La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2021 | FRANCE | N°19NC03683

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 04 février 2021, 19NC03683


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2019 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte et de mettre à la charge de l'Etat le v

ersement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2019 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1906920 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet de la Moselle du 1er juillet 2019, a enjoint à celui-ci de délivrer à Mme A... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement à Me F..., conseil de Mme A..., d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me F... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03683 le 20 décembre 2019, le préfet de la Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 décembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis d'exercer leur contrôle de légalité de l'arrêté attaqué devant eux, notamment en n'examinant pas les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, du défaut de motivation ou de la violation du droit d'être entendu ;

- ils ont insuffisamment motivé leur jugement ;

- c'est à tort qu'ils ont estimé que le refus de séjour opposé à Mme A... était entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2021, Mme A..., représentée par Me F..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

3°) à ce qu'il soir mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le préfet de la Moselle ne sont pas fondés.

Mme A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 4 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante algérienne, est entrée en France le 27 avril 2018 sous couvert d'un visa de court séjour valable jusqu'au 9 juin 2018. Le 21 juin 2018, elle a sollicité du préfet de la Moselle la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa situation familiale en France. Par un arrêté du 1er juillet 2019, le préfet de la Moselle a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Moselle relève appel du jugement du 5 décembre 2019, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 1er juillet 2019, lui a enjoint de délivrer à Mme A... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me F..., conseil de Mme A..., d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me F... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France le 27 avril 2018, à l'âge de 69 ans, sous couvert d'un visa de court séjour. Elle fait valoir qu'elle est veuve depuis 1997, que ses trois enfants majeurs vivent désormais en France sous couvert de certificats de résidence et que, atteinte d'hypertyroïdie, elle a besoin de l'assistance de son fils, chez qui elle vit, pour l'administration de son traitement. Toutefois, alors qu'elle résidait seule en Algérie jusqu'en 2018, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'évolution de son état de santé rendrait désormais indispensable l'assistance de ses enfants. Les certificats médicaux des 16 et 18 juillet 2019 dont elle se prévaut, rédigés en termes généraux et dépourvus de toute précision, ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour de l'intéressée en France, le refus de séjour qui lui a été opposé ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont jugé que le refus de séjour opposé à l'intéressée méconnaissait les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur les autres moyens de Mme A... :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, l'arrêté du 1er juillet 2019 est signé par M. D... B..., sous-préfet de l'arrondissement de Thionville. Par un arrêté du 10 avril 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 11 avril 2018, le préfet de la Moselle a donné délégation à M. Olivier E..., secrétaire général de la préfecture, pour signer tous actes relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certaines décisions, au nombre desquelles ne figurent pas celles prises en matière de séjour des étrangers. L'article 9 de cet arrêté prévoit qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M. E..., sa suppléance est assurée dans les conditions prévues par l'arrêté en vigueur organisant les suppléances dans le département. Il résulte d'un arrêté du préfet de la Moselle du 20 juin 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 21 juin 2019, qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M. E..., sa suppléance est assurée par M. G... B.... Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de signature de l'arrêté litigieux doit être écarté.

6. En deuxième lieu, cet arrêté énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et satisfait dès lors à l'obligation de motivation.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'un procédure contradictoire préalable. ". Selon l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé. Par suite, le moyen tiré par Mme A... de ce que le préfet de la Moselle n'aurait pas respecté la procédure contradictoire prévue par les articles précités du code des relations entre le public et l'administration avant de rejeter sa demande de titre séjour est inopérant.

8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait à tort estimé en situation de compétence liée pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme A....

9. En cinquième lieu, l'allégation, au demeurant inexacte, selon laquelle le préfet n'aurait mentionné dans son arrêté aucun article de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne saurait en tout état de cause avoir pour effet d'entacher cet arrêté d'erreur de droit.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse portant obligation de quitter le territoire n'aurait pas été précédée de l'organisation de la procédure contradictoire préalable prévue par les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté comme étant inopérant.

11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, en obligeant Mme A... à quitter le territoire français, méconnu l'étendue de sa compétence.

12. En troisième lieu, il y a lieu d'écarter, par les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, le moyen tiré de ce que l'obligation faite à Mme A... de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle et familiale.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

13. En premier lieu, l'arrêté du 1er juillet 2019 mentionne les motifs de droit et de fait servant de fondement à la décision fixant le pays de renvoi de Mme A.... Le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit donc être écarté.

14. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10, le moyen tiré par Mme A... de ce qu'elle n'a pas été en mesure, préalablement à l'édiction de la décision fixant son pays de renvoi, d'émettre des observations préalables.

15. En dernier lieu, Mme A... n'établit pas, ainsi qu'il a été dit, que son état de santé nécessiterait l'assistance de ses proches. Ainsi, et en tout état de cause, elle n'est pas fondée à soutenir qu'un retour en Algérie l'exposerait à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 1er juillet 2019, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à Mme A... et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me F..., conseil de Mme A..., d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me F... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle

2

N° 19NC03683


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03683
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BLANVILLAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-04;19nc03683 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award