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02/02/2021 | FRANCE | N°19NC02133

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 02 février 2021, 19NC02133


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... représenté par Me C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert aux autorités allemandes, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours ;

Par un jugement n° 1902750 du 24 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 juillet 2019 et le 26 novembre 2020, M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... représenté par Me C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert aux autorités allemandes, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours ;

Par un jugement n° 1902750 du 24 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 juillet 2019 et le 26 novembre 2020, M. D... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 avril 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 1er avril 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence ;

2°) d'annuler ces arrêtés du 1er avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile dans un délai de 8 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'arrêté de transfert :

- il n'a pas bénéficié de l'entretien individuel confidentiel prévu par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, car il court des risques en cas de retour en Afghanistan ;

Sur l'arrêté portant assignation à résidence :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle se fonde sur une décision illégale ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, tant en elle-même qu'au regard de sa durée, de ses conditions d'application que des obligations complémentaires qu'elle implique et méconnaît ainsi sa liberté d'aller et de venir et son droit à mener une vie familiale normale.

Par des mémoires en défense enregistrés les 6 août 2019 et 17 juillet 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés, que l'arrêté a été exécuté le 26 juin 2019 et que le requérant a de nouveau sollicité l'asile en France en mars 2020.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mai 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né le 1er mars 1995, a sollicité le 8 mars 2019 son admission au séjour au titre de l'asile. La comparaison du relevé décadactylaire des empreintes de l'intéressé avec le fichier Eurodac a indiqué que ses empreintes avaient été relevées par les autorités allemandes les 18 mars et 5 décembre 2016 à l'occasion du dépôt d'une demande d'asile. Les autorités allemandes ont été saisies le 19 mars 2019 d'une demande de prise en charge de l'intéressé qui ont accepté le 25 mars 2019 par un accord explicite. Par arrêtés du 1er avril 2019, le préfet du Bas-Rhin a décidé le transfert de M. B... aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. Cet arrêté de transfert a été exécuté le 26 juin 2019. M. B... relève appel du jugement du 24 avril 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 1er avril 2019.

Sur la légalité de l'arrêté portant remise aux autorités allemandes :

2. Aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que contrairement à ce qu'il soutient, M. B... a bénéficié d'un entretien individuel le 8 mars 2019 au cours duquel il a été assisté par un interprète en langue pachto. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé des garanties prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

4. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

5. La clause dérogatoire, prévue à l'article 17 précité, laisse la faculté discrétionnaire à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement.

6. M. B... soutient que le préfet du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de cette faculté, en invoquant les risques qu'il court en cas de retour en Afghanistan, pays vers lequel il sera renvoyé en cas de transfert vers l'Allemagne dès lors que ce pays a déjà rejeté sa demande d'asile. Toutefois, la décision en litige a pour seul objet de le transférer aux autorités allemandes. S'il est exact que la demande d'asile enregistrée dans ce pays par les autorités allemandes a été rejetée, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué que l'intéressé a épuisé toutes les voies de recours, ni même que l'Allemagne ne procédera pas, avant de le renvoyer dans son pays, à un examen des risques encourus, dans le respect des garanties du droit d'asile, alors que cet Etat, membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne présente aucune défaillance dans la mise en oeuvre des procédures d'asile. Dans ces conditions, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'enregistrer la demande d'asile de M. B... en application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Sur la légalité de l'arrêté d'assignation à résidence :

7. En premier lieu, la décision de remise aux autorités allemandes n'étant entachée d'aucune illégalité, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant assignation à résidence, doit être écarté.

8. En deuxième lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision d'assignation à résidence doit être motivée. En l'espèce, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté manque en fait et doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ". Pour justifier son assignation à résidence pour une durée de 45 jours, le préfet s'est fondé sur la circonstance que le transfert du requérant aux autorités allemandes qui ont donné leur accord pour la reprise en charge de l'intéressé demeure une perspective raisonnable et que M. B... ne dispose pas des moyens lui permettant de se rendre en Allemagne et qu'étant dépourvu de ressource, il n'a pas la possibilité de les acquérir légalement. Le requérant ne produit aucun élément de nature à contredire l'appréciation du préfet. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des faits l'ayant conduit à prendre la décision de l'assigner à résidence.

10. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en faisant obligation au requérant de se présenter une fois par semaine aux services de la police aux frontières, le préfet du Bas-Rhin ait porté une atteinte excessive à sa liberté d'aller et venir ou à son droit à mener une vie familiale normale, au sujet de laquelle il ne produit aucun élément ni aucune précision. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. B... à fin d'annulation doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et d'astreinte et celles au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour M. D... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

N° 19NC02133 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02133
Date de la décision : 02/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Sylvie VIDAL
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : GAUDRON

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-02;19nc02133 ?
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