Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les consorts K... ont demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nancy (CHRU) à indemniser les préjudices résultant de la prise en charge de leur époux, père et grand-père ayant conduit à son décès prématuré.
Par un jugement n° 1701888 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Nancy a condamné le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à verser aux ayants droits de M. K... une somme globale de 19 546,26 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 mai 2019, Mme D... J... épouse K..., M. A... K..., agissant en son nom propre et pour ses filles H... et Mélodie, M. I... K..., agissant en son nom propre et pour sa fille Léa, M. F... K..., agissant en son nom propre et pour son fils E... et sa fille Eva, M. C... K... et M. B... K..., représentés par Me G..., demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1701888 du tribunal administratif de Nancy en date du 14 mars 2019 en tant qu'il condamne de manière insuffisante le CHRU de Nancy au titre des préjudices relatifs aux souffrances endurées, perte de revenus et préjudices d'affection ;
2°) de confirmer le jugement concernant les condamnations prononcées au titre du déficit fonctionnel temporaire de M. K... et des frais d'obsèques ;
3°) de condamner le même CHRU à verser :
- à Mme K..., l'épouse, une somme globale de 22 762,38 euros ;
- à M. A... K..., M. I... K..., M. F... K..., les fils une somme de 4 500 euros chacun ;
- à David, H..., Mélodie, Yoan, Léa, Miva et Eva K... les petits enfants, une somme de 1 500 euros chacun ;
4°) de condamner le CHRU de Nancy à leur rembourser l'ensemble des frais d'expertise à hauteur de 1 440 euros ;
5°) de mettre à la charge du CHRU défendeur une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement reconnaissant la responsabilité du CHRU et appliquant un taux de perte de chance de 25% doit être confirmé ;
- le jugement sera confirmé sur l'évaluation du déficit fonctionnel temporaire et le remboursement des frais d'obsèques ;
- le préjudice lié aux souffrances endurées par M. K... doit être évalué à hauteur de 8 000 euros et après application du taux de perte de chance 2 000 euros ;
- le préjudice lié à la perte de revenus subis par Mme K... doit être recalculé en fonction de la réalité de la vie du couple pour être fixé à 58 049,52 euros soit 14 512,38 euros après application du taux de perte de chance ;
- le préjudice d'affection de chacun sera réévalué, le tribunal a alloué une somme inférieure à celle proposée par le CHRU ;
- le taux de perte de chance ne s'applique pas aux frais d'expertise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2019, présenté par Me L..., le CHRU de Nancy conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le tribunal a évalué de manière suffisante les souffrances endurées par M. K... ;
- le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice économique de Mme K... ;
- les requérants n'apportent pas d'éléments nouveaux pour remettre en cause les indemnités versées au titre du préjudice d'affection ;
- le taux de perte de chance s'applique au montant du remboursement des frais d'expertise.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme M..., présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., pour Mme K... et autres.
Considérant ce qui suit :
1. M. K... a présenté une pathologie du foie pour laquelle il bénéficiait d'un suivi régulier au sein du service d'hépato-gastro-entérologie du CHRU de Nancy. Il avait en effet subi une cirrhose éthylique et souffrait depuis lors d'une hypertension portale asymptomatique à type de varices oesophagiennes imposant des séances de ligatures. Dans le cadre d'un contrôle de cette cure de varices, lors d'un scanner réalisé le 19 mars 2014, il a été constaté la présence d'un carcinome hépato-cellulaire par greffe cancéreuse sur une hépatopathie cirrhotique préexistante. Toutefois cette lésion cancéreuse n'a été portée à la connaissance de M. K... que le 19 mai 2014. A la réception de ce compte-rendu, les radiologues ont préconisé la réalisation d'une IRM hépatique complémentaire, programmée pour le 27 mai 2014, sans que les résultats du scanner réalisé le 19 mars 2014 ne soient entre temps et par ailleurs transmis au service d'hépato-gastro-entérologie en vue d'une réunion de concertation pluridisciplinaire aux fins de prise en charge de la lésion cancéreuse, dont le traitement aurait pu être mis en oeuvre avant les résultats de cette IRM. En outre, les clichés de cette IRM n'ont pas non plus donné lieu à un compte-rendu immédiat et l'examen a dû être renouvelé le 13 juin suivant, les clichés du 27 mai 2014 ayant été perdus. Les résultats de l'IRM hépatique ont par conséquent été examinés seulement le 13 juin 2014 lors d'une réunion de concertation pluridisciplinaire, au terme de laquelle la prise en charge de cette lésion cancéreuse a été encore différée, les médecins ayant préconisé la réalisation d'un nouveau scanner, qui n'a été réalisé que le 15 juillet 2014. Cet examen a alors mis en évidence une extension endo-veineuse portale et sus-hépatique et, compte tenu de l'état d'avancement du cancer de M. K..., aucun traitement curatif ne pouvait plus être envisagé. Des soins palliatifs ont été administrés à M. K..., qui est décédé le 27 août 2014.
2. Par un jugement du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Nancy a estimé que les dysfonctionnements dans la prise en charge de M. K... ont été constitutifs d'une faute à l'origine d'un retard de diagnostic qui a entrainé pour M. K... une perte de chance d'échapper à l'aggravation de son état et à son décès prématuré qui, compte tenu de son âge, de l'agressivité de la tumeur et des autres pathologies présentées par le patient, a été évaluée à 25 %. Le CHRU de Nancy a été condamné par ce jugement à verser aux consorts K... une somme globale de 19 546,26 euros. Les consorts K... relèvent appel de ce jugement.
3. Les requérants ne contestent pas le taux de perte de chance retenu par les premiers juges, mais demandent la réévaluation des préjudices relatifs aux souffrances endurées par M. K..., à la perte de revenus subie par Mme K..., aux préjudices d'affection de chacun d'eux et aux frais d'assistance d'un médecin.
4. En premier lieu, les souffrances endurées par M. K... ont été estimées à 3,5/7 par l'expert. Il résulte de l'expertise amiable diligentée par l'assureur du CHRU qu'il s'agit des souffrances physiques, psychiques et morales avec la perception d'une évolution péjorative rattachable au contexte thérapeutique palliatif sans espérance curative. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice subi en juillet et août 2014 par M. K... en l'évaluant à la somme de 5 000 euros, qui après application du taux de perte de chance correspond à la somme de 1 250 euros que le tribunal a condamné le CHRU de Nancy à verser, à ce titre, à Mme K... et ses enfants.
5. En deuxième lieu, le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien compte tenu de ses propres revenus. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'avis d'impôt sur les revenus de l'année 2013, dernière année de référence, que, ainsi que l'a jugé le tribunal, les revenus annuels du couple s'établissaient à la somme de 17 776 euros, non contestée par les consorts K.... Nonobstant les circonstances invoquées par les requérants et tirées de la modicité des revenus du couple et des dépenses personnelles de M. K..., il y a lieu de confirmer la part d'autoconsommation de M. K... de 30 % retenue par les premiers juges. Ceux-ci ayant évalué séparément les pertes de revenus subies avant le jugement, ils ont justement déterminé le coefficient de capitalisation, concernant les pertes de revenus postérieures au jugement, en fonction de l'âge qu'aurait eu M. K... à la date de ce jugement et non de son âge au moment du décès. Enfin, il y a lieu, comme l'a fait le tribunal, de retenir le taux de 8, 365 correspondant à l'application de la table de capitalisation tenant compte des données démographiques les plus récentes, soit celle de la Gazette du Palais de 2018. Dans ces conditions et compte tenu du taux de perte de chance retenu, les premiers juges ont procédé à une évaluation suffisante du préjudice subi par Mme K... au titre de la perte de revenus en condamnant le CHRU de Nancy à lui verser une somme de 4 195,66 euros.
6. En troisième lieu, l'appréciation du préjudice d'affection évalué par les premiers juges au montant de 18 000 euros pour l'épouse depuis 51 ans de M. K..., de 5 000 euros pour chacun des enfants et de 2 500 euros pour les petits-enfants ne cohabitant pas avec leur père et grand-père, n'apparaît ni insuffisante ni disproportionnée. Compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu, c'est ainsi à bon droit que le CHRU de Nancy a été condamné par le tribunal administratif de Nancy à verser une somme de 4 500 euros à Mme K..., une somme de 1 250 euros à chacun de ses enfants et une somme de 625 euros à chacun de ses petits-enfants.
7. En dernier lieu, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les consorts K... peuvent prétendre au remboursement de l'intégralité des frais d'assistance du Docteur Hummel lors de l'expertise amiable réalisée par l'assureur du CHRU de Nancy, sans qu'il y ait lieu d'appliquer le taux de perte de chance à ces dépenses. En conséquence le CHRU de Nancy doit être condamné à verser à Mme D... J... épouse K..., M. A... K..., M. I... K... et M. F... K... une somme complémentaire de 1 080 euros au titre des frais d'assistance par un médecin conseil lors de l'expertise.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts K... sont seulement fondés à demander le rehaussement des sommes que le CHRU de Nancy a été condamné à verser à Mme D... J... épouse K..., M. A... K..., M. I... K... et M. F... K... à hauteur de 1 080 euros et à obtenir la réformation du jugement du 14 mars 2019 dans cette seule mesure.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHRU de Nancy une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme D... J... épouse K..., M. A... K..., M. I... K... et M. F... K... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 360 euros que le CHRU de Nancy a été condamné à verser à Mme D... J... épouse K..., à M. A... K..., à M. I... K... et à M. F... K... au titre des frais d'assistance par un médecin conseil lors de l'expertise est portée à 1 440 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1701888 du 14 mars 2019 du tribunal administratif de Nancy est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le CHRU de Nancy versera à Mme D... J... épouse K..., à M. A... K..., à M. I... K... et à M. F... K... une somme globale de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... K... en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle et au centre hospitalier régional universitaire de Nancy.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 19NC01352