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29/09/2020 | FRANCE | N°20NC00619

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 29 septembre 2020, 20NC00619


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et lui a interdit le retour en France pendant un an.

Par un jugement n° 1904931 du 24 septembre 2019, le magistrat désigné par le prés

ident du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et lui a interdit le retour en France pendant un an.

Par un jugement n° 1904931 du 24 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2020, M. E... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904931 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 24 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 5 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, sous astreinte de cent euros par jour de retard, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement de l'attestation de demande d'asile est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ayant méconnu l'étendue de sa compétence ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de l'attestation de demande d'asile ;

- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant à tort en situation de compétence liée pour l'obliger à quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant fixation du pays de destination est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle au regard des risques encourus dans le pays d'origine ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistrée le 28 mai 2020, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est un ressortissant géorgien, né le 5 mai 1977. Il est entré régulièrement en France, le 18 février 2019, sous couvert d'un passeport biométrique, accompagné de sa fille mineure, née le 7 novembre 2002. Examinée en procédure accélérée, sa demande d'asile, déposée le 20 février 2019, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 17 avril 2019. L'intéressé ne bénéficiant plus du droit de se maintenir sur le territoire français, conformément aux dispositions du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Bas-Rhin, par un arrêté du 5 juin 2019, a refusé de lui renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et lui a interdit le retour en France pendant un an. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 juin 2019. Il relève appel du jugement n° 1904931 du 24 septembre 2019, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement d'une attestation de demande d'asile :

2. En premier lieu, contrairement aux allégations de M. B..., la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des motifs de la décision en litige que le préfet du Bas-Rhin a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B..., notamment au regard des risques encourus dans le pays d'origine. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen ne peut être accueilli.

4. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ; (...) ".

5. S'il résulte de ces dispositions que le refus de renouvellement de l'attestation de demande d'asile, lorsque l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une décision de rejet en application du I ou du 5° du III de l'article L. 732-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constitue une simple faculté pour l'autorité administrative, il ne ressort pas des pièces du dossier et, plus particulièrement, des motifs de la décision en litige que le préfet du Bas-Rhin aurait méconnu l'étendue de sa compétence à cet égard. Par suite, en refusant de renouveler l'attestation de demande d'asile de M. B..., ainsi qu'il lui était loisible de le faire, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit, ni fait une inexacte application des dispositions du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de l'attestation de demande d'asile.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation, dont elle serait entachée, doit être écarté.

9. En troisième lieu, il ne ressort pas des motifs de la décision en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Bas-Rhin se serait cru à tort en situation de compétence liée pour prononcer à l'encontre de M. B... la mesure d'éloignement contestée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut être accueilli.

10. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. M. B... fait valoir que son épouse et son fils mineur résident sur le territoire français et produit, au soutien de ses allégations, l'attestation de demande d'asile de celle-ci, délivrée le 4 septembre 2019 et valable jusqu'au 3 mars 2020. Toutefois, il n'est pas contesté que les intéressés ne sont entrés en France qu'au mois d'août 2019 et que le requérant vivait donc seul avec sa fille à la date de la décision en litige. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que M. B... a indiqué aux services de la préfecture être séparé de son épouse. Enfin, le requérant, qui n'est présent sur le territoire français que depuis le 18 février 2019, n'établit pas être isolé dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-et-un ans. Par suite, et alors que la décision en litige n'a, ni pour objet, ni pour effet, de séparer le père de sa fille, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

12. En premier lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation.

13. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, il ressort des motifs de la décision en litige que le préfet du Bas-Rhin a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B..., notamment au regard des risques encourus dans le pays d'origine. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen ne peut être accueilli.

14. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

15. Si M. B... fait valoir que lui et sa famille ont été victimes de menaces en Géorgie en raison de ses engagements politiques, il n'apporte aucun élément permettant d'établir que lui et sa fille risqueraient d'être exposés, en cas de retour en Géorgie, à des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par les dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et alors que, au demeurant, la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 17 avril 2019 et par la Cour nationale du droit d'asile le 18 octobre 2019, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et des dispositions en cause ne peuvent qu'être écartés.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 5 juin 2019. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

N° 20NC00619 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00619
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-09-29;20nc00619 ?
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