Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Construction Petri a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 29 février 2016 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge une contribution spéciale d'un montant de 35 200 euros et une contribution forfaitaire d'un montant de 2 398 euros, ainsi que la décision du 23 juin 2016 portant rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1604265 du 9 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mars 2019, la société Construction Petri, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 janvier 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 29 février 2016 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge une contribution spéciale d'un montant de 35 200 euros et une contribution forfaitaire d'un montant de 2 398 euros, ainsi que la décision du 23 juin 2016 portant rejet de son recours gracieux présenté le 26 avril 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration les entiers dépens ainsi que la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 29 février 2016 et le rejet de son recours gracieux du 23 juin 2016 sont entachés d'incompétence de leurs signataires ;
- les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail ne peuvent s'appliquer dès lors qu'en l'espèce il s'agissait d'un cas d'entraide familiale sans qu'aucune relation de travail ne puisse être caractérisée ;
- la décision du 29 février 2016 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a agi de bonne foi et sans intention délictuelle ;
- la sanction est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société requérante la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Construction Petri ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Lors d'un contrôle inopiné effectué le 6 août 2015 sur un chantier de construction de logements collectifs à Dorlisheim " Le Clos des Vignes ", le contrôleur du travail a constaté la fuite de deux ouvriers alors en situation de travail. Un procès-verbal d'infraction a été transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) pour emploi de ressortissants étrangers non autorisés à travailler sur le territoire français. La société Construction Petri a été invitée à présenter ses observations par courrier du 22 décembre 2015, auquel elle a répondu le 3 février 2016. Par une décision du 29 février 2016, la société requérante s'est vue infliger par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), d'une part, la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, pour un montant de 35 200 euros et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine prévue par l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 398 euros. Elle a alors formé un recours gracieux le 26 avril 2016 auquel l'Office français de l'immigration et de l'intégration a répondu défavorablement le 23 juin 2016. La société Construction Petri relève appel du jugement du 9 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 29 février 2016 et 23 juin 2016.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, la société requérante reprend en appel le même moyen qu'invoqué en première instance et tiré de ce que la décision du 29 février 2016 et celle du 23 juin 2016 portant rejet de son recours gracieux ont été prises par une autorité incompétente. Il y a lieu, de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus aux points 2, 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg.
3. En second lieu, aux termes de l'article L 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L 8253-1 du même code dans sa rédaction applicable à la date des décisions contestées: " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. (...). Aux termes de l'article L 8271-8 du code du travail : " Les infractions aux interdictions du travail dissimulé sont constatées au moyen de procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire (...) ". Enfin aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date des décisions contestées : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) ".
4. D'une part, l'infraction aux dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail est constituée du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. D'autre part, la qualification de contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont entendu donner à la convention qui les lie mais des seules conditions de fait dans lesquelles le travailleur exerce son activité. A cet égard, la qualité de salarié suppose nécessairement l'existence d'un lien juridique de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie, le contrat de travail ayant pour objet et pour effet de placer le travailleur sous la direction, la surveillance et l'autorité de son cocontractant, lequel dispose de la faculté de donner des ordres et des directives, de contrôler l'exécution dudit contrat et de sanctionner les manquements de son subordonné. Dès lors, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.
5. Il résulte de l'instruction et notamment des énonciations des procès-verbaux produits en défense, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que les investigations menées par les services de gendarmerie ont permis d'identifier que les deux travailleurs en fuite sur le chantier, de nationalité kosovare, étaient dépourvus de titres les autorisant à travailler en France et n'avaient fait l'objet d'aucune déclaration préalable. D'autres ouvriers présents également sur le chantier, ont confirmé que ces deux personnes étaient affectées au gros oeuvre. Auditionnés par la gendarmerie nationale le 6 août 2015, M. A... et M. B..., qui seraient respectivement le beau-frère et le cousin du gérant de la société Construction Petri, ont confirmé travailler sur ce chantier et ont reconnu avoir pris la fuite lors du contrôle car ils savaient ne pas être en règle au regard de la législation française. M. A... a également admis percevoir 50 euros par jour travaillé ainsi que d'autres compensations, tandis que M. B... a déclaré avoir reçu de l'argent par M. G..., lequel lui offrait également le gite, le couvert et de quoi s'habiller. Ces éléments suffisent à établir que la situation de ces deux ouvriers ne relève pas d'une simple entraide familiale mais que ces derniers exercent une activité professionnelle dans des conditions traduisant l'existence, à l'égard de la société Construction Petri, d'un lien de subordination de nature à caractériser une relation de travail. La société requérante ne peut utilement invoquer l'absence d'élément intentionnel, ni sa prétendue bonne foi, ni la circonstance que M. A... ait finalement signé un contrat à durée déterminée à compter du 10 décembre 2015, ces circonstances étant sans influence sur la matérialité des faits. Par suite, l'OFII n'a commis ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation en appliquant à la société Construction Petri, s'agissant de ces deux salariés, la contribution spéciale et la contribution forfaitaire des frais de réacheminement de l'étranger dans leur pays d'origine.
6. Lorsque le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre une décision mettant à la charge d'un contrevenant la contribution spéciale sur le fondement des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, il lui appartient, après avoir contrôlé les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, de décider, selon le résultat de ce contrôle, soit de maintenir le taux retenu, soit de lui substituer celui des deux autres taux qu'il estime légalement justifié, soit, s'il n'est pas établi que l'employeur se serait rendu coupable des faits visés au premier alinéa de l'article L. 8251-1 précité du code du travail, de le décharger de la contribution spéciale.
7. Il résulte de ce qui a été indiqué au point 4 que l'infraction d'emploi d'un étranger sans autorisation de travail est caractérisée et justifie que soit mise à la charge de la société Construction Petri la contribution spéciale. Par ailleurs, la société Construction Petri n'établit, ni même n'allègue, entrer dans l'un des cas de minoration de la contribution spéciale prévus par les dispositions des articles L. 8253-1 et R. 8253-2 du code du travail. Par suite, le moyen tiré de ce que le montant de la contribution spéciale mise à la charge de la société Construction Petri serait disproportionné au égard aux faits retenus et à l'absence d'élément intentionnel doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Construction Petri n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Construction Petri demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Construction Petri une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Construction Petri est rejetée.
Article 2 : La société Construction Petri versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Construction Petri et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
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N° 19NC00676