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04/02/2021 | FRANCE | N°18NC01998

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 04 février 2021, 18NC01998


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 15 juin 2017 par laquelle la rectrice de l'académie de Reims a refusé de le titulariser au grade de secrétaire administratif de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel elle l'a licencié à compter du 1er septembre 2017, d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Reims de le titulariser, ou à défaut de réexaminer sa situation en reprenant l'intég

ralité de la procédure, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 15 juin 2017 par laquelle la rectrice de l'académie de Reims a refusé de le titulariser au grade de secrétaire administratif de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel elle l'a licencié à compter du 1er septembre 2017, d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Reims de le titulariser, ou à défaut de réexaminer sa situation en reprenant l'intégralité de la procédure, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701614 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 juillet 2018 et 8 janvier 2021, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 mai 2018 ;

2°) d'annuler 1'arrêté du 15 juin 2017 par lequel la rectrice de l'académie de Reims l'a licencié à compter du 1er septembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Reims de le réintégrer dans ses fonctions ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de le licencier à l'issue de son stage est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de le titulariser constitue une sanction disciplinaire déguisée et disproportionnée ;

- le dossier présenté par le rectorat était à charge ;

- son licenciement est illégal dès lors qu'il est intervenu en cours de stage ;

- il est bien fondé à solliciter la réparation, à hauteur de 30 000 euros, du préjudice résultant de l'illégalité de la décision de non-titularisation et de licenciement ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2019, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- les conclusions indemnitaires du requérant sont irrecevables en l'absence de demande préalable d'indemnisation ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;

- le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat de douze mois prenant effet à compter du 1er septembre 2014, M. A... a été recruté par le centre régional des oeuvres universitaires (CROUS) de Reims - Champagne-Ardenne en qualité de directeur du restaurant universitaire Moulin de la Housse. Au titre des emplois réservés à certains agents du ministère de la défense, il a été nommé secrétaire d'administration de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur (SAENES) stagiaire à compter du 1er septembre 2015 et affecté aux mêmes fonctions. Par un arrêté du 6 juin 2016, la rectrice de l'académie de Reims a décidé de renouveler le stage de M. A... du 1er septembre 2016 au 31 aout 2017. Par une décision du 15 juin 2017, prise sur proposition de la directrice du CROUS du 29 mai 2017 et avis de la commission paritaire académique du 6 juin 2017, la rectrice a décidé ne pas titulariser M. A.... Par un arrêté du même jour, elle l'a licencié à compter du 1er septembre 2017. M. A... relève appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 30 000 euros au titre du préjudice qu'il estimait avoir subi.

Sur la légalité de l'arrêté du 15 juin 2017 :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer le licenciement de M. A..., la rectrice de l'académie de Reims a estimé que, malgré la prolongation de son stage, l'intéressé n'avait pas atteint les objectifs attendus, après avoir relevé son incapacité au travail en équipe, son refus de prendre en compte remarques et conseils, des erreurs importantes dans le travail, son manque d'exemplarité notoire, son autoritarisme à mauvais escient et son absence de remise en cause personnelle.

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment du compte rendu de visite du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail du 31 mars 2016, du rapport d'audit établi par l'organisme SIC en réponse aux recommandations de la mission santé-sécurité au travail du CROUS, ainsi que des rapports de stage rédigés par la directrice du CROUS au cours des deux années de stage dont a bénéficié l'intéressé, que ce dernier, dans sa volonté de remettre de l'ordre dans l'organisation du restaurant universitaire, a mis en oeuvre, malgré les nombreuses alertes reçues de la direction du CROUS, une gestion et un management empreints d'un excès d'autoritarisme et de surveillance à l'égard des agents du restaurant, qui le décrivaient comme étant dépourvu de toute confiance à leur égard et s'adressant à eux, par des reproches, de manière péremptoire, y compris en présence du public. Sa mésentente avec le chef cuisinier, à l'origine d'ordres contradictoires à l'attention des autres agents et d'un discrédit des deux protagonistes auprès de l'ensemble du personnel, a abouti à une altercation physique le 6 février 2017, manifestant le manque de maîtrise de lui-même de M. A.... Il ressort par ailleurs des témoignages précis et concordants de la conseillère de prévention du CROUS, du conseiller de restauration et du CNOUS que l'intéressé s'est montré à plusieurs reprises agressif et irrespectueux à l'égard de ses collègues, des intervenants ou partenaires extérieurs, dont il manifestait une incapacité à entendre les recommandations, ou encore des formateurs, dont il a remis publiquement en cause la compétence. Dans ces conditions, et malgré l'antériorité des difficultés organisationnelles du restaurant et l'absence d'observations défavorables à l'égard de M. A... durant l'année où il a exercé ses fonctions de directeur du restaurant universitaire sous le statut d'agent contractuel, il ne ressort pas du dossier que la décision de la rectrice de l'académie de Reims de le licencier ait reposé sur des faits matériellement inexacts ni que l'appréciation portée sur l'aptitude professionnelle de l'intéressé ait été erronée.

4. En deuxième lieu, la décision de la rectrice de l'académie de Reims portant licenciement de M. A... est fondée sur les insuffisances professionnelles de ce dernier. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en l'absence d'intention de sanctionner l'intéressé, que cette décision revêtirait, comme il le soutient, le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée. Dès lors, le moyen tiré de ce que le licenciement de M. A... constituerait une sanction disproportionnée est inopérant.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics : " La durée normale du stage et les conditions dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par le statut particulier du corps dans lequel le fonctionnaire stagiaire a vocation à être titularisé. / Sauf dispositions contraires du statut particulier, le stage ne peut être prolongé d'une durée excédant celle du stage normal (...) ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " Le fonctionnaire stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. / La décision de licenciement est prise après avis de la commission administrative paritaire prévue à l'article 29 du présent décret, sauf dans le cas où l'aptitude professionnelle doit être appréciée par un jury ". Aux termes de l'article 11 du décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat: " (...) III. - L'organisation du stage mentionné au I et au II est fixée par arrêté du ministre dont relève le corps de fonctionnaires concerné, ou, le cas échéant, par décision du directeur de l'établissement public. Pendant le stage, les intéressés sont soumis aux dispositions du décret du 7 octobre 1994 susvisé. / IV. - Les nominations sont prononcées par l'autorité dont relève le corps de fonctionnaires. / V. - A l'issue du stage, les stagiaires dont les services ont donné satisfaction sont titularisés. / Les stagiaires qui n'ont pas été titularisés à l'issue du stage peuvent être autorisés à accomplir un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. / Les stagiaires qui n'ont pas été autorisés à effectuer un stage complémentaire ou dont le stage complémentaire n'a pas donné satisfaction sont soit licenciés s'ils n'avaient pas préalablement la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine (...) ".

6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, sous réserve d'un licenciement intervenant en cours de stage et motivé par ses insuffisances ou manquements professionnels, tout fonctionnaire stagiaire a le droit d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné. Le service ou l'établissement employeur ne peut, avant l'issue de la période probatoire, prendre d'autre décision que celle de licencier son stagiaire pour insuffisance professionnelle dans les conditions limitativement définies à l'article 7 du décret du 7 octobre 1994.

7. Si M. A... fait valoir que l'arrêté de la rectrice de l'académie de Reims du 15 juin 2017 le licenciant à compter du 1er septembre 2017 a été pris avant le terme de sa période de stage, fixée au 31 août 2017 par l'arrêté du 6 juin 2016, et emporte ainsi décision de licenciement en cours de stage, cette circonstance n'a pas pour effet d'entacher d'illégalité cette décision, motivée par les insuffisances professionnelles de l'intéressé et prise alors que l'intéressé avait accompli plus de la moitié de la durée normale de sa période de stage.

8. En dernier lieu, si M. A... soutient que le dossier présenté par le rectorat était à charge, il n'assortit pas ce moyen des précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de la rectrice de l'académie de Reims du 15 juin 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A....

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que M. A... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'État sur le fondement de l'illégalité de l'arrêté ayant prononcé son licenciement. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires de M. A....

Sur les frais liés à l'instance :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

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N° 18NC01998


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01998
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-04 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Stage.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : GUIDON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-04;18nc01998 ?
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