La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2020 | FRANCE | N°19NC00402

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 19NC00402


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le centre hospitalier universitaire régional de Besançon à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 25 mars 2010.

Par un jugement n° 1701607 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 février 2019 et un mémoire enregistr

é le 11 avril 2019, Mme B... E..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le centre hospitalier universitaire régional de Besançon à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 25 mars 2010.

Par un jugement n° 1701607 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 février 2019 et un mémoire enregistré le 11 avril 2019, Mme B... E..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1701607 du tribunal administratif de Besançon en date du 18 décembre 2018 ;

2°) de condamner le CHRU de Besançon à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 25 mars 2010 ;

3°) de mettre à la charge du CHRU de Besançon le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme E... soutient que :

- le CHRU de Besançon ne démontre pas avoir satisfait à l'obligation d'information préalable à l'intervention chirurgicale qu'elle a subie quant au risque de paralysie faciale définitive qui s'est réalisé ;

- elle subit un préjudice découlant tant de la perte de chance de refuser l'intervention ou d'opter pour une autre intervention que de l'impréparation à la survenue du risque de paralysie faciale ;

- sa requête n'est pas forclose.

Par un courrier en date du 15 février 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône a informé la Cour qu'elle n'entendait pas intervenir dans la présente instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2019, présenté par Me C..., le CHRU de Besançon conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme E... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal Mme E... est forclose à contester la décision expresse du centre hospitalier de Besançon ;

- aucune faute ne peut être reprochée au centre hospitalier.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F..., présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour le centre hospitalier universitaire de Besançon.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de l'année 2010, un neurinome du nerf acoustique gauche identifié dans l'oreille interne de Mme E... a conduit à son admission dans les services du CHRU de Besançon afin d'y subir une intervention chirurgicale, réalisée le 25 mars 2010. A son réveil, la requérante a présenté une paralysie faciale qui ne s'est, par la suite, et en dépit d'une nouvelle intervention chirurgicale réalisée le 2 août 2011, jamais résorbée. Par un avis du 14 octobre 2011, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Franche-Comté a rejeté la demande d'indemnisation amiable dont l'avait saisie Mme E.... Faisant suite à cet avis, le CHRU de Besançon a adressé à l'intéressée une décision de refus d'indemnisation datée du 6 décembre suivant. Le 28 octobre 2013, Mme E... a à nouveau saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Franche-Comté, laquelle a rejeté à nouveau sa demande par un avis du 28 octobre 2014. Par une ordonnance du 30 mai 2016, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir annulé l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Besançon en date du 11 mars 2016 rejetant la demande d'expertise présentée par Mme E..., a diligenté une expertise, confiée au docteur Vouge qui a remis son rapport le 8 novembre 2016. Le CHRU de Besançon a ensuite implicitement rejeté la demande indemnitaire présentée par l'intéressée le 27 juin 2017. Mme E... a demandé au tribunal administratif de Besançon la condamnation du CHRU de Besançon à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale du 25 mars 2010. Par un jugement du 18 décembre 2018, ce tribunal a rejeté la demande de Mme E..., laquelle relève appel du jugement.

Sur la responsabilité du centre hospitalier :

2. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu'elle relève de soins palliatifs au sens de l'article L. 1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l'une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel / (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que peut être niée l'existence d'une perte de chance.

4. La production par un établissement hospitalier d'un document écrit signé par le patient n'est ni nécessaire ni suffisante pour que puisse être considérée comme rapportée la preuve, qui lui incombe, de la délivrance de l'information prévue par les dispositions susmentionnées. Il appartient en revanche à cet établissement d'établir qu'un entretien, préalable nécessaire à la délivrance d'une information conforme à ces dispositions, a bien eu lieu et de démontrer par tout moyen que le destinataire de l'information a été mis à même de donner en connaissance de cause un consentement éclairé à l'acte de soins auquel il s'est ainsi volontairement soumis.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise, que l'atteinte du nerf facial en phase postopératoire constitue une complication connue et redoutée de l'opération pratiquée dont le risque représentait 30% pour Mme E.... Selon l'expert, le dossier médical de Mme E... porte les mentions des médecins attestant de l'information qui lui a été donnée. Ainsi, il a été mentionné dans le dossier médical de la patiente, lors de la première consultation du professeur Chobaud, que les modalités de l'opération chirurgicale et les risques élevés de paralysie faciale qu'elle comportait lui ont été expliqués. Un délai de réflexion a alors été laissé à Mme E... pendant le temps nécessaire à l'organisation de cette lourde chirurgie et à sa prise de décision. Puis, lors de son admission au CHRU de Besançon, le 23 mars 2010, avant-veille de l'intervention, il lui a été donné une information sur la nature du geste chirurgical imminent ainsi que sur les alternatives thérapeutiques et les risques de l'opération. Si le centre hospitalier n'apporte pas la preuve que la notice du collège français des ORL, dans sa version de 2010, détaillant les buts de l'exérèse du neurinome de l'acoustique, les conditions de l'intervention, les risques post-opératoires ainsi que les complications graves et/ou exceptionnelles qui peuvent en découler a été communiquée à Mme E..., il résulte des mentions figurant au dossier médical de l'appelante et de la chronologie des faits que l'intéressée a reçu toute l'information nécessaire sur l'objectif, les conséquences et les risques prévisibles de cette intervention.

6. Au surplus, s'agissant du préjudice lié à la perte de chance, l'expert souligne qu'en l'absence d'intervention chirurgicale telle qu'elle a été pratiquée, la patiente s'exposait inéluctablement à de graves complications neurologiques constitutives d'un risque vital. Dans ces conditions, l'intervention s'imposait et la patiente ne pouvait raisonnablement la refuser.

7. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'aucune indemnisation n'était due à ce titre.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande, que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge du centre hospitalier défendeur qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les frais exposés par Mme E... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du centre hospitalier universitaire de Besançon présentées sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Besançon tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., au centre hospitalier régional universitaire de Besançon et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône.

2

N° 19NC00402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00402
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : DEGRE 7 AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-10;19nc00402 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award