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08/12/2020 | FRANCE | N°19NC02032

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 08 décembre 2020, 19NC02032


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le Département de Meurthe-et-Moselle à lui verser la somme totale de 23 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des agissements de harcèlement moral dont elle allègue avoir été victime de la part de son supérieur hiérarchique.

Par un jugement n° 1800348 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande

de Mme D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juin 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le Département de Meurthe-et-Moselle à lui verser la somme totale de 23 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des agissements de harcèlement moral dont elle allègue avoir été victime de la part de son supérieur hiérarchique.

Par un jugement n° 1800348 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de Mme D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juin 2019, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 9 décembre 2019 et 2 mars 2020, Mme F... D..., représentée par Me G..., doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800348 du tribunal administratif de Nancy du 30 avril 2019 ;

2°) de condamner le Département de Meurthe-et-Moselle à lui verser la somme totale de 23 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de sa première demande d'indemnisation du 4 octobre 2017 et de la capitalisation des intérêts échus à compter de cette même date ;

3°) de mettre à la charge du Département de Meurthe-et-Moselle la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a subi des agissements de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique ;

- ces agissements ont entraîné une dégradation de son état de santé et l'ont contrainte à démissionner ;

- le Département de Meurthe-et-Moselle a commis une faute en refusant de faire droit à ses trois demandes de changement d'unité et en ne saisissant pas la médecine du travail en vue de sa convocation pour un examen ;

- elle est fondée à solliciter la condamnation du Département de Meurthe-et-Moselle à lui verser la somme de 23 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 18 février 2020, le Département de Meurthe-et-Moselle, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme D... d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les prétentions indemnitaires de la requérante ne sont pas fondées et, subsidiairement, qu'elles sont excessives.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... D... a été recrutée par le Département de Meurthe-et-Moselle pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, à compter du 12 mars 2014, en qualité d'auxiliaire de puériculture à temps plein sur la base d'un contrat à durée déterminée, qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 30 juin 2016. Après avoir été affectée, à sa demande, dans une nouvelle unité du réseau éducatif de Meurthe-et-Moselle, le 1er octobre 2015, la requérante a été placée en arrêt de maladie pour un syndrome anxio-dépressif réactionnel, du 14 janvier au 25 mars 2016, date à laquelle elle a informé son employeur, qui en a pris acte le 1er avril suivant, de sa décision de démissionner le jour même " pour raisons personnelles " de son poste de travail. S'estimant victime d'agissements de harcèlement moral de la part du supérieur hiérarchique de sa première unité d'affectation, Mme D... a adressé au Département de Meurthe-et-Moselle, par courrier reçu le 4 octobre 2017, une demande préalable d'indemnisation. Cette demande ayant été rejetée le 11 décembre 2017, l'intéressée a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à la condamnation de la collectivité à lui verser la somme totale de 23 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2017 et de leur capitalisation. Elle relève appel du jugement n°1800348, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...) / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. ".

3. D'une part, il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent, auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements, et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. Enfin, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

4. Mme D... fait valoir que, alors affectée à l'unité de la " Grande Pouponnière " du réseau éducatif de Meurthe-et-Moselle, elle a été victime d'agissements de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, qui ont entraîné une dégradation de son état de santé et l'ont contrainte à démissionner le 25 mars 2016. Dans un courrier du 13 avril 2016, adressé au médecin conseil de la caisse de sécurité sociale, elle précise que " ses ennuis ont commencé " à la suite de son refus de céder aux avances de l'intéressé et que, tant " sa nouvelle cadre ", que ses collègues, étaient de connivence avec celui-ci. Toutefois, outre que les allégations de la requérante ne sont étayées par aucun élément, ni les attestations de sa fille et d'une voisine de pallier, qui se bornent à décrire l' altération de son état physique et psychique depuis l'été 2015 et à faire état de propos révélant son " désarroi au travail ", ni les autres pièces versées au débat, ni encore ses écritures, qui font simplement allusion, sans autre précision, à des remarques désobligeantes sur sa tenue vestimentaire et son physique, ne permettent de caractériser la nature, l'occurrence et la fréquence des faits de harcèlement moral prétendument subis par l'agent. S'il est vrai que Mme D... a, les 24 août, 27 août et 15 septembre 2015, sollicité " pour raisons personnelles " un changement d'unité, qu'elle a été placée en arrêt de maladie pour dépression à compter du 14 janvier 2016, qu'elle a démissionné de ses fonctions le 25 mars 2016 également " pour raisons personnelles " et, enfin, qu'elle allègue ne rencontrer aucune difficulté particulière dans son travail actuel, de telles circonstances ne suffisent pas, en l'absence de tout autre élément, à faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral. En revanche, il résulte de l'instruction que, avant même d'être recrutée par le Département de Meurthe-et-Moselle le 12 mars 2014, la requérante avait déjà fait l'objet d'une prise en charge par son médecin psychiatre du 13 juillet 2012 au 4 novembre 2012, que les évaluations de sa hiérarchie sur sa manière de servir lui sont globalement favorables et que, contrairement à ses allégations, son employeur, qui produit en ce sens ses plannings de travail, a fait droit à sa demande de changement d'unité, sans que son " mal être " au travail ne s'en trouve amélioré.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner un supplément d'instruction, que les conclusions à fin d'indemnisation présentées par Mme E... ne peuvent qu'être rejetées. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les frais de justice :

6. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du Département de Meurthe-et-Moselle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le défendeur en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Département de Meurthe-et-Moselle en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... et au Département de Meurthe-et-Moselle.

N° 19NC02032 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02032
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SCP WISNIEWSKI VAISSIER-CATARAME

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-08;19nc02032 ?
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