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29/10/2020 | FRANCE | N°19NC00584

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 29 octobre 2020, 19NC00584


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Handicap Intercommunal et l'association des paralysés de France-Marne ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2017 par lequel le maire de Suippes a autorisé l'ouverture au public de l'établissement situé 15 place de l'hôtel de ville, siège de la communauté de communes de Suippes et Vesle.

Par un jugement n° 1702128 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

P

rocédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée, sous le n° 19NC00584, le 26 février 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Handicap Intercommunal et l'association des paralysés de France-Marne ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2017 par lequel le maire de Suippes a autorisé l'ouverture au public de l'établissement situé 15 place de l'hôtel de ville, siège de la communauté de communes de Suippes et Vesle.

Par un jugement n° 1702128 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée, sous le n° 19NC00584, le 26 février 2019, l'Association APF France handicap, venant aux droits de l'association des paralysés de France, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 décembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2017 par lequel le maire de Suippes a autorisé l'ouverture au public de l'établissement situé 15 place de l'hôtel de ville, siège de la communauté de communes de Suippes et Vesle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir au regard de l'incidence de l'arrêté du 18 septembre 2017 sur les intérêts moraux, sociaux et matériels, ainsi que sur l'effectivité des droits des personnes handicapées, dont la défense entre dans ses missions statutaires ;

- c'est à tort que le tribunal a refusé de constater la situation d'inaccessibilité de l'établissement en cause, destiné à recevoir du public ;

- en vertu de l'arrêté du 1er août 2006 fixant les dispositions prises pour l'application des articles R. 111-19 à R. 111-19-3 et R. 111-19-6 du code de la construction et de l'habitation relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public lors de leur construction ou de leur création et l'article 7.2 de l'arrêté du 20 avril 2017 interdisaient qu'un appareil élévateur puisse remplacer un ascenseur en l'absence de dérogation ;

- l'avis de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité et le respect des règles d'accessibilité prévues au code de la construction et de l'habitation conditionne la légalité du permis de construire et l'autorisation d'ouverture d'un établissement recevant du public ;

- l'arrêté du maire de Suippes du 18 septembre 2017 méconnait les articles 9 et 27, pris séparément et en combinaison, de la convention relative aux droits des personnes handicapées signée par la France le 30 mars 2007 ;

Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2019, la commune de Suippes, représentée par Me B..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mis à la charge de l'association APF France handicap le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que l'appel de l'association requérante n'est pas recevable et que les moyens soulevés par celle-ci ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle indique s'approprier l'ensemble des écritures produites devant la cour par la commune de Suippes et fait valoir que les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention des Nations Unies du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la commune de Suippes.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 septembre 2017, le maire de Suippes a autorisé l'ouverture, en tant qu'établissement recevant du public, du bâtiment érigé par la communauté de communes sur le territoire de la commune de Suippes et destiné à recevoir le siège de la communauté de communes ainsi qu'un centre des finances publiques. L'association APF France handicap relève appel du jugement du 13 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 18 septembre 2017 :

2. Aux termes de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation : " Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d'habitation, qu'ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique, dans les cas et selon les conditions déterminés aux articles L. 111-7-1 à L. 111-7-11 (...) ". Aux termes de l'article L. 111-8-3 du même code : " L'ouverture d'un établissement recevant du public est subordonnée à une autorisation délivrée par l'autorité administrative après contrôle du respect des dispositions de l'article L. 111-7 ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la communauté de communes de Suippes et Vesle a sollicité la délivrance d'un permis de construire en vue de la réalisation d'un bâtiment situé 15 place de l'Hôtel de ville à Suippes, destiné à recevoir le siège de la communauté de communes ainsi qu'un centre des finances publiques. Par un arrêté du 25 juin 2014, le maire de Suippes a délivré ce permis de construire. Le commencement des travaux ayant révélé une hauteur de la nappe phréatique supérieure à celle estimée et, partant, un risque majeur d'inondation, la communauté de communes de Suippes et Vesle a sollicité la délivrance d'un permis de construire modificatif destiné à autoriser le relèvement du bâtiment de 1,60 mètres et la modification de ses aménagements extérieurs, en particulier la mise en place d'un large escalier, complétée par celle d'un élévateur pour les personnes à mobilité réduite, en lieu et place d'une rampe d'accès, conformément aux préconisations émises par l'Architecte des bâtiments de France dans son avis du 10 septembre 2015 pour tenir compte de la covisibilité avec un bâtiment historique. Par un arrêté du 12 octobre 2015, le maire de Suippes a délivré à la communauté de communes de Suippes ce permis de construire modificatif, sur avis défavorable du 1er octobre 2015 de la sous-commission départementale d'accessibilité. Par son arrêté du 18 septembre 2017, pris sur le fondement de l'article L. 111-8-3, précité, du code de la construction et de l'habitation, le maire de Suippes a autorisé l'ouverture du bâtiment siège de la communauté de communes en tant qu'établissement recevant du public.

4. En premier lieu, l'association requérante ne saurait utilement se prévaloir à l'encontre de l'arrêté du maire de Suippes du 18 septembre 2017 autorisant, sur le fondement de l'article L. 111-8-3 du code de la construction et de l'habitation, l'ouverture au public du bâtiment en cause des articles R. 111-19 à R. 111-19-3 et R. 111-19-6 de ce code, qui ne régissent que la construction des établissements destinés à recevoir du public et non l'ouverture de bâtiments déjà construits, alors, au demeurant, que l'association n'a pas contesté l'arrêté du 12 octobre 2015 par lequel le maire de Suippes a délivré à la communauté de communes de Suippes et Vesle un permis de construire tenant lieu de l'autorisation de travaux prévue à l'article L. 111-8 du même code. Elle ne peut davantage se prévaloir, en tout état de cause, des arrêtés des 1er août 2006 et 20 avril 2017, pris pour l'application de ces mêmes articles réglementaires du code de la construction et de l'habitation.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la configuration du terrain sur lequel a été érigé le bâtiment, associé à la hauteur de la nappe phréatique et au risque subséquent d'inondation, qui ont justifié le relèvement du bâtiment de 1,60 mètres par rapport aux prévisions initiales, ne permettait pas d'assurer l'accessibilité au bâtiment au moyen d'une longue rampe, compte tenu de l'avis négatif de l'Architecte des bâtiments de France. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'élévateur mis en place dans ce contexte pour assurer l'accès des personnes à mobilité réduite au bâtiment ne permettrait pas de rendre ce bâtiment effectivement accessible à tous, notamment aux personnes handicapées, comme l'exigent les dispositions de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation. Il suit de là que le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit être écarté.

6. En troisième lieu, si l'association APF France handicap soutient que ce bâtiment présente une rupture de niveau de deux mètres environ entre le sol du domaine et l'entrée et devait être considéré comme un étage, elle ne précise pas en quoi cette constatation aurait pour effet d'entacher d'illégalité l'arrêté du maire de Suippes du 18 septembre 2017. Dès lors, elle ne met pas la cour à même d'apprécier la portée du moyen qu'elle invoque.

7. En quatrième lieu, l'association APF France handicap soutient également qu'il existe " une rupture de la chaine de déplacement et de l'accessibilité du fait d'un ressaut de plus de 4 cm ". Toutefois, l'association requérante n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence d'un tel ressaut, ni aucune précision sur son emplacement, alors, au demeurant, que l'accès des personnes handicapées au bâtiment est assuré, ainsi qu'il a été dit, par un élévateur. Le moyen invoqué ne peut dès lors qu'être écarté.

8. En cinquième lieu, en se bornant à soutenir que l'avis de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité et le respect des règles d'accessibilité prévues au code de la construction et de l'habitation conditionnent la légalité de l'autorisation d'ouverture d'un établissement recevant du public, l'association requérante n'établit pas l'illégalité de la décision du maire de Suippes d'autoriser l'ouverture du bâtiment.

9. En dernier lieu, l'association requérante se prévaut également des articles 9 et 27 de la convention des Nations Unies du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées, pris séparément et en combinaison. Elle ne précise cependant pas quelles stipulations de ces articles auraient été méconnues, alors, au demeurant, que ces stipulations requièrent en principe l'intervention d'actes complémentaires pour produire des effets à l'égard des particuliers et ont pour objet exclusif de régir les relations entre Etats. Par suite, le moyen invoqué doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de l'appel de l'association APF France handicap, que celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par l'association APF France handicap au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En tout état de cause, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association requérante la somme demandée par la commune de Suippes au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association APF France handicap est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Suippes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association APF France handicap et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie pour information en sera adressée au préfet de la Marne, à la commune de Suippes et à la communauté de communes de Suippes et Vesle.

2

N° 19NC00584


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00584
Date de la décision : 29/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-003 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : LEFEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-10-29;19nc00584 ?
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