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19/11/2020 | FRANCE | N°18NC03379-18NC03380-18NC03381

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 19 novembre 2020, 18NC03379-18NC03380-18NC03381


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 21 février 2017 du directeur de la maison centrale de Clairvaux le plaçant à l'isolement et la décision du 12 mai 2017 de ce directeur prolongeant sa mise à l'isolement jusqu'au 17 août 2017.

Par deux jugements n° 1701101 du 21 juin 2018 et n° 1701385 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ces demandes.

M. B... a demandé au tribunal administratif de Châlo

ns-en-Champagne d'annuler la décision du 24 mars 2017 par laquelle la directrice interrég...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 21 février 2017 du directeur de la maison centrale de Clairvaux le plaçant à l'isolement et la décision du 12 mai 2017 de ce directeur prolongeant sa mise à l'isolement jusqu'au 17 août 2017.

Par deux jugements n° 1701101 du 21 juin 2018 et n° 1701385 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ces demandes.

M. B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 24 mars 2017 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a confirmé la décision du président de la commission de discipline de la maison centrale de Clairvaux du 21 février 2017 lui infligeant une sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée de dix jours avec sursis.

Par un jugement n° 1701043 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée sous le numéro 18NC03379 le 17 décembre 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 juin 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 12 mai 2017 prolongeant sa mise à l'isolement jusqu'au 17 août 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le rapporteur public n'a pas suffisamment motivé le sens de ses conclusions ;

- le jugement n'est pas signé.

Sur le bien-fondé du jugement :

- la décision de prolongation de l'isolement est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de droit, en tant qu'elle a été prise au motif de faits de nature à faire l'objet d'une sanction disciplinaire ;

- elle est entachée d'inexactitude matérielle et d'erreur manifeste d'appréciation, l'administration ne démontrant pas que seule cette mesure permettait d'assurer la sécurité de l'établissement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2020, le Garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement est régulier ;

- il s'en réfère aux écrits de première instance en ce qui concerne les autres moyens, qui ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.

II.- Par une requête, enregistrée sous le numéro 18NC03380 le 17 décembre 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 juillet 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 24 mars 2017 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a confirmé la décision du président de la commission de discipline du 21 février 2017 lui infligeant une sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée de dix jours, dont dix jours avec sursis, actif pendant six mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le rapporteur public n'a pas suffisamment motivé le sens de ses conclusions ;

- le jugement n'est pas signé.

Sur le bien-fondé du jugement :

- la décision de sanction est illégale en raison de l'illégalité du compte-rendu d'incident, qui ne mentionne pas le nom de son auteur ;

- la procédure de sanction est irrégulière dès lors que le délibéré de la commission de discipline a été interrompu à plusieurs reprises par un agent de l'administration pénitentiaire ;

- la décision est entachée d'inexactitude matérielle.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.

III.- Par une requête, enregistrée sous le numéro 18NC03381 le 17 décembre 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 21 juin 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 21 février 2017 le plaçant à l'isolement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le rapporteur public n'a pas suffisamment motivé le sens de ses conclusions ;

- le jugement n'est pas signé.

Sur le bien-fondé du jugement :

- la décision de placement à l'isolement est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de droit, en tant qu'elle a été prise au motif de faits de nature à faire l'objet d'une sanction disciplinaire ;

- elle est entachée d'inexactitude matérielle et d'erreur manifeste d'appréciation, l'administration ne démontrant pas que seule cette mesure permettait d'assurer la sécurité de l'établissement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2020, le Garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement est régulier ;

- il s'en réfère aux écrits de première instance en ce qui concerne les autres moyens, qui ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été condamné en dernier lieu le 27 novembre 2003 par la cour d'assises spéciale de Paris à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de vingt-deux ans. Incarcéré depuis le 22 juin 2015 à la maison centrale de Clairvaux, il a fait l'objet d'une décision du directeur de la maison centrale du 21 février 2017 le plaçant à l'isolement puis d'une décision du 12 mai 2017 de ce directeur prolongeant sa mise à l'isolement jusqu'au 17 août 2017. Par deux jugements des 21 juin et 7 juin 2018, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions.

2. Par ailleurs, par une décision du 21 février 2017, le président de la commission de discipline de la maison centrale de Clairvaux a infligé à M. B... une sanction de placement en cellule disciplinaire pour une durée de dix jours, dont dix jours avec sursis, actif pendant six mois. Sur recours préalable de M. B..., cette décision a été confirmée par la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg le 24 mars 2017. Par un jugement du 5 juillet 2018, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

3. Les requêtes n° 18NC03379, n° 18NC03380, et n °18NC03381 concernant l'appréciation de l'incidence de certains faits sur la situation carcérale de M. B..., il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la sanction disciplinaire :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions précitées du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public. En revanche, s'il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, la communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'en vue de l'audience du 21 juin 2018, le rapporteur public a préalablement mis en ligne le sens de ses conclusions, proposant un rejet au fond de la demande. Par suite, M. B..., qui pouvait ainsi apprécier l'opportunité d'assister à l'audience ou de s'y faire représenter par son conseil, n'est pas fondé à soutenir que le rapporteur public, qui n'était pas tenu de communiquer les raisons qui déterminaient le rejet au fond, n'a pas informé les parties du sens des conclusions.

6. En second lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative aux termes duquel : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

7. Il ressort de la minute du jugement en litige que celui-ci comporte toutes les signatures requises par les dispositions qui précèdent.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

S'agissant de la légalité externe :

8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale : " En cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire, un compte rendu est établi dans les plus brefs délais par l'agent présent lors de l'incident ou informé de ce dernier. L'auteur de ce compte rendu ne peut siéger en commission de discipline. ". Le compte rendu établi en application de ces dispositions a pour seul objet de permettre, par application des articles R. 57-7-14 et R. 57-7-15 du code de procédure pénale, de mettre en mesure le chef d'établissement d'apprécier l'opportunité de poursuivre la procédure disciplinaire. Ainsi, la circonstance que le requérant ne puisse identifier le rédacteur du compte rendu d'incident est sans incidence sur la légalité de la décision dès lors que celui-ci a bénéficié des garanties de la procédure contradictoire et qu'il est établi que l'agent en cause n'a pas siégé dans le cadre de la commission de discipline.

9. En outre, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'attestation produite par l'administration dans le cadre de l'examen du recours administratif préalable formé par M. B..., qu'alors que l'agent ayant établi le compte rendu en cause est de sexe féminin, le surveillant pénitentiaire ayant siégé à la commission est de sexe masculin. Par conséquent, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'agent ayant établi le compte rendu a ultérieurement siégé lors de la commission de discipline.

10. En second lieu, aux termes de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". En outre, aux termes de l'article R. 57-7-7 du même code : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-9 du même code : " Chaque membre de la commission de discipline doit exercer ses fonctions avec intégrité, dignité et impartialité et respecter le secret des délibérations. ".

11. S'il n'est pas contesté qu'un agent de l'administration a, à plusieurs reprises, pénétré dans la salle où se tenait le délibéré de la commission de discipline, cette seule circonstance n'a pas été de nature à priver M. B... d'une garantie ni n'a pu avoir d'incidence sur le sens de la décision, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la présidente de la commission de discipline de la maison centrale de Clairvaux aurait pris la même décision de sanction si ce fait ne s'était pas produit.

S'agissant de la légalité interne :

12. Aux termes de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue : (...) 12° De proférer des insultes, des menaces ou des propos outrageants à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement, d'une personne en mission ou en visite au sein de l'établissement pénitentiaire ou des autorités administratives ou judiciaires (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

13. Il ressort des termes de la décision en litige que M. B... a été sanctionné pour avoir tenu, le 13 février 2017, des propos insultants et menaçants à l'encontre d'un membre du personnel, l'invitant à une confrontation directe. Or, si M. B... conteste la réalité de ses propos, il ressort des pièces du dossier que plusieurs agents de l'administration pénitentiaire ont rapporté avoir été témoins de ces propos. A cet égard, la seule discordance des horaires invoqués comme la circonstance qu'un des agents n'aurait pas immédiatement attesté des propos en cause ne sont pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits, alors par ailleurs que l'intéressé a lui-même admis avoir voulu " discuter d'homme à homme " avec l'agent concerné. Le moyen tiré de l'inexactitude matérielle de la décision en litige doit dès lors être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision de la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg du 24 mars 2017.

Sur la décision de placement à l'isolement et sa prolongation :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

15. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'en vue des audiences du 24 mai et du 7 juin 2018, le rapporteur public a préalablement mis en ligne le sens de ses conclusions, proposant le rejet au fond des demandes. Par suite, M. B..., qui pouvait ainsi apprécier l'opportunité d'assister aux audiences ou de s'y faire représenter par son conseil, n'est pas fondé à soutenir que le rapporteur public, qui n'était pas tenu de communiquer les raisons qui déterminaient les rejets au fond, n'a pas informé les parties du sens des conclusions.

16. En second lieu, il ressort de la minute des jugements en litige que ceux-ci comportent toutes les signatures requises par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

S'agissant de la légalité externe :

17. Aux termes de l'article 726-1 du code de procédure pénale : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office. Cette mesure ne peut être renouvelée pour la même durée qu'après un débat contradictoire, au cours duquel la personne concernée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. (...) ". En outre, aux termes de l'article R. 57-7-64 du code de procédure pénale : " Lorsqu'une décision d'isolement d'office initial ou de prolongation est envisagée, la personne détenue est informée, par écrit, des motifs invoqués par l'administration, du déroulement de la procédure et du délai dont elle dispose pour préparer ses observations. / (...) La décision est motivée. Elle est notifiée sans délai à la personne détenue par le chef d'établissement. ". Enfin, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

18. En l'espèce, il ressort des pièces des dossiers que la décision du 21 février 2017 plaçant M. B... à l'isolement et celle du 12 mai 2017 prolongeant cette mesure comportent toutes deux l'indication des faits imputés à l'intéressé et qui, selon ces décisions, font craindre un risque de mouvement collectif de protestation et de déstabilisation. En outre, la décision de prolongation du 12 mai 2017 ajoute que ce risque est encore d'actualité. Ainsi, ces décisions, qui visent enfin les dispositions pertinentes du code de procédure pénale et mentionnent que le placement à l'isolement est l'unique moyen de préserver la sécurité, sont suffisamment motivées.

S'agissant de la légalité interne :

19. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-62 du code de procédure pénale : " La mise à l'isolement d'une personne détenue, par mesure de protection ou de sécurité, qu'elle soit prise d'office ou sur la demande de la personne détenue, ne constitue pas une mesure disciplinaire. ". Toutefois, ces dispositions n'interdisent pas à l'administration, pour apprécier s'il y a lieu de prendre une mesure de placement à l'isolement ou de prolongation d'une telle mesure, de prendre en considération, comme elle l'a fait en l'espèce, des faits susceptibles de recevoir la qualification d'une faute disciplinaire ou ayant donné lieu effectivement à des sanctions disciplinaires. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'elle est fondée sur des incidents de nature disciplinaire, doit être écarté.

20. Le placement à l'isolement de M. B... et sa prolongation, ayant été décidés contre son gré, constituent des mesures de police destinées à prévenir les atteintes à la sécurité publique. Il appartient à l'autorité prenant une telle décision d'examiner, sous le contrôle du juge, si le comportement du détenu, apprécié à la date de la décision, révèle des risques de troubles incompatibles avec son retour au régime ordinaire de détention.

21. Il ressort des pièces du dossier que la décision de placement à l'isolement et la prolongation de cette mesure ont été fondées sur la participation de M. B... à la préparation d'un mouvement collectif du 17 au 19 février 2017, sur les menaces proférées par l'intéressé à l'encontre d'agents de l'administration pénitentiaire le 15 décembre 2016 et le 13 février 2017 et sur des actes de prosélytisme à l'égard de ses codétenus. Si M. B... conteste sa participation à la préparation d'un mouvement collectif et ses actions prosélytes, ses seules dénégations ne suffisent pas à remettre en cause les constatations des agents de l'administration pénitentiaire. En outre, les attestations concernant le comportement de M. B..., dont une partie a été établie avant son incarcération à la maison centrale de Clairvaux, ne permettent pas non plus de démontrer que les décisions en litige sont entachées d'erreur matérielle. Par ailleurs, ainsi qu'il a été indiqué au point 13 du présent arrêt, il ressort des pièces du dossier que M. B... a proféré des menaces à l'encontre d'un agent de l'administration pénitentiaire. Enfin, si M. B... produit une attestation de l'aumônier attestant qu'il n'a ni quitté ni interrompu le culte, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration aurait pris des décisions différentes en ne tenant pas compte de ce seul fait.

22. En deuxième lieu, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire AP du 14 avril 2011, invitant le chef d'établissement à être " particulièrement attentif à l'impact de la mesure sur l'état psychique de la personne détenue ", pour soutenir que les décisions contestées ne tiendraient pas compte de leur impact sur son état psychique, dès lors que cette circulaire est dépourvue de portée règlementaire et alors, au surplus, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait présenté, avant l'intervention des décisions en litige, des signes cliniques révélant un état de santé incompatible avec son isolement.

23. En troisième lieu, il résulte des dispositions combinées des articles R. 57-7-64 et R. 57-7-73 du code de procédure pénale que la mesure administrative de mise à l'isolement doit être justifiée par des considérations de protection et de sécurité et tenir compte de la personnalité de l'intéressé, de sa dangerosité particulière, ainsi que de son état de santé.

24. En l'espèce, en tenant compte des actes prosélytes, de la participation à des actions collectives et des menaces à l'encontre d'agents pour prononcer la mise à l'isolement de M. B... puis la prolongation de cette mesure, l'administration, qui a pris en considération la dangerosité de l'intéressé, classé détenu particulièrement signalé, n'a pas entaché son appréciation d'erreur manifeste.

25. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance vis-à-vis de l'administration, il appartient aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

26. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait présenté, avant l'intervention des décisions attaquées, des signes cliniques révélant un état de santé incompatible avec son isolement ni que sa mise à l'isolement ou la prolongation de cet isolement auraient aggravé son état de santé mentale. En outre, le requérant ne démontre pas en quoi ses conditions d'isolement constitueraient en elles-mêmes un traitement inhumain et dégradant alors au surplus que l'isolement d'un détenu ne se traduit pas par un isolement complet, l'intéressé conservant son droit à l'information, aux visites, à la correspondance, à la promenade quotidienne et à l'exercice du culte.

27. Le moyen tiré de ce que le placement puis le maintien à l'isolement de M. B... méconnaitrait les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.

28. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 21 février 2017 le plaçant à l'isolement et de la décision du 12 mai 2017 prolongeant la période d'isolement.

Sur les frais liés à l'instance :

29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'administration, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que l'avocat de M. B... demande sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes présentées par M. B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au Garde des Sceaux, ministre de la justice.

N° 18NC03379-18NC03380-18NC03381 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03379-18NC03380-18NC03381
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-02 Juridictions administratives et judiciaires. Service public de la justice.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jérôme DIETENHOEFFER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-19;18nc03379.18nc03380.18nc03381 ?
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