Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... E... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 7 août 2019 par lequel le préfet de la Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1902750 du 27 décembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2020, Mme F... E... épouse D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902750 du 27 décembre 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et une carte de séjour temporaire, dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les dépens d'une éventuelle mise en exécution forcée du jugement à intervenir.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- ni l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ni les considérations médicales sur lesquelles il s'est fondé, ne lui ont été communiqués ;
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est insuffisamment motivé et il ne fait pas référence aux informations disponibles sur les possibilités de traitement dans son pays d'origine, en méconnaissance de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en se fondant sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sans analyser lui-même la nature de son traitement médical, ni vérifier l'existence et l'accessibilité d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que, eu égard à la nature de sa pathologie, elle ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation, dès lors qu'au regard de sa situation, elle peut bénéficier de la reconnaissance de la qualité de réfugiée ou de la protection subsidiaire ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet aurait dû vérifier si elle n'entrait pas dans un autre cas d'attribution d'un titre de séjour prévu par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision relative au pays de destination :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la légalité du refus de séjour :
1. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte un énoncé des considérations de droit et de fait, propres à la situation personnelle de Mme D..., qui constituent le fondement du refus de séjour en litige. En particulier, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait, pour se prononcer, disposé d'autres éléments au sujet de l'état de santé de Mme D... que l'avis émis le 9 juillet 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet a énoncé de manière suffisamment précise et complète les considérations qu'il a retenues à ce sujet en rappelant les dispositions applicables et en citant la teneur de cet avis, qu'il s'est approprié. Le préfet, auquel aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait d'y faire figurer, en outre, une analyse exhaustive de la situation personnelle et familiale de la requérante, ni les informations disponibles sur les possibilités de bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, a ainsi régulièrement motivé sa décision au regard des exigences fixées par les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
2. A cet égard, la requérante ne peut pas utilement faire valoir que l'arrêté contesté n'énonce pas les raisons pour lesquelles le préfet ne lui a pas délivré une carte de résident en qualité de réfugiée, dès lors qu'il est constant qu'elle n'a pas demandé un titre de cette nature. Est de même sans incidence sur la régularité formelle de la décision contestée l'irrégularité alléguée de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
3. En deuxième lieu, aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit la communication à l'étranger concerné de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ou des éléments au vu desquels cet avis a été émis. Par suite, le défaut de communication de ces éléments est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Selon l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. (...) ".
5. D'une part, il résulte de ces dispositions que les informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé, lesquelles ne constituent pas des éléments de procédure, n'ont pas à figurer dans l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis émis par ce collège le 9 juillet 2019 au sujet de l'état de santé de Mme D... n'est donc pas irrégulier du seul fait qu'il ne mentionne pas ces informations. D'autre part, cet avis comporte l'ensemble des mentions prévues par les dispositions précitées, et est ainsi régulièrement motivé.
6. En quatrième lieu, les énonciations de l'arrêté contesté, qui fait état de considérations de droit et de fait propres à la situation personnelle de la requérante, permettent de vérifier que, contrairement à ce que soutient cette dernière, le préfet a procédé à un examen particulier de sa demande. Est sans incidence à cet égard l'erreur de plume constituée par la mention, dans l'un des considérants de l'arrêté, d'une autre personne que Mme D....
7. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 1, le préfet ne disposait pas d'autres éléments au sujet de l'état de santé de Mme D... que l'avis émis le 9 juillet 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dès lors, il a pu, sans méconnaître l'étendue de sa compétence ni renoncer à exercer son pouvoir d'appréciation, s'approprier les termes de cet avis.
8. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
9. Par son avis du 9 juillet 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le Kosovo. Pour contredire cette appréciation, que le préfet s'est appropriée, et qui fait présumer que son état de santé n'est pas de nature à justifier son admission au séjour sur le fondement des dispositions précitées, Mme D... produit l'attestation d'un psychologue, plusieurs certificats médicaux indiquant qu'elle souffre d'un stress post-traumatique sévère et bénéficie d'un suivi régulier suite à un cancer pour lequel elle a subi deux interventions chirurgicales en 2016 et en 2018, ainsi que deux rapports de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés. Toutefois, alors que son cancer ne requérait plus, à la date de la décision contestée, qu'un simple suivi régulier, il ne ressort d'aucun de ces éléments qu'elle ne pourrait pas en bénéficier dans son pays d'origine. Par ailleurs, les certificats médicaux qu'elle produit ne se prononcent pas sur la disponibilité et l'accessibilité d'un traitement approprié pour son stress post-traumatique au Kosovo, l'attestation établie par un psychologue, indiquant que ce traitement ne serait pas disponible au Kosovo, n'est pas suffisamment probante eu égard au caractère lapidaire et non circonstancié de cette opinion, et le rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés, établi le 1er septembre 2010, ne l'est pas davantage eu égard à son ancienneté. Si le second rapport de la même organisation, daté du 31 août 2016, indique que l'accès effectif aux soins psychiatriques est souvent coûteux au Kosovo, la requérante n'apporte, comme l'a déjà relevé le tribunal, aucune précision quant à l'impossibilité dans laquelle elle se trouverait de faire face à ces dépenses. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le lien entre la pathologie psychiatrique de Mme D... et les événements traumatisants qu'elle soutient avoir vécus au Kosovo serait tel qu'il ne permettrait pas, dans son cas, d'envisager un traitement effectivement approprié dans ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
10. En septième lieu, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose au préfet de vérifier si l'étranger peut être admis au séjour sur un autre fondement que celui qu'il fait valoir à l'appui de sa demande. Par conséquent, le préfet commis aucune erreur de droit en ne se prononçant pas sur le droit au séjour de la requérante au titre de l'asile ou sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En huitième lieu, Mme D... n'ayant sollicité son admission au séjour ni au titre de l'asile, ni sur le fondement sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les moyens tirés de ce que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de l'admettre au séjour à l'un ou l'autre de ces titres ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables à la décision énonçant une obligation de quitter le territoire français. Par suite, leur méconnaissance ne peut pas être utilement invoquée à l'encontre de cette décision.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'obligation de quitter le territoire français n'ayant, par elle-même, ni pour objet, ni pour effet de renvoyer l'étranger vers le Kosovo, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées en raison des traitements que Mme D... pourrait subir dans ce pays ne peut qu'être écarté comme inopérant.
14. En troisième lieu, aux termes de de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
15. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France, en compagnie de son époux, en février 2015, soit quatre ans et demi avant l'arrêté contesté. Toutefois, son époux est également en situation irrégulière, et elle ne se prévaut d'aucune autre attache personnelle ou familiale en France. Par ailleurs, elle ne soutient pas être dépourvue de toute attache au Kosovo, et ses allégations quant aux risques auxquels elle serait exposée en cas de retour dans ce pays et à son état de santé ne sont pas suffisamment étayées pour établir qu'il lui serait impossible d'y reconstituer la cellule familiale qu'elle constitue avec son époux, également originaire de ce pays. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il l'a obligée à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision relative au pays de destination :
16. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
17. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... ne pourra pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. D'autre part, si Mme D... soutient que sa vie serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine, où elle aurait subi des mauvais traitements, elle n'apporte aucun élément concret à l'appui de ses affirmations. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de Mme D..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E... épouse D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
N° 20NC00222 2