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19/11/2020 | FRANCE | N°19NC03244

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 19 novembre 2020, 19NC03244


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 19 avril 2019 par lequel le préfet de la Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour temporaire.

Par un jugement n° 1901437 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en

-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 19 avril 2019 par lequel le préfet de la Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour temporaire.

Par un jugement n° 1901437 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n°19NC03244 le 8 novembre 2019, Mme B... C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 3 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 19 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.

La requête a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., ressortissante gabonaise née le 14 janvier 1958, est entrée sur le territoire français le 11 janvier 2018, munie d'un visa de court séjour. Le 11 octobre suivant, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 19 avril 2019, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... fait appel du jugement du 3 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 19 avril 2019 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. L'arrêté contesté refusant à Mme C... la délivrance d'un titre de séjour mentionne les textes dont il fait application, en particulier le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne l'avis émis le 18 février 2019 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'un traitement approprié était disponible dans le pays d'origine et que Mme C... pouvait voyager sans risque. Il relève également que l'intéressée ne produit aucune pièce de nature à démontrer l'absence d'un traitement adapté dans le pays d'origine, qu'elle ne fait état d'aucune circonstance personnelle empêchant un accès au traitement médical dans le pays d'origine, qu'elle ne peut se prévaloir d'aucune circonstance justifiant l'octroi d'une admission exceptionnelle au séjour et, enfin, qu'elle ne justifie pas de liens privés et familiaux anciens, stables et intenses sur le territoire français. Il comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement du refus de titre de séjour. Il résulte par ailleurs du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'une décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de la décision de refus de titre de séjour qui en constitue le fondement. Enfin, l'arrêté vise l'article L. 513-2 du même code et contient l'obligation de quitter le territoire français qui constitue le fondement de fait de la décision fixant le pays de renvoi. Celle-ci est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Marne n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de Mme C... avant d'opposer un refus à sa demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Dès lors, le moyen tiré de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11°A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) "

6. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... souffre d'une cirrhose hépatique liée à une hépatite C chronique de génotype IV, pour laquelle elle suit un traitement médicamenteux en France. Pour lui refuser le titre de séjour qu'elle avait sollicité pour des raisons de santé, le préfet de la Marne s'est fondé notamment sur un avis émis le 18 février 2019 par le collège des médecins de l'OFII, qui a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'un traitement approprié était disponible dans le pays d'origine et que Mme C... pouvait voyager sans risque.

8. Les pièces produites par la requérante, notamment les certificats médicaux des 3 juillet 2018 et 8 août 2019, peu circonstanciés, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de cet avis, par le préfet de la Marne. Elles n'établissent pas davantage que les principes actifs des médicaments Indapamide, Lerca et Unvedose, prescrits à l'intéressée, n'existeraient pas au Gabon sous d'autres appellations commerciales, ou que Mme C... ne pourrait pas se faire soigner dans son pays d'origine par des médicaments d'efficacité équivalente. Par ailleurs, si la requérante affirme que le système de sécurité sociale du Gabon ne lui permettrait pas de bénéficier d'une prise en charge de sa pathologie, elle ne l'établit pas par les pièces qu'elle produit, les indications figurant dans la documentation CLEISS produite par la requérante sur " Le régime gabonais de sécurité sociale " mentionnant au contraire l'existence depuis 2009 d'un régime d'assurance maladie couvrant les " personnes Gabonaises Economiquement Faibles ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France le 11 janvier 2018, à l'âge de soixante ans. Elle ne résidait ainsi sur le territoire français que depuis un peu plus d'un an, à la date de l'arrêté préfectoral contesté. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à son arrivée récente en France et où résident notamment ses quatre enfants. Dans ces conditions, et alors qu'il a été dit plus haut qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, Mme C..., célibataire et sans charges de famille en France, n'est pas en mesure d'établir l'existence de liens personnels ou familiaux en France d'une ancienneté et d'une stabilité telles que le refus de séjour litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Marne du 19 avril 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être rejetées, par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03244
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : GERVAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-19;19nc03244 ?
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