La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2020 | FRANCE | N°19NC02145

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 19NC02145


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Etat à lui payer une somme totale de 27 700 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des fautes qu'aurait commises la commune de Sommevoire en délivrant au nom de l'Etat des certificats d'urbanisme erronés en 1995 et 2012 et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802152

du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Etat à lui payer une somme totale de 27 700 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des fautes qu'aurait commises la commune de Sommevoire en délivrant au nom de l'Etat des certificats d'urbanisme erronés en 1995 et 2012 et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802152 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée, sous le n° 19NC02145, le 5 juillet 2019, et un mémoire enregistré le 11 octobre 2019, M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 mai 2019 ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer une somme totale de 27 700 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des fautes qu'aurait commises la commune de Sommevoire en délivrant au nom de l'Etat des certificats d'urbanisme erronés en 1995 et 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la délivrance d'un certificat d'urbanisme ne mentionnant pas l'existence de la servitude d'alignement qui frappait ses parcelles engage à la responsabilité de l'Etat à son égard ;

- l'inexactitude de ce certificat d'urbanisme l'a empêché d'acheter en toute connaissance de cause et de réaliser les travaux prévus, de sorte qu'il existe un lien de causalité entre la faute de l'Etat et le préjudice qu'il subit ;

- il justifie d'un préjudice direct et certain ; il est fondé à demander le versement des sommes de 16 500 euros, correspondant à une perte de valeur du bien de 30 % compte tenu de l'existence du plan d'alignement et de l'impossibilité de procéder à des travaux, de 1 200 euros, correspondant à la différence entre le prix d'achat du bien situé n° 22 place de l'Hôtel de ville et le prix de revente à la commune et de 10 000 euros, au titre du préjudice moral.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 août 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête ;

Elle indique s'en rapporter aux écritures présentées par le préfet de la Haute-Marne devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a fait l'acquisition, en 1995 et en 2012, de deux ensembles immobiliers situés place de l'Hôtel de Ville à Sommevoire. L'acquisition de ces biens a été précédée par la délivrance, respectivement, le 4 janvier 1995, d'une note de renseignements d'urbanisme de la subdivision territoriale de l'équipement de Wassy et, le 19 novembre 2012, d'un certificat d'urbanisme positif par le maire de Sommevoire, agissant au nom de l'Etat, sans que ces documents mentionnent l'existence de la servitude d'alignement qui grevait ces immeubles en application d'un plan d'alignement de 1886. Par courrier du 1er août 2018, M. A... ayant vainement demandé à l'Etat la réparation des préjudices résultant, selon lui, d'un défaut d'information au sujet de l'existence de cette servitude d'alignement, il a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui, par le jugement attaqué du 9 mai 2019, a rejeté ses conclusions indemnitaires. Il relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En vertu du premier alinéa de l'article L. 4101 du code de l'urbanisme, il appartient à l'auteur d'un certificat d'urbanisme d'y indiquer les dispositions d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété applicables à un terrain, susceptibles d'affecter le droit de construire. Aux termes de l'article L. 112-5 du code de la voirie routière : " Aucune construction nouvelle ne peut, à quelque hauteur que ce soit, empiéter sur l'alignement, sous réserve des règles particulières relatives aux saillies ".

3. Il est constant que les certificats d'urbanisme délivrés le 4 janvier 1995 par la subdivision territoriale de l'équipement de Wassy et le 19 novembre 2012 par le maire de la commune de Sommevoire agissant au nom de l'Etat ne comportaient aucune mention de la servitude d'alignement affectant, d'une part, la parcelle cadastrée AC n° 77, d'autre part, les parcelles cadastrées AC n° 76 et AC n° 78, acquises par M. A... place de l'Hôtel de Ville à Sommevoire, au terme d'actes notariés datés respectivement des 18 février 1995 et 20 novembre 2012. En omettant de mentionner cette servitude, résultant d'un plan d'alignement de mars 1886, qui constituait une limitation administrative au droit de propriété de l'acquéreur de ces parcelles, les auteurs de ces certificats ont entaché ces derniers d'illégalité et commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

4. Toutefois l'illégalité d'un certificat d'urbanisme n'ouvre droit à indemnité que dans la mesure où le requérant justifie, à la date à laquelle le juge statue, de préjudices directs et certains.

5. D'une part, si M. A... soutient avoir cédé pour 39 000 euros l'ensemble constitué par une partie de la parcelle AC n° 76 et par la parcelle AC n° 77, alors que cet ensemble avait été estimé à une valeur comprise entre 50 000 et 55 000 euros dans un avis de valeur établi au bénéfice de M. A... le 13 mars 2016 par Maître C..., notaire à Doulevant-le-Château, il résulte de l'instruction que cette estimation a été réalisée à une date à laquelle M. A... avait été informé de la servitude d'alignement grevant ces parcelles, dont elle est dès lors réputée avoir tenu compte, sans que le requérant n'établisse, ni même n'allègue le contraire. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la différence de prix entre la valeur haute des parcelles, estimée à 55 000 euros, et la somme de 39 000 euros, à laquelle M. A... a cédé ces mêmes parcelles, aurait un lien avec l'existence de cette servitude d'alignement. Par suite, cette différence ne peut être regardée comme résultant de manière directe et certaine de la faute de l'Etat.

6. D'autre part, il ressort de l'acte notarié établi le 20 novembre 2012 que M. A... a fait l'acquisition à cette date, au prix de 5 000 euros, d'une petite maison vétuste située 21, place de l'Hôtel de Ville sur des parcelles cadastrées section AC n° 76 et section AC n° 78, d'une superficie totale d'un are sept centiares. Il ressort de l'extrait du registre des délibérations de la commune de Sommevoire du 30 avril 2015 produit à l'instance que le conseil municipal de Sommevoire a donné son accord pour le rachat, au prix de 3 800 euros, d'une partie seulement de l'immeuble n° 21 rue de l'Hôtel de ville en vue d'une démolition permettant d'améliorer les conditions de circulation. Il ne ressort pas de la lecture et de la comparaison de ces documents que ces deux transactions de 2012 et 2015 auraient porté sur des parcelles ayant les mêmes consistance et superficie. Dans ces circonstances, et en l'absence d'autres précisions, il ne résulte pas de l'instruction que la différence de prix de 1 200 euros dont M. A... demande à être indemnisé aurait pour origine l'existence d'une servitude d'alignement et la diminution subséquente de la valeur vénale des parcelles en cause. Le lien de causalité entre la faute de l'Etat et cette différence de prix n'est par suite pas établi.

7. Enfin, si M. A... demande à être indemnisé du préjudice moral résultant de sa séparation d'avec sa compagne, consécutive, selon lui, à l'impossibilité de mener à bien son projet de construction d'une maison d'habitation sur les parcelles qu'il avait acquises et à la décision de sa compagne de louer un appartement pour y loger avec ses enfants, il n'apporte pas de précisions sur la nature des travaux qu'il entendait réaliser, ni sur l'ampleur des obstacles à la construction résultant de la servitude d'alignement qui grevait ses parcelles. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que l'impossibilité, liée à l'existence de cette servitude, de reconstruire une maison d'habitation sur les parcelles en cause, à la supposer établie, aurait été, en elle-même, de nature à expliquer la rupture de M. A... d'avec sa compagne ou même à créer les conditions d'une telle rupture. Par suite, quand bien même M. A..., ignorant l'existence d'une servitude d'alignement, aurait acquis en vain les parcelles sur lesquelles il projetait de reconstruire une maison d'habitation pour sa famille, la faute de l'Etat ne constitue pas la cause directe du préjudice moral qu'il invoque.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de la transition écologique.

2

N° 19NC02145


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02145
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère certain du préjudice - Absence.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice - Absence.

Urbanisme et aménagement du territoire - Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : CABINET JACQUEMET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-10;19nc02145 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award