La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2020 | FRANCE | N°19NC03259

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 17 novembre 2020, 19NC03259


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... née D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902114 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11

novembre 2019 et des mémoires enregistrés les 4 septembre, 5 septembre, 7 septembre et le 1er ...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... née D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902114 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 novembre 2019 et des mémoires enregistrés les 4 septembre, 5 septembre, 7 septembre et le 1er octobre 2020, Mme G... B..., représentée par Me Chebbale, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 juin 2019 n° 1902114 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 22 janvier 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- il est entaché d'un vice de procédure au regard de l'article R.313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui concerne l'avis médical :

. en l'absence de communication de l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, elle ne peut s'assurer que le médecin rapporteur de l'office français de l'immigration et de l'intégration ne siégeait pas dans le collège de médecins qui a émis son avis ;

. elle n'est pas en mesure de vérifier qu'un rapport a bien été rédigé et transmis au collège de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;

- il est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article L.313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié au Kosovo ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que, devant se voir attribuer de plein droit un titre de séjour en application des dispositions du 7° ou du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est contraire aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1.Mme B..., ressortissante kosovare née le 1er mars 1976, est entrée irrégulièrement en France le 25 janvier 2015, selon ses déclarations. Le statut de réfugié lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile respectivement les 31 juillet 2015 et 9 mai 2016. Elle a sollicité le 28 juin 2016 un titre de séjour sur le fondement de l'article L.313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et s'est vue délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an à partir du 22 mars 2017. Elle a sollicité le 12 mars 2018 le renouvellement de son titre. Par un arrêté du 22 janvier 2019, dont elle demande l'annulation, le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement n° 1902114 du 27 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. ".

3. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin produit en appel le bordereau de transmission de l'avis du 18 juillet 2018 émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration. Eu égard aux noms des trois médecins portés sur l'avis du 18 juillet 2018, le préfet justifie que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui s'est prononcé sur l'état de santé de Mme B.... D'autre part, si la requérante soutient également qu'il n'est pas établi que le rapport médical a bien été transmis au collège de médecins, elle n'apporte pas le moindre commencement de preuve en ce sens, alors que le bordereau de transmission de l'OFII fait référence au rapport médical du médecin rapporteur qui lui a été transmis avant de se prononcer sur l'état de santé de Mme B....

6. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit, en conséquence être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) "

8. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

9. En l'espèce, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, par son avis du 18 juillet 2018, que si l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié et pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine.

10. Il ressort des pièces du dossier que la requérante souffre d'une hernie discale L5-51, de crises non épileptiques psychogène des suites d'un stress post traumatique. Pour contester l'avis du collège des médecins de l'OFII selon lequel elle pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la requérante produit le certificat médical du docteur Levy du 22 avril 2018 et celui du 16 juin 2016 du Docteur Hirsch du service de neurologie des hôpitaux universitaires de Strasbourg qui se borne à indiquer que son " état de santé justifie à mon sens, une prise en charge en France dans la mesure où la prise en charge dans son pays d'origine ne me parait pas réalisable ". Elle se fonde également sur des rapports de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) concernant les soins relatifs au syndrome post-traumatique en date du 31 août 2016, et du 3 avril 2017 concernant le traitement psychiatrique et psychothérapeutique ainsi que sur un rapport du parlement européen de 2018 concernant l'état des soins médicaux au Kosovo). Toutefois, ces documents dont se prévaut Mme B..., faisant état d'une inadéquation entre les besoins de la population kosovare en soins psychiatriques et les ressources du pays en termes de professionnels qualifiés et de structures spécialisées dans la santé mentale, ne permettent pas de conclure à une absence desdits soins psychiatriques au Kosovo, notamment pour traiter les états de stress post-traumatique dont elle souffre. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les troubles de Mme B... qui trouveraient leur origine dans des évènements vécus au Kosovo, seraient tels qu'ils feraient obstacle à ce qu'elle puisse y bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... ait formulé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant et doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Mme B... se prévaut de sa présence en France depuis trois années, et également de celle de ses trois enfants et de son époux et du fait que son fils, H... B..., soit titulaire d'un titre de séjour en sa qualité de conjoint de français. Elle produit également une attestation de sa belle-fille attestant qu'elle a besoin d'elle pour s'occuper de sa fille. Enfin, elle justifie avoir travaillé à compter du mois de décembre 2017 à temps partiel au sein de la société ISS propreté et auprès de la société Elior à partir d'avril 2018. Toutefois, ces seuls éléments ne sauraient suffire à considérer qu'elle a ancré l'ensemble de ses attaches privées et familiales en France alors que, par ailleurs, son époux, ainsi que trois de ses enfants font l'objet de mesures d'éloignement datées du même jour. Elle n'allègue pas avoir tissé de liens personnels sur le territoire français, ni qu'elle ne disposerait plus d'attaches dans son pays d'origine, le Kosovo ou en Macédoine, dont sont originaires son époux et ses enfants. Dès lors, la requérante n'établit pas que le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de séjour ayant été écartés, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.

15. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés à propos du refus de titre de séjour, les moyens invoqués par l'appelante de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait le 7°, le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, assortis des mêmes allégations que pour le refus de titre de séjour, ne peuvent être accueillis.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 10 du présent arrêt que le moyen tiré de la violation des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut pas être accueilli.

18. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

19. Mme B... ne saurait utilement se prévaloir de ces stipulations dès lors que ses enfants sont majeurs. Par suite le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

20. L'article 3 de l'arrêté du 22 janvier 2019 du préfet du Bas-Rhin prévoit que Mme D..., épouse B... G..., de nationalité kosovienne " pourra être reconduite d'office à destination du pays dont elle possède la nationalité ou de tout pays dans lequel elle établit être légalement admissible ". Un arrêté similaire a été pris le même jour à l'encontre de son époux et de ses trois enfants majeurs, de nationalité macédonienne. Chacun de ces arrêtés, faute de limiter l'éloignement de l'étranger vers les pays où son conjoint ainsi que ses enfants sont légalement admissibles, permet de renvoyer les époux ainsi que leurs enfants dans des pays différents, ce qui aurait nécessairement pour effet de séparer, même provisoirement, les membres de la cellule familiale. Ainsi, la décision du 22 janvier 2019, en tant qu'elle rend possible l'éloignement de Mme B... dans un pays différent de celui à destination duquel son époux et ses enfants pourraient être reconduits d'office, porte dans cette mesure à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis et méconnaît, par suite, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, la décision fixant le pays de destination doit être annulée.

21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision fixant son pays de renvoi.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

22. Le présent arrêt, qui se borne à annuler la décision fixant le pays de renvoi de Mme B... et rejette le surplus de ses conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

23. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me Chebbale, avocat de Mme B..., une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve que cet avocat renonce à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 22 janvier 2019 du préfet du Bas-Rhin fixant le pays de renvoi de Mme B... est annulée.

Article 2 : Le jugement du 27 juin 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision mentionnée à l'article 1er.

Article 3 : L'Etat versera à Me Chebbale la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 19NC03259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03259
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-17;19nc03259 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award