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17/11/2020 | FRANCE | N°19NC00944

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 17 novembre 2020, 19NC00944


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 1er décembre 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1700398 du 30 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 1er décembre 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2019, la SAS Tecta, représ

entée par Me D..., doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 1er décembre 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1700398 du 30 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 1er décembre 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2019, la SAS Tecta, représentée par Me D..., doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700398 du tribunal administratif de Strasbourg du 30 janvier 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. E... ;

3°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité pour défaut de signature de la minute ;

- le ministre du travail n'a pas commis d'erreur de droit, dès lors que, compte tenu des effectifs de l'entreprise, le mandat de délégué du personnel de M. E... lui permettait d'être également délégué syndical ;

- les autres moyens invoqués par M. E... au soutien de sa demande n'étaient pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 mars 2020, M. B... E... représenté par Me F..., doit être regardé comme concluant au rejet de la requête, à l'annulation par la voie de l'appel incident du jugement de première instance, en tant qu'il a retenu uniquement le moyen tiré du défaut de mention de son mandat de délégué syndical, à l'exclusion de ses autres moyens de légalité, à la condamnation de l'Etat aux " entiers frais et dépens de la procédure " et à la mise à sa charge d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête n'est pas fondée ;

- la décision du 1er décembre 2016 est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'il n'a pas été entendu individuellement dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique ;

- le motif économique du licenciement n'est pas justifié, la cessation d'activité de la SAS Tecta n'étant ni totale, ni définitive ;

- le comportement de la société mère à l'égard de la SAS Tecta caractérise une situation de co-emploi ;

- les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et celles de la directive n° 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, ont été méconnues ;

- l'employeur n'a pas satisfait à son obligation en matière de reclassement.

Par un mémoire, enregistré le 28 avril 2020, la ministre du travail demande à la cour de faire droit à la requête de la SAS Tecta.

Elle soutient que les moyens invoqués par M. E... dans sa demande de première instance ne sont pas fondés.

Par un courrier du 13 octobre 2020, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article R.611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de fonder son arrêt sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de l'appel incident de M. E..., qui est dirigé, non pas contre le dispositif du jugement de première instance, mais contre ses motifs.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me F... pour M. E....

Considérant ce qui suit :

1. Appartenant au groupe allemand Rosenberger, qui regroupe actuellement six sociétés implantées en France, en Allemagne et en Suisse, la SAS Tecta, dont le siège social se trouvait à Ottmarsheim (Haut-Rhin), était spécialisée dans le découpage de l'acier destiné aux équipements industriels lourds. Elle employait quarante-deux salariés, dont M. B... E.... Engagé le 2 octobre 1995 en qualité de pontier, ce dernier exerçait, en outre, le mandat de délégué du personnel titulaire et de délégué syndical et bénéficiait, en conséquence, du statut de salarié protégé. Confrontés à des difficultés économiques, la SAS Tecta a été conduite, en décembre 2015, à envisager une cessation totale et définitive de son activité, impliquant ainsi la suppression de la totalité des postes de travail. Le 1er mars 2016, elle a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de procéder au licenciement de M. E... pour motif économique. Par une décision du 29 avril 2016, le directeur adjoint du travail de la 14ème section de l'unité de contrôle n° 2 de l'unité territoriale du Haut-Rhin a refusé de faire droit à cette demande. La SAS Tecta a formé contre cette décision, par un courrier du 22 juin 2016, reçu le lendemain, un recours hiérarchique. Le 1er décembre 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, retiré la décision implicite de rejet résultant de son silence, d'autre part, annulé pour erreur de droit la décision du directeur adjoint du travail du 29 avril 2016, enfin, autorisé le licenciement pour motif économique du salarié. M. E... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 1er décembre 2016. La SAS Tecta relève appel du jugement n° 1700398 du 30 janvier 2019, qui annule pour erreur de droit la décision du 1er décembre 2016.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Lorsque la minute du jugement de première instance ne comporte pas l'ensemble des signatures requises, la décision juridictionnelle contestée doit être annulée comme irrégulière. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement a été signée par la présidente de la formation de jugement, par le rapporteur et par la greffière d'audience. La circonstance que l'expédition de ce jugement, qui a été notifié à la partie appelante, ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de celui-ci. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2143-6 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un délégué du personnel comme délégué syndical. ".

5. Pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte chacune des fonctions représentatives du salarié. Par suite, il appartient à l'employeur de porter à sa connaissance l'ensemble des mandats détenus par l'intéressé. La circonstance que la demande d'autorisation de licenciement ou la décision autorisant le licenciement ne fasse pas mention de l'un de ces mandats ne suffit pas, à elle seule, à établir que l'administration n'a pas, comme elle le doit, exercé son contrôle en tenant compte de chacun des mandats détenus par le salarié protégé, lorsqu'il est établi que l'administration, ayant eu connaissance, au moment où elle s'est prononcée, de chacun des mandats détenus par l'intéressé, a été mise à même de les prendre en compte.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 26 février 2014, reçu le 28 février 2014, l'organisation syndicale de M. E... a informé le représentant légal de la SAS Tecta de la désignation de l'intéressé comme délégué syndical avec effet immédiat. Or, dans son recours hiérarchique formé contre la décision du 29 avril 2016 refusant d'autoriser le licenciement de M. E..., la SAS Tecta n'a mentionné que le mandat de délégué du personnel titulaire du salarié, omettant celui de délégué syndical. Ni le rapport de contre-enquête établi le 7 octobre 2016 dans le cadre de ce recours hiérarchique, ni la décision du 29 avril 2016 du directeur adjoint du travail, ni celle du 1er décembre 2016 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ne font mention d'un tel mandat. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que l'administration du travail aurait eu connaissance, au moment où elle s'est prononcée, de l'existence de ce mandat. En particulier, la SAS Tecta ne saurait utilement se prévaloir des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 2143-6 du code du travail, dès lors que la possibilité reconnue aux organisations syndicales représentatives dans les établissements de moins de cinquante salariés de désigner, pour la durée de son mandat, un délégué du personnel comme délégué syndical ne constitue pour elles qu'une simple faculté. Dans ces conditions, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social n'a pas été mis à même de procéder aux contrôles qu'il était tenu d'exercer compte tenu notamment des exigences propres au mandat de délégué syndical de M. E.... Par suite, la SAS Tecta n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé pour erreur de droit la décision du 1er décembre 2016.

Sur l'appel incident de M. E... :

7. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges, après avoir constaté que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social n'avait pas été mis à même, au moment de se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. E..., de prendre en considération son mandat de délégué syndical, ont annulé la décision du 1er décembre 2016 pour erreur de droit et ont mis à la charge de l'Etat le versement au demandeur d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le dispositif du jugement de première instance donnait ainsi entièrement satisfaction à l'intéressé. Si M. E..., par la voie de l'appel incident, sollicite l'annulation du jugement en tant qu'il a retenu le moyen tiré de l'erreur de droit et demande à la cour de lui substituer un autre motif d'annulation, de telles conclusions, qui ne sont pas dirigées contre le dispositif, mais contre les motifs du jugement, sont irrecevables. Par suite, alors que le demandeur n'a pas hiérarchisé ses conclusions présentées devant les premiers juges selon la cause juridique à laquelle se rattachaient les moyens d'annulation invoqués par lui, cet appel incident ne peut qu'être rejeté.

Sur les dépens :

8. La présente instance n'ayant pas généré de dépens, les conclusions présentées par M. E... en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur les frais de justice

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Tecta demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Tecta est rejetée.

Article 2 : La SAS Tecta versera à M. E... la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. E... à fin d'appel incident et à fin d'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Tecta, à M. B... E..., et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00944
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE BESANCON

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-17;19nc00944 ?
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