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16/02/2021 | FRANCE | N°19NC02467

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 16 février 2021, 19NC02467


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 8 octobre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier Saint-Charles de Toul lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1803349 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision du 8 octobre 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2019, le directeur du centre hospitalier Saint-Charles, représenté par Me A..., demande à la cour :>
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 juin 2019 ;

2°) de mettre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 8 octobre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier Saint-Charles de Toul lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1803349 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision du 8 octobre 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2019, le directeur du centre hospitalier Saint-Charles, représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 juin 2019 ;

2°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu le vice de procédure tiré de ce que le centre hospitalier aurait fondé sa décision en retenant certains faits mentionnés au cours d'une réunion du 10 juillet 2017 dont le compte rendu ne figurait pas dans le dossier administratif de M. D... ;

- M. D... utilise le bloc opératoire pour se livrer à une défense vindicative du métier d'infirmier de bloc opératoire diplôme d'état (IBODE) ;

- les faits reprochés à M. D... sont justifiés par une lettre émanant de plus de dix médecins faisant état de la tension existant au bloc opératoire et par neuf attestations de médecins et collègues de celui-ci ;

- le comportement fautif de M. D... justifie qu'un blâme lui soit infligé.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2019, M. D..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier Saint-Charles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Il soutient que :

- la sanction est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle est fondée de manière quasi-exclusive sur le relevé de notes d'une réunion du 10 juillet 2017 à laquelle il n'a pas participé et qui ne figurait pas dans son dossier administratif ;

- les neuf attestations produites à hauteur d'appel sont de pure circonstance et ont toutes été rédigées entre le 4 et le 13 juin 2019, soit après le prononcé de la sanction, de sorte qu'elles ne peuvent être prises en compte ;

- la matérialité des griefs qui lui sont reprochés n'est pas établie ;

- il y a erreur de qualification juridique car son comportement n'est pas de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

- en l'absence de faute, la sanction disciplinaire est disproportionnée ;

- le directeur du centre hospitalier a commis un détournement de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le décret n° 2015-74 du 27 janvier 2015 relatif aux actes infirmiers relevant de la compétence exclusive des infirmiers de bloc opératoire ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, rapporteur,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., substituant Me B..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... est infirmier diplômé d'Etat titulaire et infirmier de bloc opératoire diplômé d'Etat (IBODE). Il exerce ses fonctions au centre hospitalier Saint-Charles de Toul depuis le 5 septembre 2000. Par une décision du 8 octobre 2018, le directeur du centre hospitalier Saint-Charles de Toul lui a infligé une sanction disciplinaire consistant en un blâme. Par un jugement du 28 juin 2019, dont le centre hospitalier Saint-Charles relève appel, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.

Sur les motifs d'annulation retenus par le tribunal administratif de Nancy :

2. Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / L'avertissement, le blâme (...) / Parmi les sanctions du premier groupe, seul le blâme est inscrit au dossier du fonctionnaire. Il est effacé automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Pour infliger un blâme à M. D... par la décision contestée du 8 octobre 2018, le directeur du centre hospitalier Saint-Charles a retenu que le comportement de l'intéressé consistant à exercer des pressions sur certains de ses collègues était inapproprié dans de nombreuses circonstances et à l'origine d'une dégradation des conditions de travail dénoncée par une grande majorité des intervenants médicaux et non médicaux et que ses propos relatifs aux évolutions réglementaires des fonctions d'infirmier en bloc opératoire diplômé d'Etat étaient de nature à semer le doute parmi ses collègues. Le directeur du centre hospitalier de Toul a également relevé que M. D... avait manqué de respect vis-à-vis de ses collègues, des médecins, de la hiérarchie et l'institution. Enfin, le directeur du centre hospitalier de Toul lui a reproché un manquement à l'obligation de réserve et une atteinte à l'image de l'établissement.

5. En premier lieu, pour annuler la sanction litigieuse, le tribunal administratif de Nancy ne s'est pas fondé sur la circonstance, qu'il s'est borné à relever, que certains des faits reprochés à M. D... avaient été mentionnés au cours d'une réunion du 10 juillet 2017 dont le compte-rendu n'était pas produit. Par suite, le centre hospitalier Saint-Charles ne saurait utilement soutenir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, que la sanction infligée à M. D... ne s'est pas fondée sur des éléments mentionnés dans le relevé de notes de la réunion du 10 juillet 2017 qui n'avait ainsi pas à figurer dans le dossier administratif de M. D....

6. En deuxième lieu, si la décision litigieuse mentionne que M. D... ferait preuve d'un " corporatisme exacerbé " en tant qu'infirmier diplômé d'Etat de bloc opératoire dans la mise en oeuvre de la réforme prévue par le décret du 27 janvier 2015 relative aux actes infirmiers relevant de la compétence exclusive des infirmiers de bloc opératoire, il ressort des pièces du dossier que la lettre du 13 juin 2017, évoquée lors de l'entretien préalable à la sanction disciplinaire du 25 septembre 2017 entre le directeur du centre hospitalier et M. D..., adressée à la direction du centre hospitalier, par laquelle M. D... et cinq autres infirmiers de bloc opératoire ou infirmiers diplômés d'Etat s'interrogent sur la conformité au " cadre légal " de la présence d'un représentant d'un laboratoire lors d'une intervention réalisée le 12 juin 2017 consistant en la pose d'une prothèse de genou, au regard de la réglementation relative aux interventions chirurgicales, ne saurait, eu égard à ses termes neutres et à son objet qui tend à alerter le directeur du centre hospitalier sur la conformité des pratiques par rapport aux nouveaux textes réglementaires, être regardée comme un manquement de M. D... à ses obligations professionnelles de nature à justifier une sanction disciplinaire.

7. En troisième lieu, il est reproché à M. D... d'avoir instauré un mauvais climat au sein du bloc opératoire, d'avoir un " regard inquisiteur " et de porter des jugements ou des remarques désobligeants sur le travail de ses collègues et médecins. Les neuf attestations produites pour la première fois dans le cadre de la présente procédure par le centre hospitalier, signées en juin 2019 par des médecins et collègues de travail de M. D..., si elles évoquent la mauvaise ambiance qui aurait été instaurée par le comportement de M. D..., révèlent, en réalité et principalement, le sentiment d'insécurité et d'incompréhension du personnel soignant à la suite de l'édiction des textes relatifs aux actes exclusifs des IBODE au bloc opératoire et soulignent la nécessité de revoir l'organisation des soins au sein du bloc opératoire. Par suite, ces attestations, au demeurant postérieures à la décision litigieuse et qui font état d'allégations insuffisamment circonstanciées pour permettre de savoir, à l'exception de deux d'entre elles, si elles se rapportent à des faits antérieurs à la décision litigieuse, ne permettent pas, en tout état de cause, de confirmer le grief reproché à M. D....

8. En dernier lieu, lors de l'entretien du 25 septembre 2017 préalable à la sanction disciplinaire, le directeur de l'établissement a évoqué un courrier du 26 juin 2017 signé par plusieurs médecins du centre hospitalier, démontrant selon lui, l'attitude irrespectueuse adoptée par M. D... sur son lieu de travail. Toutefois, il ressort des termes mêmes de ce courrier que celui-ci, s'il fait état de ce que certains IBODE du bloc opératoire de Saint Charles, relayés d'ailleurs par certains infirmiers diplômés d'état (IDE), font peser une menace morale et verbale sur l'ensemble du personnel soignant et non soignant, paramédical et médical quant à la future impossibilité pour certains IDE de pouvoir, à terme, continuer d'exercer au sein du bloc opératoire ou de voir restreintes leurs possibilités de participation aux actes chirurgicaux, de sorte qu'un climat très tendu s'est instauré au sein du bloc, ne met pas en cause M. D... expressément. De même, le comportement irrespectueux de M. D... n'est pas établi par les attestations mentionnées au point précédent produites en appel. Par suite, le manque de respect de M. D... vis-à-vis des collègues, des médecins, de la hiérarchie et de l'institution ne peut être regardé comme établi.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier Saint-Charles n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 8 octobre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier a infligé à M. D... la sanction disciplinaire de blâme.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le centre hospitalier de Saint-Charles demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Saint-Charles une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du centre hospitalier Saint-Charles est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier Saint-Charles versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au centre hospitalier Saint-Charles de Toul.

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N° 19NC02467


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02467
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme GRENIER
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BOYER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-16;19nc02467 ?
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