La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2020 | FRANCE | N°19NC01811

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 08 décembre 2020, 19NC01811


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 13 avril 2017 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, d'une part, a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la société Nouvelles Fonderies Collignon, d'autre part, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 27 septembre 2016, enfin, a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un juge

ment n° 1701138 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagn...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 13 avril 2017 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, d'une part, a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la société Nouvelles Fonderies Collignon, d'autre part, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 27 septembre 2016, enfin, a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1701138 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2019, M. F... D..., représenté par la SCP Léostic Médeau Lardaux, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1701138 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 avril 2019 ;

2°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 13 avril 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige mentionne une décision implicite de rejet du recours hiérarchique " née le 12 mars 2017 ", qui n'existe pas ;

- la décision implicite de rejet du recours hiérarchique n'étant pas illégale, le ministre du travail a commis une erreur de droit en procédant à son retrait ;

- l'auteur de la demande d'autorisation de licenciement ne disposait d'aucun pouvoir pour agir au nom de la société Fonderies Collignon ;

- la société Nouvelles Fonderies Collignon n'avait pas intérêt à former un recours hiérarchique contre la décision de l'inspectrice du travail du 27 septembre 2016 ;

- la réalité de la suppression de son poste n'est pas avérée en dépit de ce que prévoyait le plan de cession homologué ;

- la société Nouvelles Fonderies Collignon n'a pas satisfait à ses obligations en matière de reclassement ;

- il existe un lien entre son licenciement et l'exercice de ses mandats représentatifs ;

- l'intérêt général justifiait son maintien dans l'entreprise.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 3 août 2019, la Selarl Bruno Raulet, anciennement SCP Tirmant Raulet, agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Fonderies Collignon, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2020, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 septembre 2020, la date de clôture de l'instruction a été reportée du 2 octobre 2020 à 12 heures au 16 octobre 2020 à 12 heures.

Un mémoire en défense, présenté pour la société Nouvelles Fonderies Colignon, par Me E..., a été reçu le 10 novembre 2020 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du commerce ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Fonderies Collignon, dont le siège social se trouvait à Deville (Ardennes), avait pour activité principale la fonderie acier et employait soixante-dix-neuf salariés au moment des faits. Recruté le 5 novembre 2007, M. F... D... exerçait, en dernier lieu, au sein de cette société les fonctions de responsable administratif planning. Il y bénéficiait de la qualité de salarié protégé au titre de ses mandats de membre du comité d'entreprise et de délégué du personnel exercés dans le cadre d'une délégation unique du personnel. Après avoir ouvert, les 15 février 2013 et 12 novembre 2015, une procédure de sauvegarde puis de redressement judiciaire de la société Fonderies Collignon, le tribunal de commerce de Sedan, par un jugement du 21 juillet 2016, a ordonné, d'une part, la cession de l'entreprise, à compter du 1er septembre 2016, au profit de la société Nouvelles Fonderies Collignon, d'autre part, le transfert de quarante-huit contrats de travail, enfin, le licenciement par l'administrateur judiciaire de l'effectif non repris de trente-et-un salariés. Le 27 juillet 2016, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Alsace - Champagne-Ardenne - Lorraine a homologué le document unilatéral du plan de sauvegarde de l'emploi. Le 31 août 2016, l'administrateur judiciaire de la société Fonderies Collignon a sollicité l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique et impossibilité de reclassement de M. D.... Par une décision du 27 septembre 2016, l'inspectrice du travail de la cinquième section d'inspection de l'unité départementale des Ardennes a refusé de faire droit à cette demande en raison du caractère non établi du motif économique du licenciement envisagé et de l'existence d'un lien entre ce licenciement et les mandats représentatifs exercés par l'intéressé. Par un courrier du 8 novembre 2016, reçu le 10 novembre suivant, la société Nouvelles Fonderies Collignon a formé contre cette décision un recours hiérarchique. Et, par une nouvelle décision du 13 avril 2017, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, retiré la décision implicite de rejet de ce recours hiérarchique, d'autre part, annulé la décision de l'inspectrice du travail du 27 septembre 2016 et, enfin, autorisé le licenciement sollicité. M. D... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 13 avril 2017. Il relève appel du jugement n° 1701138 du 9 avril 2019, qui rejette sa demande.

Sur l'intervention volontaire de la Selarl Bruno Raulet, anciennement SCP Tirmant Raulet :

2. Eu égard à la nature et à l'objet du présent litige, la Selarl Bruno Raulet, anciennement SCP Tirmant Raulet, justifie, en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Fonderies Collignon, d'un d'intérêt suffisant à intervenir au soutien des conclusions de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion tendant au rejet de la requête. Par suite, il y a lieu d'admettre son intervention volontaire.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. ".

4. Il n'est pas contesté que le recours hiérarchique formé par la société Nouvelle Fonderies Collignon le 8 novembre 2016 a été reçu par l'administration le 10 novembre suivant. Le silence gardé sur ce recours pendant plus de quatre mois a fait naître une décision implicite de rejet, qui est intervenue le 11 mars 2017. Or, il ressort des pièces du dossier que la décision ministérielle en litige vise expressément " la décision implicite de rejet du recours hiérarchique, née le 11 mars 2017 ". S'il est vrai que l'article 1er de son dispositif fait mention à tort d'une " décision implicite de rejet du recours hiérarchique née le 12 mars 2017 ", cette simple erreur de plume est sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision ministérielle en litige aurait procédé au retrait d'une décision implicite de rejet, qui n'existerait pas, doit être écarté comme inopérant.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. ". Aux termes de l'article L. 631-22 du code du commerce : " A la demande de l'administrateur, le tribunal peut ordonner la cession totale ou partielle de l'entreprise si le ou les plans proposés apparaissent manifestement insusceptibles de permettre le redressement de l'entreprise ou en l'absence de tels plans. Les dispositions de la section 1 du chapitre II du titre IV, à l'exception du I de l'article L. 642-2 et l'article L. 642-22 sont applicables à cette cession. Le mandataire judiciaire exerce les missions dévolues au liquidateur. / L'administrateur reste en fonction pour passer tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession. / (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article R. 642-3 du même code : " Lorsque le plan de cession prévoit des licenciements pour motif économique, le liquidateur, ou l'administrateur lorsqu'il en a été désigné, produit à l'audience les documents mentionnés à l'article R. 631-36. Le jugement arrêtant le plan indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées. ". Aux termes des cinquième et sixième alinéas de l'article L. 642-5 du même code : " Lorsque le plan prévoit des licenciements pour motif économique, il ne peut être arrêté par le tribunal qu'après que la procédure prévue au I de l'article L. 1233-58 du code du travail a été mise en oeuvre. L'avis du comité d'entreprise et, le cas échéant, l'avis du comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail et de l'instance de coordination sont rendus au plus tard le jour ouvré avant l'audience du tribunal qui statue sur le plan. (...) Le plan précise notamment les licenciements qui doivent intervenir dans le délai d'un mois après le jugement sur simple notification du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné, sous réserve des droits de préavis prévus par la loi, les conventions ou les accords collectifs du travail. Lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être élaboré, le liquidateur ou l'administrateur met en oeuvre la procédure prévue au II de l'article L. 1233-58 du même code dans le délai d'un mois après le jugement. Le délai de quatre jours mentionné au II du même article court à compter de la date de la réception de la demande, qui est postérieure au jugement arrêtant le plan. / Lorsque le licenciement concerne un salarié bénéficiant d'une protection particulière en matière de licenciement, ce délai d'un mois après le jugement est celui dans lequel l'intention de rompre le contrat de travail doit être manifestée. ".

6. Il résulte de ces dispositions combinées que, si la cession de l'entreprise en redressement judiciaire arrêtée par un jugement du tribunal de commerce entraîne en principe, de plein droit, le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite par le cessionnaire des contrats de travail attachés à l'entreprise cédée, conformément aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, il peut être dérogé à ces dispositions lorsque le plan de redressement prévoit des licenciements pour motif économique, à la double condition, prévue par les dispositions précitées des articles L. 642-5 et R. 642-3 du code de commerce, d'une part, que le plan de cession ait prévu les licenciements devant intervenir dans le délai d'un mois après le jugement arrêtant le plan et, d'autre part, que ce jugement indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées. Lorsque le plan de cession arrêté par le tribunal de commerce prévoit des licenciements devant intervenir dans le mois suivant le jugement, les contrats de travail des salariés licenciés en exécution de ce jugement ne sont pas transférés à l'entreprise cessionnaire. L'entreprise cédante demeurant l'employeur de ces salariés, l'administrateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce a, en conséquence, qualité pour procéder à leur licenciement comme, dans le cas des salariés investis de fonctions représentatives, pour demander à l'inspecteur du travail l'autorisation de les licencier. Le respect du délai d'un mois imparti pour procéder à ces licenciements s'apprécie, pour les salariés protégés, à la date à laquelle l'administrateur judiciaire a manifesté son intention de rompre le contrat de travail. Cette manifestation de volonté est caractérisée par la lettre de convocation du salarié concerné à l'entretien préalable.

7. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal de commerce de Sedan, dans son jugement du 21 juillet 2016, a ordonné, conformément aux dispositions de l'article L. 642-5 du code du commerce, soit dans le délai d'un mois prévu par cet article, le licenciement par l'administrateur judiciaire de trente-et-un salariés de la société Fonderies Collignon en précisant les activités et les catégories professionnelles concernées. Maintenu par ce même jugement jusqu'au 31 août 2016, ce dernier a notamment convoqué, par courrier du 28 juillet 2016, le requérant à un entretien préalable, manifestant ainsi sa volonté de rompre le contrat de travail de l'intéressé dans le délai imparti d'un mois. Dans ces conditions, alors même que la demande datée du 31 août 2016 n'est parvenue à l'inspectrice du travail que le 2 septembre suivant, l'administrateur judiciaire de la société Fonderies Collignon avait bien qualité pour solliciter l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique et impossibilité de reclassement de M. D....

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par sa décision du 27 septembre 2016, l'inspectrice du travail a refusé de faire droit à la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'administrateur judiciaire de la société Fonderies Collignon. Ce refus a eu pour effet de faire obstacle à la rupture du contrat de travail de M. D... dans le délai fixé par le code du commerce et d'entraîner le transfert de plein droit de ce contrat à la société Nouvelles Fonderies Collignon. Désormais employeur du requérant, cette dernière justifiait d'un intérêt à former un recours hiérarchique contre la décision de l'inspectrice du travail, qui lui était ainsi opposable.

9. En quatrième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.

10. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 642-5 du code de commerce que le législateur a entendu que, en cas de liquidation, la réalité des difficultés économiques de l'entreprise et la nécessité des suppressions de postes soient examinées par le juge de la procédure collective dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire. Dès lors qu'un licenciement a été autorisé par un jugement du tribunal de commerce qui arrête le plan de cession et fixe le nombre de licenciements, le caractère économique du motif du licenciement ne peut être contesté qu'en exerçant les voies de recours ouvertes contre ce jugement et ne peut être discuté devant l'administration. Dans ces conditions, le ministre du travail a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, constater que le tribunal de commerce de Sedan, par un jugement du 21 juillet 2016, a arrêté un plan de cession et que, dans ce cadre, l'emploi de M. D..., qui relevait de la catégorie professionnelle " responsable administratif planning ", a été supprimé, puis déduire de cette constatation que le motif économique du licenciement en cause était établi. Par suite, et alors que le requérant ne saurait utilement soutenir que des postes de même nature que le sien subsisterait au sein de la société Nouvelles Fonderies Collignon et qu'ils seraient pourvus par recours à du personnel intérimaire, le moyen ne peut qu'être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 1234-3 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ".

12. Ainsi qu'il a été dit précédemment, lorsque le plan de cession arrêté par le tribunal de commerce prévoit des licenciements devant intervenir dans le mois suivant le jugement, les contrats de travail des salariés licenciés en exécution de ce jugement ne sont pas transférés à l'entreprise cessionnaire. L'entreprise cédante demeure l'employeur de ces salariés, y compris lorsqu'ils bénéficient d'un statut protecteur, et ne peut les licencier, en application de l'article L. 1233-4 du code de travail, que lorsque le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Si l'entreprise cédante doit chercher à reclasser un salarié dont le licenciement est envisagé dans l'ensemble des entités dont elle assure encore la direction effective ou du groupe d'entreprises auquel elle appartient, cette recherche, contrairement à ce que soutient le requérant, ne s'étend pas à l'entreprise cessionnaire, notamment pas aux entités cédées dès lors qu'elles sont déjà passées sous la direction effective de cette dernière. Par suite, alors qu'il n'est pas contesté que la société Fonderies Collignon n'appartenait à aucun groupe et qu'aucun poste n'y était disponible, y compris parmi les quarante-et-un contrats de travail devant être cédés à la société Nouvelles Fonderies Collignon en exécution du jugement du tribunal de commerce de Sedan du 21 juillet 2016, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le ministre du travail ne pouvait autoriser son licenciement sans avoir vérifié au préalable qu'une recherche de reclassement avait été effectuée auprès de la société Nouvelles Fonderies Collignon.

13. En sixième lieu, si le requérant se plaint des conditions dans lesquelles s'est effectuée son intégration au sein de la société Nouvelles Fonderies Collignon, à la suite de la décision du 27 septembre 2016 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser son licenciement, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le jugement du tribunal de commerce de Sedan du 21 juillet 2016, qui ordonne de le licencier, présenterait un lien avec l'exercice des mandats représentatifs détenus par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le ministre du travail aurait commis une erreur d'appréciation sur ce point.

14. En septième lieu, à supposer même que les instances représentatives du personnel ne fonctionneraient plus au sein de la société Nouvelles Fonderies Collignon, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre du travail aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en n'usant pas de la faculté, qui lui est reconnue, de refuser d'autoriser le licenciement de M. D... pour des motifs d'intérêt général.

15. En huitième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ".

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 13 du présent arrêt que, en refusant de faire droit à la demande d'autorisation de licenciement du requérant, présentée le 31 août 2016 par l'administrateur judiciaire de la société Fonderies Collignon, en raison du caractère non établi du motif économique du licenciement envisagé et de l'existence d'un lien entre ce licenciement et les mandats représentatifs exercés par l'intéressé, l'inspectrice du travail a commis une erreur d'appréciation. La décision du 27 septembre 2016 étant entachée d'illégalité, la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la société Nouvelles Fonderies Collignon, qui la confirme, était également illégale. Par suite, alors qu'il est constant que ce retrait est intervenu dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision implicite et que le salarié concerné a été mis à même, par courrier du 16 mars 2017, de présenter préalablement ses observations écrites, le ministre du travail pouvait donc légalement la retirer. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut être accueilli.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 13 avril 2017. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention volontaire de la Selarl Bruno Raulet, anciennement SCP Tirmant Raulet, est admise.

Article 2 : La requête de M. D... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., à la société Nouvelles Fonderies Collignon, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la Selarl Bruno Raulet, anciennement SCP Tirmant Raulet.

N° 19NC01811 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01811
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SCP LEOSTIC MEDEAU LARDAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-08;19nc01811 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award