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19/11/2020 | FRANCE | N°18NC01794

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 19 novembre 2020, 18NC01794


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 26 juin 2017 par laquelle la chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande tendant à la requalification de ses engagements en contrat à durée déterminée et de condamner la chambre des métiers et de l'artisanat à lui verser la somme de 6 000 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement no 1702237 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demand

e.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2018, Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 26 juin 2017 par laquelle la chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande tendant à la requalification de ses engagements en contrat à durée déterminée et de condamner la chambre des métiers et de l'artisanat à lui verser la somme de 6 000 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement no 1702237 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2018, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 24 avril 2018 et la décision du 26 juin 2017 ;

2°) d'enjoindre à la chambre de métiers et de l'artisanat de requalifier en contrats à durée déterminée ses engagements au titre de la période du 27 août 2012 au 3 juillet 2015 et de lui verser le complément de rémunération en résultant, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

3°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat à lui verser une indemnité de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été employée pendant trois ans en qualité de vacataire alors qu'elle aurait dû bénéficier de contrats à durée déterminée, en application des dispositions de la loi du 13 juillet 1983, de la loi du 11 janvier 1984 et du décret du 15 février 1988 ;

- le statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat ne prévoit pas le recrutement de vacataires ;

- elle a subi du fait de la faute commise par son employeur un préjudice financier et un préjudice moral qui justifient l'allocation d'une indemnité globale de 6 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2018, la chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions aux fins d'injonction de régularisation présentées par Mme B... sont tardives et, comme telle, irrecevables ;

- elles sont insuffisamment motivées et irrecevables pour ce second motif ;

- Mme B... ne peut se prévaloir, en sa qualité d'agent employé par une chambre consulaire, des dispositions de la loi du 11 janvier 1984, qui n'est applicable qu'aux agents de la fonction publique ;

- la chambre des métiers et de l'artisanat n'a pas commis d'illégalité fautive en engageant Mme B... en qualité de vacataire alors que le statut des chambres des métiers et de l'artisanat ne prévoit pas de statut de vacataire ;

- le caractère ponctuel et limité des missions assuré par Mme B... justifiait qu'elle soit recrutée en qualité de vacataire ;

- Mme B... n'est pas fondée à demander à être indemnisée au titre de son préjudice moral alors qu'elle a renoncé au contrat à durée déterminée qui lui a été proposé ;

- elle n'établit pas ni le caractère certain ni même le montant de son préjudice moral.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le statut du personnel administratif des chambres de métiers et de l'artisanat, adopté par la commission paritaire nationale 52 du 17 décembre 2014 et publié au journal officiel de la République française le 25 février 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée en qualité de vacataire par la chambre de métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle pour exercer des tâches d'enseignement au centre de formation des apprentis de Laxou de la chambre des métiers au titre des années scolaires 2012 à 2014. Le 17 mai 2017, elle a adressé à la chambre des métiers une demande tendant à la requalification de ses engagements en contrat à durée déterminée ainsi qu'à l'indemnisation de ses préjudices. Cette demande a été rejetée par courrier du 26 juin 2017. Par un jugement du 24 avril 2018, dont l'intéressée relève appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de cette décision et à ce que la chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle soit condamnée à lui verser une somme de 6 000 euros en réparation des préjudices subis.

Sur le bien-fondé du jugement :

S'agissant des conclusions en annulation :

2. Si Mme B... demande l'annulation de la décision du 26 juin 2017 par laquelle la chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande tendant à la requalification de ses engagements en contrat à durée déterminée, elle ne présente aucun moyen relatif à la légalité de cette décision. Elle n'est, par suite et en tout état de cause, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté les conclusions tendant à son annulation.

S'agissant des conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, de commerce et des métiers : " La situation du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers de France est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires nommées, pour chacune de ces institutions, par le ministre de tutelle ". Il s'ensuit que Mme B..., dont la situation était régie par les seuls textes pris en application de la loi du 10 décembre 1952, ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de la loi du 13 juillet 1983 et la loi du 11 janvier 1984.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat adopté le 17 décembre 2014 par la commission paritaire nationale 52 : " Le présent statut s'applique au personnel à temps complet ou à temps partiel (titulaires, stagiaires, contractuels de droit public) des chambres de métiers et de l'artisanat départementales, des chambres régionales de métiers et de l'artisanat, des chambres de métiers et de l'artisanat de région et de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 2 du même statut : " Les organismes mentionnés à l'article précédent peuvent engager des agents sous contrat à durée déterminée dans les cas limitatifs suivants : a) en vue de satisfaire des besoins non permanents ; b) en vue de pourvoir des emplois à temps partiel pour satisfaire des besoins particuliers requérant la collaboration de spécialistes ; c) en vue de pallier l'indisponibilité temporaire d'un agent titulaire. Les rapports de ces agents avec l'organisme employeur sont réglés par l'annexe XIV du statut relative aux dispositions particulières applicables aux agents recrutés sous contrat et un contrat de travail de droit public ". Il résulte de ces dispositions que les chambres des métiers et de l'artisanat ne peuvent légalement employer des agents en qualité de contractuel ou de vacataire que pour satisfaire des besoins non permanents ou pour pallier l'indisponibilité temporaire d'un agent titulaire. A cet égard, l'existence, ou l'absence, du caractère permanent d'un emploi doit s'apprécier au regard de la nature du besoin auquel répond cet emploi et ne saurait résulter de la seule durée pendant laquelle il est occupé.

5. Mme B... soutient qu'elle a été illégalement recrutée en qualité de vacataire pour répondre à un besoin permanent de formation assuré par le centre de formation des apprentis de Laxou. Il résulte de l'instruction que Mme B... a été recrutée par trois décisions d'engagement en date des 29 août 2012, 23 août 2013 et 1er septembre 2014, pour des périodes correspondant à l'année scolaire. A ce titre, Mme B... a effectué 471 heures d'enseignement au cours de l'année scolaire 2012-2013, 656 heures au titre de l'année scolaire 2013-2014 et 341 heures au titre de l'année 2014-2015. Il résulte encore de l'instruction que Mme B... a enseigné un nombre limité de matières dans le cadre de formations diplômantes. Il résulte enfin des écrits de la chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle, qui ne justifie pas que Mme B... aurait remplacé des agents titulaires indisponibles, que cette dernière a été recrutée pour pallier un surcroît d'activité du centre de formation des apprentis. La circonstance que Mme B... était payée exclusivement au vu des heures réalisées est sans incidence sur la qualification du besoin dont elle avait la charge.

6. Compte tenu de la durée des vacations successives, de la quotité et de la nature du travail réalisé, l'emploi de Mme B... répondait à un besoin permanent. Par suite, la chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle ne pouvait, sans commettre d'illégalité fautive, l'engager sur un poste de contractuel et ou de vacataire.

7. En troisième lieu, la conclusion d'un contrat à durée indéterminée entre Mme B... et la chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle, intervenue le 11 juin 2015, n'est pas de nature à exonérer cette dernière de sa responsabilité au titre la période antérieure du 27 août 2012 au 3 juillet 2015. Enfin, Mme B... n'a pas commis de faute de nature à exonérer la responsabilité de la chambre des métiers et de l'artisanat en ne sollicitant pas son recrutement en contrat à durée indéterminée avant cette date.

En ce qui concerne le préjudice :

8. Mme B..., qui est fondée à réclamer réparation du préjudice résultant de son recrutement fautif en qualité de vacataire pendant la période du 27 août 2012 au 3 juillet 2015, demande que la chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle soit condamnée à indemniser le préjudice résultant de la précarité de son statut et de l'absence de ressources pendant la période estivale. Il résulte de l'instruction que Mme B... aurait été placée dans une situation plus favorable si elle n'avait pas été recrutée en qualité de vacataire, le recrutement sous contrat à durée déterminée lui ouvrant notamment droit au renouvellement exprès en vertu des dispositions de l'article 6 de l'annexe XIV du statut des chambres des métiers et de l'artisanat. Par suite et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évaluer le préjudice moral résultant de l'illégalité fautive des décisions de recrutement en qualité de vacataire à la somme de 1 000 euros.

9. Enfin, même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, toute décision prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts au taux légal au jour de son prononcé jusqu'à son exécution. Ainsi, la demande de Mme B... tendant à ce que lui soient alloués, à compter de la date du jugement attaqué, des intérêts au taux légal sur la somme que le chambre des métiers et de l'artisanat a été condamnée à lui verser est dépourvue d'objet et doit donc être rejetée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande à concurrence d'un montant de 1 000 euros. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution hormis le paiement de cette somme, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B... doivent en revanche être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, pour le même motif, de mettre à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 24 avril 2018 est annulé.

Article 2 : La chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle est condamnée à verser à Mme B... la somme de 1 000 euros.

Article 3 : La chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle versera à Mme B... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

N° 18NC01794 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01794
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-01 Fonctionnaires et agents publics. Qualité de fonctionnaire ou d'agent public.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jérôme DIETENHOEFFER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : CALLON AVOCAT ET CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-19;18nc01794 ?
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