Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à leur verser les sommes de 60 000, 25 000 et 25 000 euros en réparation des préjudices subis, respectivement, par leur fils B... et par chacun d'entre eux.
Par un jugement n° 1605338 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros en réparation des préjudices subis par M. et Mme A..., et la somme de 1 000 euros au titre du préjudice subi par leur fils.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 décembre 2018 et 27 mai 2019, M. D... A... et Mme C... A..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1605338 du 8 novembre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il a limité leur indemnisation et celle de leur fils ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 60 000 euros en réparation du préjudice moral subi par leur fils, et les sommes de 25 000 euros à chacun d'entre eux en réparation de leur préjudice moral, augmentées des intérêts de droit à compter du 8 juin 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à leur verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal a écarté toute faute de l'Etat au titre de la scolarité incomplète de leur fils en maternelle entre 2014 et 2017, ainsi qu'au titre de son défaut de prise en charge par un service d'éducation spéciale et de soins à domicile ;
- le tribunal a fait une inexacte appréciation de leurs préjudices moraux en limitant leur indemnisation à la somme de 1 000 euros en ce qui concerne leur fils, et de 1 000 euros en ce qui les concerne.
Par un mémoire en défense, enregistré les 15 mai 2019, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, président,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'enfant B... A..., né le 3 avril 2011, est porteur d'une trisomie 21. A compter de l'année scolaire 2014-2015, il a été scolarisé à l'école maternelle Charles Würtz à Strasbourg. Par plusieurs décisions des 30 octobre 2014, 10 février 2016, 27 juillet 2016 et 3 février 2017, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) lui a accordé le bénéfice d'un accompagnement par un auxiliaire de vie scolaire individuelle (AVSI), et a recommandé une orientation vers un service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) rattaché à un institut médico-éducatif (IME). Estimant que ces préconisations n'ont pas été suivies, M. et Mme A..., parents de B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à réparer les préjudices subis par leur fils et par eux-mêmes du fait de ses carences.
2. Ils relèvent appel du jugement du tribunal du 8 novembre 2018, en tant qu'il a limité leur indemnisation à la somme de 1 000 euros en ce qui concerne leur fils, et de 1 000 euros en ce qui les concerne.
Sur la responsabilité de l'Etat :
3. Aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'éducation : " Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale, d'exercer sa citoyenneté ". Aux termes de l'article L. 112-1 du même code : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés ". Aux termes de l'article L. 351-1 du même code : " Les enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant sont scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires et les établissements visés aux articles L. 213-2, L. 214-6, L. 422-1, L. 422-2 et L. 442-1 du présent code et aux articles L. 811-8 et L. 813-1 du code rural et de la pêche maritime, si nécessaire au sein de dispositifs adaptés, lorsque ce mode de scolarisation répond aux besoins des élèves. Les parents sont étroitement associés à la décision d'orientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix. La décision est prise par la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles, en accord avec les parents ou le représentant légal. A défaut, les procédures de conciliation et de recours prévues aux articles L. 146-10 et L. 241-9 du même code s'appliquent. Dans tous les cas et lorsque leurs besoins le justifient, les élèves bénéficient des aides et accompagnements complémentaires nécessaires ". Aux termes de l'article L. 351-2 du même code : " La commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles désigne les établissements ou les services ou à titre exceptionnel l'établissement ou le service correspondant aux besoins de l'enfant ou de l'adolescent en mesure de l'accueillir. / La décision de la commission s'impose aux établissements scolaires ordinaires et aux établissements ou services mentionnés au 2° et au 12° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles dans la limite de la spécialité au titre de laquelle ils ont été autorisés ou agréés ".
4. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que, le droit à l'éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation et, d'autre part, que l'obligation scolaire s'appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. La mission d'intérêt général qui lui est confiée impose au ministre de l'éducation nationale l'obligation légale d'assurer l'enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites au programme. Dans ce sens, il incombe à l'Etat, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif. Par suite, le manquement à cette obligation légale qui a pour effet de priver, en l'absence de toute justification tirée de l'organisation du service, un élève de l'enseignement considéré pendant une période appréciable est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Dès lors, la carence de l'Etat est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité, sans que l'administration puisse utilement se prévaloir de l'insuffisance des structures d'accueil existantes ou du fait que des allocations compensatoires sont allouées aux parents d'enfants handicapés, celles-ci n'ayant pas un tel objet.
En ce qui concerne les fautes :
5. Le tribunal a considéré, au vu de la décision du 30 octobre 2014 par laquelle la CDAPH du Bas-Rhin a accordé à l'enfant B... le bénéfice d'un accompagnement par un auxiliaire de vie scolaire individuel (AVSI) sur tout le temps scolaire pour la période du 1er septembre 2014 au 31 juillet 2016, que l'Etat a commis une première faute en ne lui fournissant cet accompagnement qu'à partir du mois de février 2015 et une deuxième faute en ne le lui fournissant que les matins et non les après-midi pendant l'année scolaire 2014-2015. Le tribunal a relevé une troisième faute résultant de la décision du 6 décembre 2016 par laquelle le directeur des services académiques de l'éducation nationale du Bas-Rhin a rejeté la demande des parents de l'enfant tendant à l'application de la décision de la CDAPH du Bas-Rhin du 27 juillet 2016 accordant à l'enfant un accompagnement par un AVSI pour la totalité du temps scolaire, soit 28 heures dont 4 heures de temps de restauration scolaire.
6. M. et Mme A... font valoir que c'est à tort que le tribunal n'a pas, en outre, relevé de faute de l'Etat au titre du caractère incomplet de la scolarité de leur fils entre 2014 et 2017 et de son défaut de prise en charge par un SESSAD. Quant au ministre, il soutient que, au regard des dispositions des articles L. 917-1, L. 916-2 et L. 216-1 du code de l'éducation, c'est à tort que le tribunal a considéré que la prise en charge de l'accompagnement d'un enfant en situation de handicap pendant le temps de restauration relève de la responsabilité de l'Etat.
7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que B... a bénéficié d'un accueil à temps complet en milieu scolaire ordinaire au cours de l'année 2014-2015, à l'exception du mercredi matin, en raison de séances d'orthophonie, au cours de l'année 2015-2016, à l'exception de deux demi-journées réservées à des accompagnements médicaux spécifiques, et au cours de l'année 2016-2017. Il ne résulte pas de l'instruction que, pendant ces périodes, les absences pour raisons de santé de l'enseignante de l'enfant ou de son AVSI auraient revêtu un caractère anormal au point de porter atteinte à sa scolarité, ni qu'il aurait, à l'occasion de ces absences, du fait de son handicap, été traité différemment des autres élèves, ni que lors de l'année 2014-2015, en particulier, il aurait été imposé aux requérants, en méconnaissance de ses modalités d'accueil, de ne pas amener leur fils à son école les après-midi. Dans ces conditions, la faute alléguée n'est pas établie.
8. La circonstance que B... n'ait pas, pendant toute la période en cause, bénéficié en permanence d'une prise en charge adaptée à son handicap, caractérise une faute distincte de celle pouvant résulter du non-respect de ses horaires d'accueil en milieu scolaire ordinaire, laquelle faute a, ainsi qu'il a été dit au point 5, été par ailleurs retenue par le tribunal.
9. En deuxième lieu, il est constant que B..., après avoir été longtemps placé sur une liste d'attente, n'a pu bénéficier qu'à compter du 23 novembre 2016 de l'accompagnement médico-social par un SESSAD, alors que cet accompagnement, dans le cadre de son plan personnalité de compensation, lui avait été accordé par la CDAPH du Bas-Rhin dès le 30 octobre 2014. Les requérants font valoir la carence fautive de l'Etat du fait de l'absence de place disponible au sein du SESSAD Le Tremplin, vers lequel la CDPAH du Bas-Rhin les avait orientés, et dont a résulté leur attente. Toutefois, si les décisions de la CDAPH des 30 octobre 2014, 10 février 2016 et 27 juillet 2016 indiquent qu'il appartient aux intéressés de contacter le ou les services préconisés, en l'occurrence le SESSAD Le Tremplin, elles ajoutent : " ou tout autre service du même type ". Par conséquent, l'accord de la CDAPH n'était pas limité à l'établissement préconisé, et c'est aux requérants qu'il appartenait d'en contacter d'autres. Or, il ne résulte pas de l'instruction, en particulier des mentions manuscrites qu'ils ont apposées sur la décision du 30 octobre 2014, et des demandes faites auprès d'autres établissements entre janvier et avril 2019, postérieurement à la période en litige, que pendant cette période, M. et Mme A... auraient effectué des démarches auprès d'autres établissements que le SESSAD Le Tremplin. Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat, au titre du défaut d'accompagnement de leur fils par un SESSAD, du seul fait du manque de places disponibles dans cet établissement particulier.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 351-3 du code de l'éducation : " Lorsque la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles constate que la scolarisation d'un enfant dans une classe de l'enseignement public ou d'un établissement mentionné à l'article L. 442-1 du présent code requiert une aide individuelle dont elle détermine la quotité horaire, cette aide peut notamment être apportée par un accompagnant des élèves en situation de handicap recruté conformément aux modalités définies à l'article L. 917-1 ". L'article L. 917-1 de ce code dispose que : " Des accompagnants des élèves en situation de handicap peuvent être recrutés pour exercer des fonctions d'aide à l'inclusion scolaire de ces élèves, y compris en dehors du temps scolaire. Ils sont recrutés par l'Etat, par les établissements d'enseignement mentionnés au chapitre II du titre Ier et au titre II du livre IV de la deuxième partie ou par les établissements mentionnés à l'article L. 442-1. Lorsqu'ils sont recrutés par ces établissements, leur recrutement intervient après accord du directeur académique des services de l'éducation nationale. / (...) Ils peuvent exercer leurs fonctions dans l'établissement qui les a recrutés, dans un ou plusieurs autres établissements ainsi que, compte tenu des besoins appréciés par l'autorité administrative, dans une ou plusieurs écoles. Dans ce dernier cas, les directeurs d'école peuvent participer à la procédure de recrutement. / Ils peuvent être mis à la disposition des collectivités territoriales dans les conditions prévues à l'article L. 916-2 du présent code. (...) Les accompagnants des élèves en situation de handicap sont régis par les dispositions réglementaires générales applicables aux agents contractuels de l'Etat prises pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, sous réserve de dérogations prévues par le décret mentionné au dernier alinéa du présent article ". Selon l'article L. 916-2 du même code : " Les assistants d'éducation peuvent être mis à la disposition des collectivités territoriales pour participer aux activités complémentaires prévues à l'article L. 216-1 ou aux activités organisées en dehors du temps scolaire dans les écoles et les établissements d'enseignement conformément à l'article L. 212-15. / Une convention conclue entre la collectivité intéressée et l'établissement employeur dans les conditions prévues à l'article L. 216-1 précise les conditions de cette mise à disposition ". Enfin, selon l'article L. 216-1 de ce code : " Les communes, départements ou régions peuvent organiser dans les établissements scolaires, pendant leurs heures d'ouverture et avec l'accord des conseils et autorités responsables de leur fonctionnement, des activités éducatives, sportives et culturelles complémentaires. Ces activités sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activités d'enseignement et de formation fixées par l'Etat. Les communes, départements et régions en supportent la charge financière. Des agents de l'Etat, dont la rémunération leur incombe, peuvent être mis à leur disposition ".
11. Il résulte de ces dispositions, ainsi que de celles rappelées au point 3 et de ce qui a été dit au point 4, qu'il incombe à l'Etat de prendre en charge les missions des accompagnants fournis aux élèves en situation de handicap, lesquelles s'étendent au-delà du seul temps scolaire, en particulier lorsque l'aide individuelle à l'inclusion scolaire de ces enfants, telle qu'elle a été appréciée puis prescrite par la CDAPH, le nécessite. Les dispositions de l'article L. 216-1 précité ne sauraient décharger l'Etat de ses obligations en la matière, dès lors que la restauration scolaire ne constitue pas une activité éducative, sportive ou culturelle à leur sens. Au demeurant, si l'organisation matérielle de la restauration scolaire relève de la compétence des communes, départements ou régions, elle ne se confond pas avec l'accès adapté à ce service pour les élèves en situation de handicap, lequel relève de la responsabilité de l'Etat.
12. Par conséquent, dès lors que la CDAPH a prescrit, dans sa décision, l'accompagnement de B... pendant le temps de la restauration scolaire, le refus de l'Etat de lui fournir cet accompagnement a constitué une faute de nature à engager sa responsabilité.
En ce qui concerne les préjudices :
13. Il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal ait inexactement apprécié le préjudice moral subi par M. et Mme A... et le jeune B... en en fixant la réparation à la somme de 1 000 euros chacun.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. et Mme A... tendant à la réformation du jugement, à l'augmentation des condamnations prononcées à l'encontre de l'Etat, ainsi que, par voie de conséquence, à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Montpensier pour M. D... A... et Mme C... A... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, au ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
N° 18NC03259 6