russie. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet du Doubs porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 décembre 2018 du préfet du Doubs lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... contre la décision portant refus de titre de séjour n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent, dès lors, également être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. B... sollicite le versement au profit de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation des décisions du préfet du Doubs du 21 décembre 2018 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination et à l'annulation du jugement du 4 juillet 2019 du tribunal administratif de Besançon en ce qu'il rejette ces mêmes conclusions.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 19NC03334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03334
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GRENIER
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BOCHER-ALLANET

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-16;19nc03334 ?
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