Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI " De Guise " a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 6 mai 2015 en vue du recouvrement de la somme de 2 489 euros au titre de la redevance d'archéologie préventive et, d'autre part, de la décharger du paiement de cette somme.
Par un jugement n° 1801377 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le titre de perception du 6 mai 2015 et déchargé la SCI " De Guise " du paiement de la somme de 2 489 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC00384 le 8 février 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 octobre 2018 ;
2°) de rejeter la demande de la SCI " De Guise ".
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors qu'il n'a pas précisé l'objet du permis de construire délivré à la SCI " De Guise ", ni mentionné la date de la location de la carrière couverte, alors que cette date est postérieure au permis de construire et à l'achèvement de la carrière ;
- la SCI " De Guise " ne pouvait pas bénéficier de l'exonération prévue au 3° de l'article L. 331-7 du code de l'urbanisme, dès lors que le permis de construire du 11 avril 2014 a été accordé pour réaliser une carrière couverte qui n'a pas un caractère agricole et a été réalisée conformément au permis de construire ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation des faits en considérant, d'une part, que la construction autorisée était destinée à héberger des chevaux et avait été donné en location à une société civile agricole et, d'autre part, que la décision du 22 janvier 2016 refusant d'appliquer l'exonération de la redevance d'archéologie préventive était fondée sur l'absence de qualité d'exploitant agricole de la " SCI De Guise " propriétaire des locaux en cause.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2019, la SCI " De Guise ", représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable, pour tardiveté ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 15 juin 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 6 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 novembre 2013, la SCI " De Guise " a présenté une demande de permis de construire en vue de la réalisation d'une carrière couverte destinée à la rééducation des chevaux d'une clinique vétérinaire, sur un terrain situé sur le territoire de la commune de Remerling-les-Puttelange (Moselle). Le permis de construire sollicité lui a été délivré le 11 avril 2014. La SCI " De Guise " a été ultérieurement destinataire d'un titre de perception, émis à son encontre le 6 mai 2015, en vue du recouvrement de la somme de 2 489 euros au titre de la redevance d'archéologie préventive. Par un courrier du 17 juillet 2015, elle a sollicité le dégrèvement total de cette redevance. Sa réclamation préalable ayant été rejetée par le préfet de la Moselle le 22 janvier 2016, elle a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler le titre de perception émis le 6 mai 2015 en vue du recouvrement de la somme de 2 489 euros due au titre de la redevance d'archéologie préventive et, d'autre part, de la décharger du paiement de cette somme. Le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales fait appel du jugement du 25 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le titre de perception du 6 mai 2015 et déchargé la SCI " De Guise " du paiement de la somme de 2 489 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Après avoir cité le 3° de l'article L. 331-7 du code de l'urbanisme, ainsi que le a de l'article L. 524-2 du code du patrimoine et le 1° de L. 524-3 du même code, qui mentionne les surfaces exonérées de la redevance d'archéologie préventive, le tribunal administratif de Strasbourg a précisé, au point 2 du jugement attaqué, qu'il résulte de ces dispositions " que sont exonérées de la redevance d'archéologie préventive, les surfaces de plancher des locaux destinés à héberger les animaux et qui se trouvent au sein d'une exploitation agricole " et, au point 3 du même jugement, " que la carrière couverte, pour la réalisation de laquelle un permis de construire a été délivré, est destinée à héberger des chevaux et qu'elle a été donnée en location, par la pétitionnaire, à une société civile d'exploitation agricole. Contrairement aux allégations du préfet de la Moselle, il ne résulte pas des dispositions précitées que le bénéfice de l'exonération soit subordonné à la qualité d'exploitant agricole du propriétaire des locaux en cause. Par suite, en refusant d'accorder l'exonération sollicitée au seul motif que la SCI " De Guise " a pour activité la location de terrains et autres biens immobiliers, le préfet de la Moselle a commis une erreur de droit ". Ainsi, le jugement attaqué est suffisamment motivé, nonobstant la circonstance qu'il n'a pas précisé l'objet du permis de construire délivré en 2014 à la SCI " De Guise ", ni mentionné la date de la location de la carrière couverte.
3. Par suite, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 331-7 du code de l'urbanisme : " Sont exonérés de la part communale ou intercommunale de la taxe : (...) 3° Dans les exploitations et coopératives agricoles, les surfaces de plancher des serres de production, celles des locaux destinés à abriter les récoltes, à héberger les animaux, à ranger et à entretenir le matériel agricole, celles des locaux de production et de stockage des produits à usage agricole, celles des locaux de transformation et de conditionnement des produits provenant de l'exploitation et, dans les centres équestres de loisir, les surfaces des bâtiments affectées aux activités équestres ; (...) ". Aux termes de l'article L. 524-2 du code du patrimoine : " Il est institué une redevance d'archéologie préventive due par les personnes, y compris membres d'une indivision, projetant d'exécuter des travaux affectant le sous-sol et qui : a) Sont soumis à une autorisation ou à une déclaration préalable en application du code de l'urbanisme ; (...) ". Aux termes de l'article L. 524-3 du même code : " Sont exonérés de la redevance d'archéologie préventive : 1° Lorsqu'elle est perçue sur les travaux mentionnés au a de l'article L. 524-2, les constructions et aménagements mentionnés aux 1° à 3° et 7° à 9° de l'article L. 331-7 du code de l'urbanisme ; (...) ". Aux termes de l'article L. 524-4 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le fait générateur de la redevance d'archéologie préventive est : a) Pour les travaux soumis à autorisation ou à déclaration préalable en application du code de l'urbanisme, la délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions combinées que les surfaces de plancher des locaux destinés à héberger les animaux sont exonérées de la redevance d'archéologie préventive, lorsqu'elles se situent dans une exploitation ou une coopérative agricole, sans qu'il soit nécessaire que la personne projetant d'exécuter des travaux soumis à autorisation ait elle-même la qualité d'exploitant agricole.
6. D'une part, si, dans sa décision du 22 janvier 2016, le préfet de la Moselle mentionne que l'autorisation concernée porte sur la construction d'une carrière couverte pour la rééducation des chevaux d'une clinique vétérinaire, il y justifie ensuite son refus de décharger la SCI " De Guise " de la redevance d'archéologie préventive, ainsi d'ailleurs que de la taxe d'aménagement, par la circonstance que la demande de permis de construire avait été déposée par cette SCI, " dont l'activité est la location de terrains et d'autres biens immobiliers " et " de ce fait n'entre pas dans le champ d'application du 3° de l'article 331-7 du code de l'urbanisme ". Ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, le préfet a justifié le titre de perception attaqué par le seul motif qu'elle ne pouvait pas être exonérée de cette redevance, dès lors qu'elle n'avait pas la qualité d'exploitant agricole. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt que ce motif, qui doit être regardé comme fondant le titre de perception, est entaché d'une erreur de droit.
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la carrière couverte pour la réalisation de laquelle un permis de construire avait été délivré à la SCI " De Guise " le 11 avril 2014 était destinée à " la rééducation des chevaux de la clinique vétérinaire SCI De Guise ". Ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, la construction autorisée était destinée à héberger des chevaux, la rééducation des équidés nécessitant, au moins pour la durée de cette rééducation, leur hébergement dans la carrière couverte. De plus, l'activité de rééducation des chevaux, qui est une composante de l'activité d'élevage et implique la réalisation d'opérations s'insérant dans le cycle biologique de développement des animaux, présente ainsi un caractère agricole, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la SCI " De Guise " avait précisé, dans la déclaration des éléments nécessaires au calcul des impositions pour les demandes de permis de construire et permis d'aménager, présentée dans sa demande de permis de construire, que la construction de la carrière couverte de 874 m² correspondait à la rubrique " Entrepôts et hangars faisant l'objet d'une exploitation commerciale et non ouverts au public ", et non aux rubriques intitulées " Dans les exploitations et coopératives agricoles " ou, d'ailleurs, " Dans les centres équestres " de cette déclaration. Au demeurant, si la SCI " De Guise " a postérieurement donné ladite carrière couverte en location à une société civile d'exploitation agricole, la SCEA ALCEA K.L.Y., pour qu'elle y exerce son activité d'" élevage de chevaux - centre équestre ", laquelle comprend l'insémination, le travail des chevaux, leur éducation, la valorisation des chevaux produits et l'hébergement des équidés, et si l'activité de centre équestre exercée par la SCEA ALCEA K.L.Y. est de nature commerciale, d'une part, les surfaces ainsi louées restent destinées à l'hébergement des chevaux et, d'autre part, l'activité d'élevage de chevaux, qui comporte notamment, ainsi qu'il a été dit plus haut, la production des animaux par insémination et la valorisation des chevaux produits, présente également un caractère agricole, dès lors qu'elle implique la réalisation d'opérations s'insérant dans le cycle biologique de développement des animaux. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la SCI " De Guise " ne pouvait pas bénéficier de l'exonération prévue au 3° de l'article L. 331-7 du code de l'urbanisme.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la SCI " De Guise ", que le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le titre de perception du 6 mai 2015 et déchargé la SCI " De Guise " du paiement de la somme de 2 489 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la SCI " De Guise " au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SCI " De Guise " une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la SCI " De Guise ".
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 19NC00384