Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Wanzl a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 5 mai 2017 par laquelle la ministre en charge du travail a rejeté le recours hiérarchique qu'elle avait formé contre la décision de l'inspecteur du travail du 10 octobre 2016 refusant de lui accorder l'autorisation de licencier M. E....
Par un jugement n° 1703372 du 3 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2019, la société Wanzl, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 mai 2019 ;
2°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 5 mai 2017 ;
3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat et de M. E..., solidairement, la somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du ministre du 5 mai 2017 est insuffisamment motivée ; elle méconnaît la circulaire du 20 juillet 2012 ;
- l'inspecteur du travail et le ministre du travail ont à tort retenu le caractère professionnel de l'inaptitude du salarié ; par suite, elle n'avait pas, sur le fondement de l'article L.1226-10 du code du travail, à consulter les délégués du personnel sur les reclassements.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Un mémoire de M. E... a été enregistré au greffe de la cour le 15 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la société Wanzl.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., qui a été engagé le 5 septembre 1988 par la société Wanzl, exerçait, en dernier lieu, les fonctions de directeur des ressources humaines, de directeur administratif et financier et de responsable de l'informatique et de la sécurité. Il tenait son statut de salarié protégé de sa qualité de conseiller prud'homme et d'administrateur de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin. Par un avis du médecin du travail du 14 janvier 2014, il a été déclaré inapte à ses fonctions, en un seul examen avec mention de danger immédiat. Le 10 août 2016, la société Wanzl a sollicité l'autorisation de le licencier pour inaptitude professionnelle. Par une décision du 10 octobre 2016, l'inspectrice du travail de l'unité départementale du Bas-Rhin a refusé d'accorder cette autorisation. Par une décision du 5 mai 2017, la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique de la société Wanzl formé contre la décision de l'inspectrice du travail et a confirmé sa décision implicite de rejet née le 10 avril 2017. La société Wanzl a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cette dernière décision du 5 mai 2017. Le tribunal administratif de Strasbourg a considéré que les conclusions de la société Wanzl tendant à l'annulation de la décision du ministre devaient également être regardées comme dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail du 10 octobre 2016. La société Wanzl relève appel du jugement du 3 mai 2019, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur la recevabilité du mémoire présenté par M. E... :
2. Le mémoire en défense de M. E... a, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 811-7 du code de justice administrative, été présenté sans ministère d'avocat et ce dernier s'est abstenu de régulariser cette production dans le délai qui lui était imparti par la demande de régularisation qui lui a été adressée, à peine d'irrecevabilité, par un courrier du greffe du 15 janvier 2020. Il en résulte que ce mémoire est irrecevable et doit être écarté des débats.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En matière d'autorisations administratives de licenciement des salariés protégés, les décisions prises sur recours hiérarchique par le ministre ne se substituent pas aux décisions de l'inspecteur du travail, dès lors que ce recours ne présente pas un caractère obligatoire. Ainsi, la demande de la société Wanzl tendant à l'annulation de la décision de la ministre rejetant son recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail refusant l'autorisation de licencier M. E... doit être regardée comme tendant également à l'annulation de cette dernière décision.
En ce qui concerne la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 10 octobre 2016 :
4. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. (...) ". Aux termes de l'article L.2411-22 du code du travail :" Le licenciement du conseiller prud'homme ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative doit s'assurer de la régularité de la procédure de licenciement avant de délivrer l'autorisation demandée par l'employeur à l'encontre d'un salarié protégé. La consultation préalable des délégués du personnel, lorsqu'elle est exigée par les dispositions du code du travail, constitue une formalité substantielle à laquelle est subordonnée la légalité de l'autorisation administrative de licenciement. Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a été victime d'un malaise le 17 mai 2013, alors qu'il rentrait à son domicile après une mission au conseil des prud'hommes de Strasbourg. Son médecin traitant a déclaré ce malaise en accident du travail mais la CPAM du Bas-Rhin a refusé, le 20 août 2013, de reconnaitre le caractère professionnel de l'accident. M. E... a été placé en arrêt de travail à la suite de cet accident et a effectué une visite de reprise le 14 janvier 2014. A cette occasion, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude et a mentionné que la visite de reprise intervenait dans le cadre d'une " maladie ou accident non professionnel ". Suite à un recours du salarié auprès de la commission de recours amiable (CRA) , la CPAM a informé l'entreprise, par un courrier notifié le 4 juin 2014 et reçu le 11 juin 2014, de l'origine professionnelle de l'accident du 17 mai 2013 au titre d'un " état anxio-dépressif secondaire suite à harcèlement professionnel ". Par suite, il est constant que l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de l'accident de M. E... lorsqu'il a entamé la recherche de reclassement en juin 2016. Dans ces circonstances, la société ne peut, pour s'exonérer des obligations qui étaient les siennes de prendre l'avis des délégués du personnel des propositions de reclassement, utilement se prévaloir de ce que le médecin du travail avait antérieurement émis un avis d'inaptitude le 14 janvier 2014 portant les mentions " maladie ou accident non professionnel ". La société n'est également pas fondée à se prévaloir de ce que cet avis du 14 janvier 2014 étant devenu définitif, la notification de la CPAM du 4 juin 2014 l'informant de la décision de la CRA et qui mentionne expressément que " cette notification annule et remplace pour la victime la précédente notification de refus " ne lui était pas opposable. Dans ces conditions, l'employeur de M. E... devait saisir les délégués du personnel, conformément aux dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail, des propositions de reclassement qui avaient été faites. L'absence de consultation des délégués du personnel prévue à l'article L. 1226-10 du code du travail précité constituant une irrégularité substantielle, la société Wanzl n'est donc pas fondée à soutenir que le refus d'autorisation de licenciement opposé à son encontre serait entaché d'erreur de droit.
Sur la décision de la ministre du travail du 5 mai 2017 :
7. Aux termes de l'article R.2422-1 du code du travail : " Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. (...) ".
8. Lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision de l'inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement formée par un employeur, sa décision ne se substitue pas à celle de l'inspecteur. Par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l'annulation de celle de l'inspecteur, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués au soutien des conclusions dirigées contre cette décision.
9. Ainsi la société Wanzl ne peut utilement invoquer le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du ministre du 5 mai 2017.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Wanzl n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de M. E..., qui ne sont pas les parties perdantes, la somme demandée par la société Wanzl au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Wanzl est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Wanzl, à M. F... E... et à la ministre du travail.
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N° 19NC02038